Royaume-Uni : un accord historique entre leaders juifs et musulmans présenté au roi Charles III

Le roi Charles III a reçu, mardi 11 février au Palais de Buckingham, les douze leaders religieux juifs et musulmans à l’initiative des accords de Drumlanrig. Alors que les relations entre juifs et musulmans se sont sérieusement dégradées après les attaques du 7 octobre 2023 et l’offensive militaire israélienne qui s'en est suivie à Gaza, ce document historique, finalisé en janvier dernier au cours d’une retraite dans un château écossais par des imams et des rabbins, « établit un cadre structuré pour une collaboration durable entre musulmans et juifs », a indiqué dans un communiqué le Bureau pour l’Ecosse, relié au ministère britannique de la Justice.

« Cette initiative représente un engagement profond et durable des communautés juives et musulmanes du Royaume-Uni pour renforcer les relations, promouvoir la compréhension et travailler ensemble pour le bien commun », a-t-il détaillé au lendemain de la présentation de l'initiative au souverain.

Pour Ian Murray, secrétaire d'État pour l'Écosse, présent au château de Drumlanrig pour la signature de ces accords avec le ministre britannique chargé des Affaires religieuses Wajid Khan, « il s’agit d’un moment très important dans les relations interconfessionnelles (…) et j’ai été impressionné par la profondeur de l’engagement de toutes les parties pour assurer la réconciliation et des relations positives ».

L’initiative, qui est présentée comme apolitique par les signataires, a été lancée au départ par l’imam Sayed Razawi, un imam d’obédience chiite qui a notamment fondé l’Alliance sunnite-chiite en Ecosse en 2016. Il a rapidement été rejoint par des leaders musulmans, aussi bien chiites que sunnites, très impliqués dans le dialogue interreligieux, à l’instar de l’imam Qari Asim. Du côté des religieux juifs, on compte parmi les signataires le grand rabbin britannique Sir Ephraim Mirvis et des figures du judaïsme libéral comme Josh Levy et Charley Baginsky.

« Les communautés musulmanes et juives du monde entier partagent un profond héritage spirituel. Les deux traditions sont ancrées dans le monothéisme, le caractère sacré de la vie et l’engagement en faveur de la justice », lit-on en introduction du document. Et d’ajouter : « Les tensions mondiales, en particulier au Moyen-Orient, mettent souvent à rude épreuve les relations entre ces communautés, ce qui conduit à des malentendus et à des fractures au niveau local. En temps de crise, ces fractures peuvent aggraver l’islamophobie, l’antisémitisme et la polarisation sociétale. (…) Cela souligne le besoin urgent d’un dialogue soutenu, d’une compréhension mutuelle et d’une collaboration concrète. Ensemble, nous affirmons les principes de coexistence, de paix et d’engagement commun envers la justice et la compassion. »

Face aux tensions au Proche-Orient et à leurs répercussions négatives sur les relations entre musulmans et juifs au Royaume-Uni, les deux communautés sont appelées à « promouvoir le dialogue et à réaffirmer notre engagement commun en faveur de la paix et de la compréhension mutuelle ». Les chefs religieux s’engagent ainsi à « s’abstenir de toute rhétorique, stéréotype et action nuisible qui créent des divisions, tout en préservant la liberté d’expression ». Ils ambitionnent aussi à mettre en place des initiatives éducatives communes contre l’islamophobie et l’antisémitisme.

Les accords de Drumlanrig pourraient aboutir à la création d’un conseil réunissant imams et rabbins pour, entre autres missions, « servir de médiateur dans les conflits et favoriser la réconciliation en période de tensions », « développer le potentiel de déclarations publiques communes lors des crises au Moyen-Orient, en offrant un réconfort et mettant l'accent sur les valeurs communes de paix » et « superviser les projets communs ».

Dans une déclaration adressée aux médias, Sir Ephraim Mirvis, qui représente le courant orthodoxe, a indiqué que les accords de Drumlanrig représentent « une première étape audacieuse vers la reconstruction d’une confiance significative entre les communautés musulmanes et juives à long terme ».

« Ils ne passent pas sous silence nos différences, ils les reconnaissent. Mais ils envoient également un message puissant : en temps de division, lorsqu’il est beaucoup plus facile de se réfugier dans la peur et la suspicion, nous sommes prêts à emprunter le chemin le plus difficile vers la réconciliation. Nous le faisons non pas parce que c’est facile, mais parce que c’est nécessaire », a affirmé le rabbin, qui espère que l’initiative saura être une source d’inspiration telle « qu’au fil du temps, nous puissions instaurer une plus grande confiance et une plus grande cohésion sociale au Royaume-Uni et au-delà ».

« En tant que croyants, nous avons le devoir de nous élever au-dessus des divisions et de diriger avec sagesse, compassion et unité », a déclaré, pour sa part, Sayed Razawi. « Cet accord n’est pas seulement une déclaration, c’est un engagement à la guérison, au dialogue et à la résolution de désaccords. »

L'archevêque de Westminster, primat d'Angleterre et du Pays de Galles, le cardinal Vincent Nichols, a salué une initiative judéo-musulmane « visant à œuvrer ensemble pour le bien commun ». « D’après mon expérience, le développement de liens d’amitié et de relations étroites entre les chefs religieux est un élément essentiel pour encourager la cohésion sociale et les bonnes relations interconfessionnelles dans ce pays », a-t-il ajouté, qui se réjouit de « poursuivre (sa) collaboration avec tous les dirigeants pour garantir que la foi continue de jouer un rôle essentiel dans une société saine ».

Lire aussi :
Couronnement de Charles III : des actes forts pour asseoir le titre de défenseur de toutes les fois
Couronnement de Charles III : zoom sur le rapport du roi à l'islam et au dialogue interreligieux
Après la mort de la reine Elizabeth II, les hommages émouvants des musulmans britanniques