Faut-il céder à la pression de militants qui exigent la déprogrammation d’un film en le qualifiant de « blasphématoire » et d'« irrespectueux », ou bien doit-on défendre la liberté d’expression ? Face à une foule d’hommes en colère, le manager d’un cinéma de Sheffield, dans le nord de l'Angleterre, ne s’est pas posé la question trop longtemps. Dans une vidéo publiée sur Twitter, on le voit qui annonce dans un premier temps que le film est déprogrammé pour la semaine. Puis, face aux réactions hostiles, qu’il est retiré de façon définitive.
Mardi 7 juin, le groupe Cineworld, qui possède les salles concernées, a déprogrammé The Lady of Heaven (La Dame du Paradis), un long-métrage sur la fille du Prophète Muhammad, après avoir constaté la multiplication de manifestations identiques devant les salles de cinéma qui proposaient le film dans différentes villes du Royaume-Uni. Le communiqué de la direction précise que cette décision a été prise pour « assurer la sécurité de nos équipes et des clients ».
Il est vrai que la situation devenait préoccupante. Une pétition en ligne réclamant le retrait du film qualifié de « blasphématoire », « irrespectueux » et « raciste » avait déjà récolté plus de 117 000 signatures en date du 7 juin, selon le journal britannique The Guardian. Aujourd'hui, elle culmine à plus de 127 000 signatures. Cela n’a pas empêché Claire Fox, qui siège à la Chambre des Lords en tant que Baronne Fox de Buckley, de publier un tweet sur « la dérive de lois extra-parlementaires sur le blasphème ».
« Les arguments de la cancel culture du type "Je trouve cela offensant" sont maintenant utilisés bien plus largement que par les seuls militants dans les campus. C’est désastreux pour l’art, dangereux pour la liberté de parole et une leçon pour ceux qui affirment que les revendications identitaires ne sont pas une menace pour la démocratie », estime-t-elle.
Mardi 7 juin, le groupe Cineworld, qui possède les salles concernées, a déprogrammé The Lady of Heaven (La Dame du Paradis), un long-métrage sur la fille du Prophète Muhammad, après avoir constaté la multiplication de manifestations identiques devant les salles de cinéma qui proposaient le film dans différentes villes du Royaume-Uni. Le communiqué de la direction précise que cette décision a été prise pour « assurer la sécurité de nos équipes et des clients ».
Il est vrai que la situation devenait préoccupante. Une pétition en ligne réclamant le retrait du film qualifié de « blasphématoire », « irrespectueux » et « raciste » avait déjà récolté plus de 117 000 signatures en date du 7 juin, selon le journal britannique The Guardian. Aujourd'hui, elle culmine à plus de 127 000 signatures. Cela n’a pas empêché Claire Fox, qui siège à la Chambre des Lords en tant que Baronne Fox de Buckley, de publier un tweet sur « la dérive de lois extra-parlementaires sur le blasphème ».
« Les arguments de la cancel culture du type "Je trouve cela offensant" sont maintenant utilisés bien plus largement que par les seuls militants dans les campus. C’est désastreux pour l’art, dangereux pour la liberté de parole et une leçon pour ceux qui affirment que les revendications identitaires ne sont pas une menace pour la démocratie », estime-t-elle.
La projection du film défendue
Malik Shlibak, le producteur du film, indique que les cinémas doivent « défendre leur droit de montrer des films que les gens veulent voir ». « Je pense que les directeurs des salles de cinémas tremblent devant la pression et prennent ces décisions pour étouffer la polémique », ajoute-t-il, en précisant que la société de production a reçu des dizaines de messages de personnes qui essayaient d’acheter des billets pour voir le film sans pouvoir en trouver.
Vue, une chaine de salles de cinéma concurrente de Cineworld, n’a pas renoncé à présenter le film à Londres et dans le sud-est de l’Angleterre. La direction n’a cependant pas répondu aux remarques qui lui ont été adressées après avoir supprimé le film dans certaines de ses salles. Un porte-parole a déclaré que la chaine « prend au sérieux les responsabilités qui sont les siennes de proposer un large choix de films. Nous estimons utile de proposer des films présentant un intérêt particulier pour diverses communautés à travers le Royaume-Uni. Mais le groupe Vue ne montre que des films approuvés par la BBFC (la Commission britannique de classification des films, ndlr). La Dame du Paradis a reçu le feu vert de la commission et est donc présentée dans un certain nombre de nos salles ».
Vue, une chaine de salles de cinéma concurrente de Cineworld, n’a pas renoncé à présenter le film à Londres et dans le sud-est de l’Angleterre. La direction n’a cependant pas répondu aux remarques qui lui ont été adressées après avoir supprimé le film dans certaines de ses salles. Un porte-parole a déclaré que la chaine « prend au sérieux les responsabilités qui sont les siennes de proposer un large choix de films. Nous estimons utile de proposer des films présentant un intérêt particulier pour diverses communautés à travers le Royaume-Uni. Mais le groupe Vue ne montre que des films approuvés par la BBFC (la Commission britannique de classification des films, ndlr). La Dame du Paradis a reçu le feu vert de la commission et est donc présentée dans un certain nombre de nos salles ».
Le premier film à aborder le personnage de Fatima Zahra
Réalisé par Eli King, ce film dramatique est sorti vendredi 3 juin dans les salles du Royaume-Uni. Il se présente comme le premier à aborder le personnage de Fatima Zahra, la fille du Prophète Muhammad et épouse d’Ali, le quatrième et dernier des califes bien guidés pour les sunnites et le premier imam pour les chiites. Le film revient d'abord sur le destin tragique d'un enfant irakien faisant face, au 21e siècle, aux affres d'une guerre ponctuée par d'innombrables crimes de Daesh. Il apprend alors l'importance et le pouvoir de la patience en découvrant l'épopée de Fatima.
Pourquoi le film est-il accusé de « blasphème » ? Un « visage » a été mis au Prophète à l’écran. Toutefois, aucun acteur ne joue ce personnage ni celui des personnages sacrées dans son entourage : les producteurs assurent que leurs visages ont été générés par ordinateur, quand ils ne sont pas représentés par des rayons de soleil éblouissants, ce qui est bien souvent le cas.
A priori, ses précautions auraient dû rassurer ces musulmans soucieux de voir appliquer l’interdiction de représenter le Prophète. Mais voilà, ce film est plutôt aligné sur une vision chiite des débuts de l'islam, ce qui suscite l'ire de militants fondamentalistes sunnites. D'autant que le scénario a été écrit par Yasser Al-Habib, un Koweitien chiite exilé au Royaume-Uni depuis 2005 après avoir été condamné dans son pays natal à de la prison pour avoir insulté des compagnons du Prophète et Aïcha, sa jeune épouse. L'homme, qui a même été déchu de sa nationalité koweïtienne, est accusé encore aujourd'hui par des détracteurs du film d'injurier des personnages sacrés de l'islam depuis sa mosquée située à Fulmer, dans le Buckinghamshire.
Mais même du côté chiite, The Lady of Heaven ne fait guère l'unanimité. Bien avant sa sortie, des responsables politiques et religieux iraniens ont critiqué un film vecteur de « divisions » entre musulmans. Il a d'ailleurs été interdit de diffusion en Iran ainsi qu'au Pakistan et en Egypte.
« Cette initiative artistique parle d’histoire et de religion, des sujets qui sont toujours confrontées à des interprétations différentes, explique Malik Shlibak. C’est normal et même très sain. Nous en sommes satisfaits et nous encourageons les gens à s’exprimer, qu’ils soient pour ou contre le film. Ce que nous ne pouvons supporter en revanche et contre quoi nous nous opposons fermement, c’est ce que les opposants essaient de faire : censurer ceux qui ne pensent pas comme eux et imposer ce que nous pourrions ou ne pourrions pas voir dans ce pays. » Il ajoute qu’ils ont le droit de protester mais que ce comportement est dangereux. « La population doit s’en rendre compte et s’y opposer parce que cela viole et met en danger leur liberté de parole. »
Pourquoi le film est-il accusé de « blasphème » ? Un « visage » a été mis au Prophète à l’écran. Toutefois, aucun acteur ne joue ce personnage ni celui des personnages sacrées dans son entourage : les producteurs assurent que leurs visages ont été générés par ordinateur, quand ils ne sont pas représentés par des rayons de soleil éblouissants, ce qui est bien souvent le cas.
A priori, ses précautions auraient dû rassurer ces musulmans soucieux de voir appliquer l’interdiction de représenter le Prophète. Mais voilà, ce film est plutôt aligné sur une vision chiite des débuts de l'islam, ce qui suscite l'ire de militants fondamentalistes sunnites. D'autant que le scénario a été écrit par Yasser Al-Habib, un Koweitien chiite exilé au Royaume-Uni depuis 2005 après avoir été condamné dans son pays natal à de la prison pour avoir insulté des compagnons du Prophète et Aïcha, sa jeune épouse. L'homme, qui a même été déchu de sa nationalité koweïtienne, est accusé encore aujourd'hui par des détracteurs du film d'injurier des personnages sacrés de l'islam depuis sa mosquée située à Fulmer, dans le Buckinghamshire.
Mais même du côté chiite, The Lady of Heaven ne fait guère l'unanimité. Bien avant sa sortie, des responsables politiques et religieux iraniens ont critiqué un film vecteur de « divisions » entre musulmans. Il a d'ailleurs été interdit de diffusion en Iran ainsi qu'au Pakistan et en Egypte.
« Cette initiative artistique parle d’histoire et de religion, des sujets qui sont toujours confrontées à des interprétations différentes, explique Malik Shlibak. C’est normal et même très sain. Nous en sommes satisfaits et nous encourageons les gens à s’exprimer, qu’ils soient pour ou contre le film. Ce que nous ne pouvons supporter en revanche et contre quoi nous nous opposons fermement, c’est ce que les opposants essaient de faire : censurer ceux qui ne pensent pas comme eux et imposer ce que nous pourrions ou ne pourrions pas voir dans ce pays. » Il ajoute qu’ils ont le droit de protester mais que ce comportement est dangereux. « La population doit s’en rendre compte et s’y opposer parce que cela viole et met en danger leur liberté de parole. »