Points de vue

Sémite : un terme improprement attribué aux juifs !

Rédigé par Hicham Rouibah | Mercredi 15 Juillet 2015 à 11:00



Différentes représentations de Sémites à travers l'art.
Toujours dans cette lutte de désamorçage terminologique des termes et expressions étayés par les médias, nous allons discuter les mots qui sont aujourd’hui indissociablement liés : « sémite », « juif » et « sioniste ».

Parmi les mots qui reviennent dans les premières pages de la presse et qui font la une des journaux télévisés : l’« antisémite ».

Pour essayer de comprendre le sens de ce célèbre mot généralement requis par la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA) et le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), j’ai fait quelques lectures dans les manuels d’Histoire et les dictionnaires de langue.

Au premier abord, je m’aperçois que le mot « sémite » désigne ce qui appartient aux peuples du Proche-Orient parlant ou ayant parlé une langue sémitique : Arabes, Hébreux, Phéniciens, Éthiopiens (amharique), Araméen (habitants de l’Aram : de la Syrie et de la Haute Mésopotamie), Babyloniens et secondairement les Berbères du Nord-Est. On comprend par là que le « sémite » n’est pas uniquement le juif, tel que les médias le présentent. Il est donc préférable de remettre le sens de ces définitions à jour. C’est hautement illogique de considérer d’une manière scientifique et confirmée que le mot « sémite » est relatif à tous ces peuples et qu’en parallèle le mot « antisémite » désigne exclusivement les attitudes hostiles envers les juifs.

Cela étant dit, on doit reconnaître que les mots « sémite » et « antisémite » signifient improprement et déraisonnablement « juif » et « antijuif ». Ainsi, les Arabes ‒ musulmans ou pas ‒ doivent vitupérer la définition du mot « sémite ». Tout simplement, ils ne peuvent être antisémites puisque eux-mêmes sont justement des sémites.

Et qu’est-ce que le révisionnisme ?

Contester ces définitions est une déconstruction du choix de ce vocabulaire qui engendre un effet pavlovien. De plus, c’est une manière de protéger et de veiller sur l’Histoire de tous ces peuples qui partagent le sémitisme. Ce dernier porte l’honneur d’avoir créé l’alphabet, et les mémoires doivent savoir qu’il ne s’agit pas uniquement de l’hébreu et des juifs mais que plusieurs langues et peuples en font partie.

De la même sorte, lorsqu’on évoque le révisionnisme, on pense instantanément au rejet de l’histoire de la Shoah (terme hébreu signifiant « catastrophe » et désignant notamment l’extermination des Juifs par les nazis) ; tandis que le révisionnisme signifie toute attitude qui consiste à critiquer et/ou à remettre en cause la valeur d’une théorie, d’une croyance, d’une idéologie, d’un système politique, d’un jugement, etc.

À ce titre, je rappelle pour les amateurs de l’économie et de la sociologie que ce terme fut notamment employé par Lénine pour qualifier les critiqueurs des principes de base du marxisme. Et, pourtant, le révisionnisme est surtout utilisé aujourd’hui, en France, pour désigner ceux qui tendent à nier le génocide des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale.

Ainsi, le mot révisionnisme est tendanciellement réduit à cette dernière définition. Or, dans la démarche scientifique et en l’occurrence dans les sciences sociales, les chercheurs et les universitaires sont majoritairement réformistes et révisionnistes des théories économiques, sociologiques, philosophiques, politiques et d’histoire… grâce à un travail de réflexion critique et de déconstruction méthodologique de certaines théories. Et on ne peut les considérer comme étant des antijuifs parce qu’ils contestent des tendances historiques de toutes origines géographiques et croyances religieuses.

D’ailleurs, antijuif ou antisioniste ?

Un autre amalgame plus conséquent, celui de l’interprétation et de la définition de l’antisionisme. Il est évident que ce dernier soit un terme orienté d’une manière obstinée pour exprimer l’antijudaïsme. Contrairement aux idées reçues, le juif peut prendre une position rivale au sionisme. Entre le judaïsme comme croyance religieuse et le sionisme comme mouvement ayant culminé en 1948 avec la création de l’État d’Israël, on constate l’immense distance entre ces deux mots. C’est d’ailleurs pourquoi figurent parmi les nombreux opposants au sionisme des juifs vivant en Israël et qui souhaitent voir un État uni avec les Palestiniens, et contestent fortement la démarche colonialiste sur les terres palestiniennes.

Il faut regarder les manifestations un peu partout dans le monde contre l’État israélien qui comptent dans leurs rangs des citoyens de toute ethnie et de toute croyance, dont de nombreux juifs. Malheureusement, par tous les moyens, on essaye de masquer la différence entre juif et sioniste et on encourage à créer l’assimilation pour alimenter la haine.

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Hicham Rouibah est doctorant en socio-économie et en anthropologie politique à l’EHESS (Ecole des hautes études en sciences sociales) et à l’IRD (Institut de recherche et développement).