Points de vue

Slimane Rezki : Le monde se meurt, prenons conscience de l’urgence

#1AnAprès

Rédigé par Slimane Rezki | Jeudi 14 Janvier 2016 à 11:08

Un an après les premiers attentats qui ont bouleversé la société française, que faut-il retenir de ces funestes événements et de leurs conséquences ? Quels messages promouvoir et que préconiser pour construire une société meilleure ? Le point sur Saphirnews avec Slimane Rezki, auteur et traducteur, spécialiste de René Guénon et du soufisme. Dernier ouvrage paru : Abû ‘Abd ar-Rahmân as-Sulamî (trad.), « Les Convenances de la compagnie spirituelle et des relations sociales » (Albouraq, 2015).



Auteur et traducteur, Slimane Rezki est spécialiste de René Guénon et du soufisme.
Les événements de 2015 qui ont ensanglanté la France font suite à d’autres antérieurs qui, bien que de moindre ampleur, furent des signaux d’alarme dont la gravité ne fut pas considérée à sa juste mesure.

Ce premier constat indique la déconnexion de la France au sein de la carte géopolitique mondiale. Tout citoyen ayant connu ou vécu dans sa chair les événements terribles qui, depuis des décennies, déchirent les pays musulmans sait où se dirige la France.

Quand, en 1988, les premiers actes terroristes s’abattirent sur l’Algérie, peu de personnes envisageaient les suites que nous avons connues. Nombreux étaient ceux qui prenaient à la légère ces violences faites aux personnes civiles. Tout le monde localisait le « virus », tout le monde était sûr que, dans un mois ou deux, on aurait oublié ces tragiques pages de la vie algérienne.

Traiter le mal en profondeur

Tout le monde se trompait, cela dura quasi deux décennies… Peut-on dire aujourd’hui que cela est du passé ? Pas si sûr ! En avons-nous tiré des conséquences ici en France ? Non, malheureusement !

Comme deux personnes roulant en sens inverse, chacune d’elles pourrait informer l’autre de son avenir proche avec une grande précision. La voiture A pourrait expliquer clairement à la voiture B pourquoi elle est à l’arrêt car elle aurait croisé quelques kilomètres plus en avant la raison du bouchon : une panne, un accident… ; mais B, jusqu’à présent, préfère les tables rondes, la victimisation, l’incrédulité… les cachets d’aspirine.

La France, mais pas seulement, le monde, va mal : il se meurt de la bêtise humaine sans que nous en tirions de leçons radicales. À toute action, une réaction concordante, la source est dans l’action, la réaction n’est qu’une conséquence. Si le mal n’est pas traité en profondeur, c’est-à-dire en nous-mêmes, les accalmies ne seront que passagères et de plus en plus courtes.

Entre faussaires de l’islam et Occident colonialiste

La situation actuelle met des idéologies en opposition, chacune est sûre de détenir la vérité. Au fond, les torts sont partagés, entre ces faussaires s’habillant de la couleur de l’islam et ces tenants d’un Occident colonialiste, assimilationniste, le dialogue est celui de deux sourds.
Chacun vouant l’autre aux gémonies de l’enfer sans comprendre qu’il est temps d’arrêter ce jeu stérile.

Il faut accepter de se regarder en face et cesser de faire la leçon au reste du monde. Il s’agit de s’occuper de la poutre que l’on a dans l’œil avant de vouloir enlever la paille dans celui du voisin.

Face à l’émotion, peu de constats furent objectifs, certains politiciens se comportent encore comme la vierge effarouchée, ne comprenant comment nous, Français, victimes innocentes, avons pu être la cible d’attentats terroristes. Il faut arrêter ces atermoiements victimaires et prendre conscience de l’urgence.

Notre monde se meurt, si l’une de ces parties se meurt, l’ensemble de l’humanité se meurt. Le retour au sens n’est plus une option.

Un engagement citoyen individuel et collectif

Seul un engagement réel à tous les niveaux pourra atténuer la catastrophe. Un engagement citoyen individuel et collectif. Nous devons prendre nos responsabilités à bras-le-corps et ne plus attendre après les uns ou les autres.

René Guénon écrivait à un de ses correspondants, il y a de cela bientôt 80 ans, que, désormais, la catastrophe était inévitable, elle l’est d’autant plus aujourd’hui. Nous discutons ou plutôt palabrons pour parvenir à « tolérer » l’autre, dans le meilleur des cas, à l’accepter.

Mais cela est bien loin du compte, l’autre, c’est nous ! Nous n’avons pas à l’accepter, nous en avons besoin, un besoin urgent. Nous sommes « un », si le suicide doit avoir lieu, il sera collectif et si nous devons en échapper, ce sera tous ensemble.