Nicolas Sarkozy a finalement opté pour une interdiction intégrale du niqab. Votre sentiment ?
Tariq Ramadan : C'est une décision qui n'est point sage. Elle est le fruit de la compétition et de la surenchère imposées par M. Jean-François Copé et la volonté de gagner du terrain à droite. Le débat et sa mise en scène sont des instrumentalisations politiciennes.
Mais l'opinion publique n'a-t-elle pas plus de force que les réserves émises par le Conseil d'état ?
Non. Il faut appliquer le droit qui est un garde-fou et permet de rester fidèle aux principes d'égalité et de justice. Si on suivait les opinions publiques, la peine de mort serait rétablie en Europe. Il ne faut pas confondre démocratie et populisme.
La laïcité peut-elle être une notion divisible suivant qu'on est dans une mairie, une école ou bien dans la rue ?
Il ne s'agit pas de la rendre divisible mais cohérente et fidèle à sa lettre et à son esprit. La laïcité, dans le respect de la loi, c'est aussi le respect de deux libertés fondamentales, de conscience et de culte. Ne laissons pas les peurs rogner nos acquis en matière de liberté.
D'après de récentes statistiques, peu de femmes, en définitive, portent la burqa ou le niqab. Mais l'ultra-marginal, ce n'est pas aussi l'ultra-symbole ?
Cela n'est vrai que dans l'hypermédiatisation qui produit des perceptions tronquées. On ne doit pas stigmatiser la présence de tous par les excès de quelques-uns, mais plutôt s'appuyer sur la majorité des musulmans pour faire évoluer la mentalité d'une minorité.
Dalil Boubakeur, l'actuel recteur de la Grande Mosquée de Paris, rappelle que le port du voile intégral n'est pas une prescription coranique...
Je pense également qu'il ne s'agit pas d'une prescription islamique, mais nul ne peut nier que certains savants musulmans pensent le contraire. Il y a donc une divergence religieuse sur la question. On ne la résoudra pas en la niant ni même par la loi. La pédagogie s'impose.
Vous avez pourtant déclaré que l'appartenance religieuse est « au-delà de tout »...
Je n'ai pas dit cela en ces termes. Face aux questions existentielles et face à ma mort, mon appartenance religieuse est, en effet, « au-delà de tout ». Mais comme citoyen et dans ma vie quotidienne, la loi de mon pays est mon cadre de référence. Sans discussion. Je le répète depuis vingt ans. Lire suite de l'article
Auteur : Jean-Marc Raffaelli - 02/05/2010
Source : Corse Matin
Auteur : Jean-Marc Raffaelli - 02/05/2010
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