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Tchétchénie : mort de Bassaïev

Rédigé par Karl Batty | Mercredi 12 Juillet 2006 à 09:04

Chamil Bassaïev, le chef d’une faction indépendantiste tchétchène radicale, est mort dans la nuit du 9 au 10 juillet. Ennemi public numéro un de la Russie, il avait notamment revendiqué la prise d’otage de l’école de Beslan, faisant 350 morts en septembre 2004. A la veille de la réunion du G8 à Moscou, le gouvernement russe se félicite de cette nouvelle. Les indépendantistes réfutent l'implication quelconque des forces russes dans cette évènnement : Chamil Bassaïev serait mort accidentellement.



Deux versions

Explosion qui aurait tué Chamil Bassaïev, Ingouchie
« Il s'agit d'un châtiment mérité infligé aux bandits pour les enfants de Beslan, pour Boudennovsk , pour les attentats commis à Moscou et dans les autres régions du pays, dont l'Ingouchie et la Tchétchénie. » se réjouit le président russe, Vladimir Poutine.

Le vice-premier ministre et ministre de la Défense, Sergueï Ivanov, a confirmé ce mardi la mort de Chamil Bassaïev, ennemi public numéro un de la Russie : « La mort de Bassaïev est un événement significatif, c'était notre Ben Laden ». Ajoutant « C'est une grande victoire des services secrets qui ont mené cette opération. Les détails seront tenus secrets. De toute façon, seuls le FSB et le Comité antiterroriste national ont le droit d'en parler », Sergeï Ivanov va en contradiction avec les déclarations des indépendantistes. Selon ces derniers, c’est en Ingouchie, république voisine de la Tchétchénie, dans le village d'Ekazhevo que le chef de guerre radical aurait trouvé la mort accidentellement en maniant des explosifs, dans la nuit du 9 au 10 juillet. Trois autres combattants radicaux seraient morts avec lui. Les forces russes n’auraient donc aucune implication dans cette disparition. C’est peut être l’une des raisons pour lesquelles son cadavre n’a pas été montré à la télévision russe, comme cela se fait d’habitude. Notons que de 2000 à 2005, la mort de Bassaïev a été annoncée à six reprises et qu’il avait dut lui-même démentir ces affirmations en accordant diverses interviews aux médias occidentaux.

« Je ne regrette qu'une chose, c'est de ne pas avoir pris part à son élimination. » Déclare Ramzan Kadyrov, premier ministre pro russe de la Tchétchénie et chef d’une milice tchétchène ultra violente, appelée "les kadyrovtsis". « Bassaiev était non seulement un ennemi de la Russie, il était aussi mon ennemi personnel ». Akhmad Kadyrov, le père de Ramzan, a été tué en mai 2004 dans un attentat revendiqué par Chamil Bassaïev.

L’homme de l’ombre

Chamil Bassaïev
Chamil Salmanovitch Bassaïev est né le 14 janvier 1965 à Tsa-Vedeno, en Tchétchénie. Il poursuit ses études d’agronomie à Moscou jusqu’en 1988 puis, au début des années 1990, il participe à la lutte séparatiste Abkhaze pro-russe en Géorgie. Avant de devenir le mercenaire mondialement connu, Chamil Bassaïev était un « porte kalachnikov » du KGB-GRU. Le Gru Spetsnaz étant la faction militaire russe la plus éllitiste. Peu après, il entre dans la lutte indépendantiste tchétchène.

En 1995, en pleine "première" guerre de Tchétchénie, la prise d’otage de l’hôpital de Boudennovsk, faisant environ 150 morts et plus de 400 blessées, lui est attribué. De nombreux spécialistes de la question russo-tchétchène, soupçonnent une instrumentalisation de la part de Moscou de ce pion autrefois sous ses ordres.

En janvier 1997, peu après la prise d’indépendance de la république d’Itchkérie (communément appelée Tchétchénie), des élections présidentielles sont organisées. chapotées par l’OSCE (Organisation pour la Sécurité et de la Coopération en Europe). Chamil Bassaïev se présente face à Aslan Maskhadov, résistant réputé modéré. Ce dernier obtient la place de président avec 59% des voix. Bassaïev se retire avec seulement 23%. Les tchétchènes ont préféré Aslan Maskhadov, idéologiquement plus proche de la tradition soufi du pays, face à Bassaïev qui tend à se rapprocher de Khattab, un pourvoyeur de fonds saoudien, prônant un islam radical. Malgré son engagement indépendantiste, Chamil Bassaïev a reconnu avoir reçu de l’argent d’un proche de Boris Eltsine pour envahir le Daghestan, république voisine de la Tchétchénie, en août 1999. Boris Bérézowski aurait donc payé plusieurs millions de dollars au chef rebelle afin de légitimer une nouvelle attaque militaire russe sur la Tchétchénie.

Malgré les tensions qui subsistaient entre Maskhadov et Bassaïev, ils tentèrent de réconcilier la résistance, sans grands succès : Maskhadov continuera jusqu’à sa mort, en mars 2005, de dénoncer les attentats commis par le radical. En effet, Chamil Bassaïev a maintes fois revendiqué diverses prises d’otages, notamment celle de l’école de Beslan, en septembre 2004, faisant plus de 350 morts, majoritairement des enfants. L’indépendantiste radical déclarera en août 2005, sur kavkazcenter.com (site de la lutte indépendantiste tchétchène) : « Cette attaque nous a été inspirée par des responsables des services spéciaux d’Ossétie du nord qui ont introduit dans nos rangs leur agent Abdullah Khodov, connu sous le nom de code de « Putnik ». (…)Nous sommes prêts pour une enquête internationale transparente sur Beslan, nous avons un participant vivant qui peut témoigner. Nous devons arrêter les discussions vides et déterminer nos véritables ennemis comme Michka Goutseriev qui a pillé le pays pendant la première guerre et qui continue actuellement. C’est lui qui dans l’espoir de s’accaparer le pétrole tchétchène, a armé Kadyrov (ndlr : premier ministre pro russe de Tchétchénie), c’est lui qui a versé 5 millions de dollars à Alkhanov (ndlr : président pro russe de Tchétchénie), c’est lui qui a payé les forces de police à Beslan, qui nous avait garanti qu’il n’y aurait pas d’assaut. Grâce à tout cela, il a pu acheter deux gisements de pétrole en Sibérie. Aujourd’hui, nous ne combattons pas le peuple russe, nous combattons le « russisme », cette idéologie schizophrénique, impériale, mêlant le fascisme, le racisme, le chauvinisme et d’autres. »

Très controversé en occident mais aussi au sein même de la résistance Tchétchène, Chamil Bassaïev disparaît donc dans des circonstances floues. A l’image de sa vie et de ses nombreux engagements radicaux mais parfois contradictoires, la situation et les prises de positions paradoxales en Tchétchénie restent très difficiles à comprendre tant les enjeux sont complexes et l’information manipulée.