« Tous des oiseaux » est le premier spectacle du dramaturge libano-canadien Wajdi Mouawad depuis qu’il a pris la direction du théâtre national de la Colline en avril 2016. © Simon Gosselin
Un jeudi soir de fin d’année, la salle de théâtre la Colline est pleine, peuplée d'un public de lycéens, d'hommes et de femmes de tous âges venus passer quatre heures (avec une pause de 20 minutes) pour assister à la dernière création de l'artiste libanais-québecois Wajdi Mouawad, auteur, metteur en scène et comédien acclamé.
Au lendemain de la déclaration de Donald Trump sur la reconnaissance unilatérale de Jérusalem comme capitale d'Israël faite le 6 décembre, l'actualité israélo-palestinienne reprend le dessus et la fiction de Wajdi Mouawad prend une densité toute nouvelle.
Wajdi Mouawad aime la complexité et aime bousculer son lecteur et son spectateur. « Tous des oiseaux » ne faillit pas à cette règle. Le metteur en scène fait dire à ses personnages des paroles qui choquent, s’entrechoquent et font vaciller les sensibilités de ses spectateurs. Les rires étouffés de bout en bout en témoignent.
Lire aussi : Wajdi Mouawad est le nouveau directeur du Théâtre de la Colline
Au lendemain de la déclaration de Donald Trump sur la reconnaissance unilatérale de Jérusalem comme capitale d'Israël faite le 6 décembre, l'actualité israélo-palestinienne reprend le dessus et la fiction de Wajdi Mouawad prend une densité toute nouvelle.
Wajdi Mouawad aime la complexité et aime bousculer son lecteur et son spectateur. « Tous des oiseaux » ne faillit pas à cette règle. Le metteur en scène fait dire à ses personnages des paroles qui choquent, s’entrechoquent et font vaciller les sensibilités de ses spectateurs. Les rires étouffés de bout en bout en témoignent.
Lire aussi : Wajdi Mouawad est le nouveau directeur du Théâtre de la Colline
Un impossible amour exploré à Jérusalem
La pièce, prouesse linguistique en allemand, anglais, hébreu et arabe, est un drame à la fois amoureux et familial sur fond de conflits identitaire et proche-oriental.
Eitan et Wahida, deux amoureux, se rencontrent sur les bancs d’une bibliothèque universitaire de New York. L’un est berlinois juif, l’autre américano-marocaine est arabe et musulmane.
L’un est scientifique et ne jure que par le nombre de chromosomes que l’être humain possède tandis que l’autre explore la vie de Hassan Al-Wazzan, dit Léon l’Africain, né à Grenade en 1488 et capturé par des pirates siciliens avant d'être offert au pape Léon X. Le personnage de Hassan Al-Wazzan apparaît de façon espacée dans la pièce à l’image du chœur dans la tragédie grecque classique.
Eitan et Wahida, deux amoureux, se rencontrent sur les bancs d’une bibliothèque universitaire de New York. L’un est berlinois juif, l’autre américano-marocaine est arabe et musulmane.
L’un est scientifique et ne jure que par le nombre de chromosomes que l’être humain possède tandis que l’autre explore la vie de Hassan Al-Wazzan, dit Léon l’Africain, né à Grenade en 1488 et capturé par des pirates siciliens avant d'être offert au pape Léon X. Le personnage de Hassan Al-Wazzan apparaît de façon espacée dans la pièce à l’image du chœur dans la tragédie grecque classique.
© Simon Gosselin
La pièce, construite en quatre parties, met en scène les mensonges et les secrets de famille d’Eitan et la réalité du conflit proche-oriental.
Pour officialiser sa relation, Eitan invite ses parents et son grand-père à fêter Pessah, la Pâque juive, à New York. Il désire leur présenter celle qu’il aime pendant le seder (repas) mais, avant même de pouvoir introduire Wahida, s’ensuit une violente joute verbale entre le père et le fils durant laquelle le père d’Eitan accuse son fils de « provoquer un nouvel Holocauste » avec cette relation qui, aux yeux du père, est impossible tant l’inimitié entre Arabes et Juifs est indépassable.
Cet impossible amour et cette opposition entre Juifs et Arabes, Eitan et Wahida vont l’explorer et la mettre à nu à Jérusalem, où les deux se rendent alors qu’Eitan part à la découverte de l’histoire familiale par le biais de sa grand-mère.
Avec « Tous des oiseaux », Wajdi Mouawad nous offre une tragédie contemporaine sur les relations entre juifs et musulmans dans le monde, sur l’identité et l’Histoire, sujets qu’il explore depuis des années et qu’il avait déjà abordés sur les planches de ce même théâtre en présence de l’écrivain israélien David Grossman.
Il est fort à parier que les paroles de cette tour de Babel que sont les personnages de « Tous des oiseaux » vous fassent aussi voyager, vous perdre dans les labyrinthes des questionnements universels sur l’amour, l’identité, la famille et l’appartenance.
Du 28 février au 10 mars 2018 au Théâtre national populaire à Villeurbanne (Rhône).
Pour officialiser sa relation, Eitan invite ses parents et son grand-père à fêter Pessah, la Pâque juive, à New York. Il désire leur présenter celle qu’il aime pendant le seder (repas) mais, avant même de pouvoir introduire Wahida, s’ensuit une violente joute verbale entre le père et le fils durant laquelle le père d’Eitan accuse son fils de « provoquer un nouvel Holocauste » avec cette relation qui, aux yeux du père, est impossible tant l’inimitié entre Arabes et Juifs est indépassable.
Cet impossible amour et cette opposition entre Juifs et Arabes, Eitan et Wahida vont l’explorer et la mettre à nu à Jérusalem, où les deux se rendent alors qu’Eitan part à la découverte de l’histoire familiale par le biais de sa grand-mère.
Avec « Tous des oiseaux », Wajdi Mouawad nous offre une tragédie contemporaine sur les relations entre juifs et musulmans dans le monde, sur l’identité et l’Histoire, sujets qu’il explore depuis des années et qu’il avait déjà abordés sur les planches de ce même théâtre en présence de l’écrivain israélien David Grossman.
Il est fort à parier que les paroles de cette tour de Babel que sont les personnages de « Tous des oiseaux » vous fassent aussi voyager, vous perdre dans les labyrinthes des questionnements universels sur l’amour, l’identité, la famille et l’appartenance.
Du 28 février au 10 mars 2018 au Théâtre national populaire à Villeurbanne (Rhône).
La légende de l’oiseau amphibie, par Wajdi Mouawad
Un jeune oiseau prend son envol pour la première fois au-dessus d’un lac. Apercevant les poissons sous l’eau, il est pris d’une curiosité immense envers ces animaux sublimes, si différents de lui. Alors qu’il plonge pour les rejoindre, la nuée des oiseaux, sa tribu, le rattrape aussitôt et l’avertit : « Ne va jamais vers ces créatures. Elles ne sont pas de notre monde, nous ne sommes pas du leur. Si tu vas dans leur monde, tu mourras ; tout comme eux mourront s’ils choisissent de venir vers nous. Notre monde les tuera et leur monde te tuera. Nous ne sommes pas faits pour nous rencontrer. »
Les années passant, une mélancolie profonde le gagne, observant ces poissons sans pouvoir les atteindre. Par une sublime journée où il se rend au lac pour les admirer, un vertige le saisit : « Je ne peux pas vivre ainsi ma vie durant, dans le manque de ce qui me passionne. Je préfère mourir que de vivre la vie que je mène. » Et il plonge. Mais son amour pour ce qui est différent est si grand qu’à l’instant même où il traverse la surface de l’eau des ouïes poussent et lui permettent de respirer. Au milieu des poissons, il leur dit : « C’est moi, je suis l’un des vôtres, je suis l’oiseau amphibie. »
La légende persane de l’oiseau amphibie me faisait rêver lorsqu’on me la racontait petit. Cette histoire de mutation me bouleverse aujourd’hui dans ce qu’elle raconte de notre époque, de notre monde et de notre rapport à l’Autre, à l’ennemi, pour ainsi dire.
Un jeune oiseau prend son envol pour la première fois au-dessus d’un lac. Apercevant les poissons sous l’eau, il est pris d’une curiosité immense envers ces animaux sublimes, si différents de lui. Alors qu’il plonge pour les rejoindre, la nuée des oiseaux, sa tribu, le rattrape aussitôt et l’avertit : « Ne va jamais vers ces créatures. Elles ne sont pas de notre monde, nous ne sommes pas du leur. Si tu vas dans leur monde, tu mourras ; tout comme eux mourront s’ils choisissent de venir vers nous. Notre monde les tuera et leur monde te tuera. Nous ne sommes pas faits pour nous rencontrer. »
Les années passant, une mélancolie profonde le gagne, observant ces poissons sans pouvoir les atteindre. Par une sublime journée où il se rend au lac pour les admirer, un vertige le saisit : « Je ne peux pas vivre ainsi ma vie durant, dans le manque de ce qui me passionne. Je préfère mourir que de vivre la vie que je mène. » Et il plonge. Mais son amour pour ce qui est différent est si grand qu’à l’instant même où il traverse la surface de l’eau des ouïes poussent et lui permettent de respirer. Au milieu des poissons, il leur dit : « C’est moi, je suis l’un des vôtres, je suis l’oiseau amphibie. »
La légende persane de l’oiseau amphibie me faisait rêver lorsqu’on me la racontait petit. Cette histoire de mutation me bouleverse aujourd’hui dans ce qu’elle raconte de notre époque, de notre monde et de notre rapport à l’Autre, à l’ennemi, pour ainsi dire.