Société

Travail en prison : une main-d'oeuvre payée à moins 50 %

Rédigé par Pauline Compan | Vendredi 25 Novembre 2011 à 00:01

Le travail en détention participe-t-il d'une véritable politique d’insertion des prisonniers ? Du 21 au 27 novembre, les 18es journées nationales des prisons, coordonnées par le Groupe national de concertation prison (GNCP), mettent le thème « Travail et activités en détention » au centre de la réflexion. Un sujet de débat, principalement à cause des conditions de rémunération de ces salariés d’un genre particulier, alors même que l’offre de travail apparaît insuffisante.



Une première en France. Une détenue attaque aux prud’hommes son employeur, la société MKT Sociétal, pour laquelle elle était opératrice téléphonique depuis la maison d’arrêt de Versailles. Cette dernière conteste son licenciement, en avril dernier, au motif qu’elle aurait passé des appels personnels pendant son service.

Pour son avocat, Me Fabrice Arakélian, il y aurait eu une rupture abusive du contrat mais surtout discrimination, car la détenue est moins bien payée qu’un salarié classique. Ici, c'est la rémunération minimale légale des prisonniers qui est questionnée. A 3,97 € au minimum par heure en 2010, la main-d’œuvre carcérale est littéralement bradée.

Les 18e journées nationales des prisons posent la question de l’insertion des prisonniers sortants et collent à l’actualité. Car si le travail en prison est reconnu comme un moyen de gagner de l’argent tout en construisant une expérience professionnelle, les conditions de rémunération des prisonniers et les places trop rares font débat.

Selon l’article 27 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, «toute personne condamnée est tenue d’exercer au moins l’une des activités qui lui est proposée par le chef d’établissement et le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation, dès lors qu’elle a pour finalité la réinsertion de l’intéressé ». Le rapport d’activité 2009 de la Direction de l’administration pénitentiaire indique que seulement 35,7 % de la population carcérale bénéficie d’une activité rémunérée (travail et formation professionnelle) auprès de concessionnaires privés.

Une offre insuffisante…

Pour Mounir Diari, ancien détenu et président de l’association J’veux m’en sortir, qui milite pour le droit des prisonniers, l’offre de travail est clairement insuffisante dans les prisons françaises. « La politique de réinsertion, elle n’existe pas, accuse-t-il, les prisons manquent de personnel pour une véritable prise en charge individuelle des détenus. »

Pourtant, les activités en prison sont une composante essentielle d’une bonne insertion dans la société. Dans cette perspective, le travail est présenté comme un moyen efficace de donner de l’expérience à des prisonniers, souvent très peu formés, et de leur donner le goût du travail. Autre avantage non négligeable du travail en prison : l’aspect financier ! Car derrière les barreaux, les détenus ont besoin de petits plaisirs et tous n’ont pas une famille pour les soutenir.

Dans ces conditions, faire entrer les entreprises dans les prisons semble une solution intéressante. « Le problème est que le droit du travail n’a pas passé les portes des prisons », continue Mounir Diari. En effet, à 3,97 € au minimum de l’heure, la main-d’œuvre carcérale est économiquement avantageuse pour les entreprises. « En plus de conditions de rémunération dégradées, les détenus ne cotisent pas à la retraite, précise Mounir Diari, et tous ne sont pas sur un pied d’égalité par rapport au travail. Les maisons d’arrêt situées dans des zones économiquement sinistrées auront automatiquement plus de mal à mettre en place des partenariats avec des entreprises ».

... et peu rémunératrice

Travaux de conditionnement, montage de présentoirs pour des sociétés de panneaux publicitaires, les détenus sont condamnés à des tâches industrielles répétitives dans les ateliers. Pour ces attributions, les concessionnaires qui travaillent avec la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis payent en moyenne 4,03 € de l’heure les détenus. Un tarif à moitié prix par rapport au SMIC, qui donne des salaires mensuels moyens de 256 € pour les 38 % de prisonniers de Fleury-Mérogis qui travaillent avec les entreprises.

« Idéalement, les associations du GNCP souhaiteraient que les détenus touchent le prix normal de leur travail, explique Abdelhak Eddouk, aumônier à la prison de Fleury-Mérogis, mais il faut être réaliste, les entreprises ne viennent pas pour faire du mécénat, elles viennent parce que c’est moins cher. »

Pour Mounir Diari, le véritable problème est celui de la réinsertion. Et même si le travail en prison peut permettre une expérience, les perspectives des prisonniers, une fois à l’extérieur, restent précaires. « On pourrait imaginer un système de partenariats plus approfondi où les entreprises s’engageraient à embaucher certains prisonniers à leur sortie », propose-t-il.

Une ambition optimiste alors que l’entreprise MK Sociétal devra faire face à la première plainte d’une détenue sur les conditions de travail en prison. Le droit du travail passera-t-il les portes de la prison ? Ou un alignement du statut des prisonniers entraînerait-il la fin des partenariats avec le secteur privé ? L’enjeu est en tout cas de taille. Car une véritable politique volontariste d’insertion à destination des futurs ex-prisonniers serait un indéniable atout pour l’intégration de ces derniers dans la société.

L'association J'veux m'en sortir recherche des partenaires pour l'organisation du premier festival du monde carcéral à l'horizon 2013. Toutes les informations sur son action sur facebook