Points de vue

Trois mois après les attaques d'Israël, rien n’a changé à Gaza

Rédigé par Ziad Medoukh | Lundi 8 Décembre 2014 à 06:00



Trois mois après la fin de la nouvelle agression israélienne contre la bande de Gaza en juillet-août 2014, agression qui a fait plus de 2 200 morts et 11 000 blessés, sans oublier la destruction massive de l'infrastructure civile, la situation reste très grave à tous les niveaux, surtout sur le plan humanitaire, pour plus de 1,8 millions de Gazaouis toujours enfermés, malgré la mobilisation internationale contre les crimes israéliens et les promesses internationales de reconstruction rapide.

La vie reprend lentement dans les rues de Gaza, qui témoignent de la barbarie de l'armée israélienne pendant les 50 jours de la dernière offensive militaire contre la population civile. Partout à Gaza, on trouve les ruines des maisons, des immeubles, des mosquées, des écoles, des stades, des usines, ou des bâtiments détruits et visés par les bombes israéliens.

Les habitants de Gaza essayent de montrer leur capacité à dépasser cette période difficile à travers une vie plus ou moins normale, mais, sur leurs visages, on voit la tristesse, voire l'inquiétude d'une population qui vit toujours sous blocus et qui est toujours enfermée dans une prison à ciel ouvert. Les écoles, les universités, les commerces, les institutions et les marchés reprennent leurs activités, mais avec les souvenirs et les images de la dernière attaque israélienne. C'est très difficile pour ces gens d'oublier leurs morts, leurs blessés, leurs maisons et leurs écoles détruites. Les images des bombes, missiles et chars israéliens reviennent toujours dans la mémoire.

Actuellement, parmi les 100 000 personnes qui ont perdu tous leurs biens, plus de 70 000 vivent loin de leurs maisons, résident dans 18 écoles de l’UNRWA et plusieurs centres d’accueil provisoires, en attendant l’entrée des matériaux de reconstruction. 10 000 personnes ont loué des appartements et plus de 20 000 ont décidé de vivre au milieu même de leurs ruines : soit, ils en ont réparé quelques pièces, soit ils habitent dans des tentes à proximité, dans des conditions très difficiles, notamment à l’approche de l’hiver.

Le présent hanté par de douloureux souvenirs

Trois mois, après, rien ne semble différent pour les Palestiniens de Gaza, toujours à la recherche d'une solution politique et pas seulement humanitaire, suite à leur résistance remarquable contre les armes de l'aviation, de la marine et de la force terrestre israéliennes. Le blocus dure depuis plus de sept ans, les passages et les frontières avec l'extérieur sont souvent fermés par ordre militaire israélien. Les produits alimentaires ou autres qui entrent à Gaza sont rares.

Les autorités israéliennes ouvrent le seul passage commercial reliant la bande de Gaza à l’extérieur deux ou trois fois par semaine pour permettre l'entrée de 200 camions et quelques convois humanitaires. Parmi ces camions, cinq à six seulement contiennent des matériaux de construction, souvent destinés aux projets internationaux. Ce passage se ferme sous n’importe quel prétexte, par décision israélienne, sans prendre en considération les besoins énormes de la population civile.

Chaque foyer à Gaza a droit à seulement six heures d’électricité par jour, car la seule centrale électrique, détruite en juillet dernier, ne fonctionne pas, par manque de fioul et de carburant, avec en particulier des conséquences dramatiques sur les hôpitaux et les centres médicaux.

Le cessez-le-feu non respecté par Israël

L’armée israélienne viole presque tous les jours l’accord du cessez-le-feu et ne respecte pas la trêve. Souvent, les chars israéliens mènent des incursions dans la bande de Gaza. Les soldats contrôlent toujours les zones tampons sur les zones frontalières et tirent sur les paysans. La marine israélienne empêche l’extension de la zone de pêche et tire sur les pêcheurs palestiniens et leurs bateaux. Malgré la retenue des factions de Gaza, l’armée d'occupation israélienne poursuit ses provocations, pas seulement dans la bande de Gaza, mais encore en Cisjordanie, où des dizaines de Palestiniens ont été tués ou blessés par balle, notamment à Jérusalem.

Les Palestiniens de Gaza craignent la reprise des attaques à n’importe quel moment et sous n’importe quel prétexte, car la communauté internationale officielle, qui a gardé un silence complice durant l’offensive israélienne en été dernier, n'exerce pas de pressions sur le gouvernement israélien afin qu'il lève le blocus imposé à la population depuis plus de sept ans. Sans oublier qu’Israël reste toujours impuni, malgré les trois attaques sanglantes des cinq dernières années.

Les habitants de Gaza, épuisés à la fin de cette nouvelle agression, ont peur pour leurs enfants et leur avenir. Ils espèrent le début rapide des projets de reconstruction, notamment après les promesses internationales tenues lors de la conférence internationale sur la reconstruction de la bande de Gaza au Caire, en octobre dernier.

Résister pour la liberté

S’ajoute à tout cela la tension entre les différents partis et mouvements palestiniens qui pourraient amorcer le début de la reconstruction de la bande de Gaza. Malgré la création du gouvernement d'union nationale dans les territoires en mai dernier, et malgré la solidarité interne et les signes d'union lors de la dernière offensive israélienne, les points de divergence prédominent actuellement entre ces partis et pourraient toucher la réconciliation palestinienne et retarder les projets de reconstruction.

Le seul signe d'espoir pour les Palestiniens de Gaza, comme pour tous les Palestiniens, est l'éducation. Malgré la destruction de plus de 32 établissements et tandis que plus de 120 écoles et cinq universités ont été bombardées, les élèves, les étudiants et leurs professeurs continuent de participer à la vie scolaire, en dépit des pertes et des conséquences économiques, sociales et psychologiques. Plusieurs cours se font sous les ruines des écoles touchées par les bombardements ou dans des tentes. Les élèves qui viennent en classe rendent hommage à leurs amis morts et blessés lors de l'offensive, mais ils continuent à lire et à écrire l'espoir, l'amour et l'avenir. Ils montrent leur capacité à construire cet avenir avant de reconstruire leurs écoles et leurs classes.

L'éducation est un élément sacré en Palestine. Les familles encouragent leurs enfants à avoir des diplômes supérieurs même si, avec le chômage et les difficultés économiques, il est difficile de trouver un travail à la fin des études. L'éducation fait partie de la résistance par la non violence, une résistance populaire, montrant la capacité de notre peuple à défier la situation actuelle et à affronter toutes les mesures de l'occupation qui essaient de priver les Palestiniens de leurs droits fondamentaux.

Les habitants de Gaza espéraient que leur sacrifice pendant la dernière agression israélienne, leur patience exemplaire, leur résistance acharnée contre la barbarie de l'armée israélienne, ainsi que, et surtout, la mobilisation internationale et les manifestations populaires, partout dans le monde, changeraient quelque chose pour eux : levée du blocus, ouverture des passages et des frontières qui relient la bande de Gaza à l'extérieur, jugement des criminels israéliens. Malheureusement, rien n’a changé, ils sont toujours enfermés, ils vivent sous un blocus aveugle qui continue de faire de nombreuses victimes.

Pour les Palestiniens de Gaza confiants et déterminés, il ne reste qu'une alternative : résister sur leur terre, rester à côté des ruines de leurs maisons détruites, avec leur seule arme, le courage, et surtout espérer un changement radical, une solution politique qui leur permettrait de vivre libres à Gaza, de vivre libres en Palestine.

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Ziad Medoukh est professeur et directeur du département de français de l’université Al-Aqsa de Gaza.