Un voile « non conforme » à la tradition. Oui, mais quelle tradition ?
Il est devenu courant de nos jours de voir les Tunisiennes arborer le hijab, noué à la façon de leurs coreligionnaires du monde entier, du Maroc à l’Indonésie, de la Suède aux Comores. Ce qui pourrait de prime abord passer pour un retour à la pratique islamique ou l’assouplissement du joug dictatorial, tourne en Tunisie au crêpage de chiffon. Alors qu’il y a quelques années il fût bien rare de croiser une femme à la tête recouverte, voilà que le pays entier découvre qu’il a toujours existé une tradition de port du foulard. Un foulard, oui. Un Hijab, non.
Là où certains expliquent l’engouement actuel par l’influence des chaînes satellitaires sur le comportement religieux des Tunisiens, le Ministre des Affaires religieuses, dans une interview accordée au magazine local Réalités, parle lui d’une non-conformité du voile dit islamique avec les traditions tunisiennes. Il existerait en effet un « foulard tunisien », qui lui, noué façon « réfugiée bosniaque », ferait entièrement partie du tourath, corpus des coutumes et traditions chères à la nation tunisienne.
La presse s’en donne à cœur joie pour relayer à grands renforts d’arguments coraniques la prétendue atteinte portée par le traditionnel Hijab à la cohésion de la nation tunisienne. Ainsi, les porteuses de Hijab se voient érigées en fossoyeuses de la tunisité. Etre tunisienne ou musulmane, dans ce pays musulman, il faut choisir !
Sous le voile de la liberté, la répression
Malgré cette propagande, force est de constater que la liberté religieuse a nettement progressé en Tunisie. Le pouvoir en place, craignant sans doute une reconstitution des cercles prosélytes militants mus par les rebondissements de l’actualité internationale, a pris acte de la ferveur de ses sujets et choisit de desserrer l’étau. Alors que le foulard était interdit dans presque tous les secteurs professionnels, voici qu’il est désormais possible de travailler, hormis dans l’administration, avec son Hijab. Travailler, mais pas étudier. Car si la pression semble être moins forte, les lycéennes et étudiantes subissent encore les foudres de la répression. Menaces, exclusions, brimades et surtout refus de présentation à l’examen, la liberté n’est pas encore acquise. Et tout reste, mine de rien, sous contrôle.
Hypocrisie officielle, alors que courre la rumeur que la fille du Président se pavanerait la tête recouverte du fâcheux foulard de la discorde nationale. Alors accalmie bienveillante avant la tempête répressive ou grand pas en avant vers une liberté religieuse pleine et entière ? Les années à venir nous diront qui de Tartuffe ou de l’Islam a vaincu.