La contestation sociale en Tunisie prend des allures de révolution et déstabilise le régime, dirigé d’une main de fer par Zine El Abidine Ben Ali depuis 1987. Pour ne pas perdre la main, les forces de l’ordre ont fait ce qu’ils ont l’habitude de faire mais qu’il ne fallait pas : réprimer. Les manifestations de samedi 8 et de dimanche 9 janvier à Kasserine, à Thala et à Regueb, dans le centre intérieur de la Tunisie, ont pris une tournure tragique.
La Fédération internationale des ligues de droits de l'homme (FIDH), qui s'appuie sur une liste nominative, évalue le nombre de morts à 35 après les violences du week-end. « Mais le nombre total des victimes est plus important. Cela tourne autour de la cinquantaine, mais c'est une évaluation », a déclaré Souhayr Belhassen, la présidente de la FIDH.
La Fédération internationale des ligues de droits de l'homme (FIDH), qui s'appuie sur une liste nominative, évalue le nombre de morts à 35 après les violences du week-end. « Mais le nombre total des victimes est plus important. Cela tourne autour de la cinquantaine, mais c'est une évaluation », a déclaré Souhayr Belhassen, la présidente de la FIDH.
Le désespoir d’une partie de la jeunesse
L’acte de désespoir de Mohamed Bouazizi, à la mi-décembre, est le point de départ d’une longue série de manifestations. Ce jeune diplômé de 26 ans, issu d’une famille surendettée, s’est vu confisquer ses fruits et légumes, ses seuls moyens de subsistance, par les autorités. En guise de protestation, Mohamed s’immole par le feu avant de décéder le 4 janvier des suites de ses blessures. Depuis, il est devenu le symbole pour toute une jeunesse tunisienne, durement frappée par le chômage (30 %) et la précarité.
Le système éducatif tunisien, l’un des plus avancés d’Afrique, forme toujours plus de diplômés, pour qui les études sont un gage pour obtenir de meilleures conditions de vie. Pourtant, « l'économie tunisienne reste largement dominée par des activités à faible valeur ajoutée, nécessitant un niveau de qualification peu élevé, en particulier dans la production industrielle », relève la Banque mondiale.
Mais ce que pointent du doigt les jeunes va bien au-delà de cette observation macro-économique. Le népotisme, le clientélisme et la corruption, qui gangrènent l’État tunisien depuis des décennies, mène la vie dure aux jeunes, qui se voient contraints de passer par la case chômage pendant, au mieux, trois ans. Au pire, toute leur vie à moins qu'ils n'occupent des petits boulots pour survivre.
Le système éducatif tunisien, l’un des plus avancés d’Afrique, forme toujours plus de diplômés, pour qui les études sont un gage pour obtenir de meilleures conditions de vie. Pourtant, « l'économie tunisienne reste largement dominée par des activités à faible valeur ajoutée, nécessitant un niveau de qualification peu élevé, en particulier dans la production industrielle », relève la Banque mondiale.
Mais ce que pointent du doigt les jeunes va bien au-delà de cette observation macro-économique. Le népotisme, le clientélisme et la corruption, qui gangrènent l’État tunisien depuis des décennies, mène la vie dure aux jeunes, qui se voient contraints de passer par la case chômage pendant, au mieux, trois ans. Au pire, toute leur vie à moins qu'ils n'occupent des petits boulots pour survivre.
La cyber-résistance à l’œuvre
Les manifestations, qui se déroulaient jusqu’il y a peu dans les régions intérieures du pays, éclatent aux quatre coins du pays et ont même atteint la capitale, Tunis, où des affrontements ont éclaté mardi 11 janvier pour la première fois dans une banlieue. Par décision du régime, les examens et les concours sont reportés ultérieurement et écoles, lycées et universités sont fermés « jusqu’à nouvel ordre » dans tout le pays, à partir de mardi, afin de freiner les mouvements de protestation.
En raison de la censure et de l’absence de liberté de la presse, ces laissés-pour-compte de la société ne peuvent pas s’appuyer sur les médias tunisiens pour faire passer leurs messages de détresse. Toutefois, les images de vidéos amateures et les témoignages ont fait le tour du monde via le Web et les réseaux sociaux, que l’Agence tunisienne de l’Internet, qui dépend du ministère de la Communication, tente vainement de contrôler.
Plusieurs blogueurs ont été arrêtés. Mais quelques sites tunisiens hébergés à l'étranger survivent encore, à l’image de Nawaat.org, qui diffuse photos, vidéos et témoignages à la blogosphère.
En raison de la censure et de l’absence de liberté de la presse, ces laissés-pour-compte de la société ne peuvent pas s’appuyer sur les médias tunisiens pour faire passer leurs messages de détresse. Toutefois, les images de vidéos amateures et les témoignages ont fait le tour du monde via le Web et les réseaux sociaux, que l’Agence tunisienne de l’Internet, qui dépend du ministère de la Communication, tente vainement de contrôler.
Plusieurs blogueurs ont été arrêtés. Mais quelques sites tunisiens hébergés à l'étranger survivent encore, à l’image de Nawaat.org, qui diffuse photos, vidéos et témoignages à la blogosphère.
Le gouvernement français soutient Ben Ali
Devant l’aggravation de la situation, le gouvernement français est enfin sorti de son silence ce mardi 11 janvier. Le porte-parole du gouvernement François Baroin a ainsi déclaré que la France déplore « évidemment » les violences et appelle à l’apaisement « parce que seul le dialogue permettra de surmonter les problèmes économiques et sociaux ».
Ces déclarations de circonstances cachent mal le soutien affiché de la France au régime tunisien, jadis ancienne colonie mais aujourd’hui un allié nord-africain de choix, avec qui elle noue, chaque année, de juteux contrats. Bruno Le Maire, le ministre de l'Agriculture, a estimé ne pas avoir à « qualifier le régime tunisien. Je suis français, je n'ai pas à juger de l'extérieur comme ça un gouvernement étranger. Le président Ben Ali est quelqu'un qui est souvent mal jugé » et qui « a fait beaucoup de choses. »
Quant à Frédéric Mitterrand, il trouve « tout à fait exagéré » de décrire le régime de Ben Ali en « dictature univoque ». « En Tunisie, la condition des femmes est tout à fait remarquable, vante-t-il. i [Il y a une opposition politique mais qui ne s’exprime pas comme elle pourrait s’exprimer en Europe. »]i
Mais comme le rappelle Sihem Bensedrine, en 2008, lors du voyage de Nicolas Sarkozy en Tunisie, présidente du Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT), sur Afrik.com, « ce n’est pas parce qu’on possède des acquis démocratiques qu’on a plus le droit de progresser. On prend toujours le prétexte du statut des femmes pour justifier le blocage de la société sur tous les autres droits fondamentaux ».
Ces déclarations de circonstances cachent mal le soutien affiché de la France au régime tunisien, jadis ancienne colonie mais aujourd’hui un allié nord-africain de choix, avec qui elle noue, chaque année, de juteux contrats. Bruno Le Maire, le ministre de l'Agriculture, a estimé ne pas avoir à « qualifier le régime tunisien. Je suis français, je n'ai pas à juger de l'extérieur comme ça un gouvernement étranger. Le président Ben Ali est quelqu'un qui est souvent mal jugé » et qui « a fait beaucoup de choses. »
Quant à Frédéric Mitterrand, il trouve « tout à fait exagéré » de décrire le régime de Ben Ali en « dictature univoque ». « En Tunisie, la condition des femmes est tout à fait remarquable, vante-t-il. i [Il y a une opposition politique mais qui ne s’exprime pas comme elle pourrait s’exprimer en Europe. »]i
Mais comme le rappelle Sihem Bensedrine, en 2008, lors du voyage de Nicolas Sarkozy en Tunisie, présidente du Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT), sur Afrik.com, « ce n’est pas parce qu’on possède des acquis démocratiques qu’on a plus le droit de progresser. On prend toujours le prétexte du statut des femmes pour justifier le blocage de la société sur tous les autres droits fondamentaux ».
Les jeunes Tunisiens de France à l’action
Seul le NPA (Nouveau Parti anticapitaliste) ainsi qu'Europe Ecologie-Les Verts, associé à un parti non autorisé, Tunisie verte, ont clairement dénoncé le « silence coupable » de la France, précisant que « les propos du porte-parole du Quai d’Orsay appelant à l’apaisement sont déconnectés de la réalité de la dictature tunisienne ».
Les Tunisiens de France, dont le nombre est évalué à près de 600 000, s’organisent. Les rassemblements devants les consulats et les ambassades tunisiennes se multiplient en janvier. Des anonymes sont même allés jusqu’à poser une petite bombe, dimanche 9 janvier, devant le consulat de Pantin (Seine-Saint-Denis), qui n’a entraîné que des dégâts mineurs.
Pour calmer les esprits, Ben Ali a promis 300 000 emplois en deux ans (et comment ?) et des exonérations d'impôts sur une période de dix ans pour tout nouveau projet générateur d'emplois dans les régions de l'intérieur. Pas sûr que ces mesures suffisent pour endiguer le mouvement.
Les Tunisiens de France, dont le nombre est évalué à près de 600 000, s’organisent. Les rassemblements devants les consulats et les ambassades tunisiennes se multiplient en janvier. Des anonymes sont même allés jusqu’à poser une petite bombe, dimanche 9 janvier, devant le consulat de Pantin (Seine-Saint-Denis), qui n’a entraîné que des dégâts mineurs.
Pour calmer les esprits, Ben Ali a promis 300 000 emplois en deux ans (et comment ?) et des exonérations d'impôts sur une période de dix ans pour tout nouveau projet générateur d'emplois dans les régions de l'intérieur. Pas sûr que ces mesures suffisent pour endiguer le mouvement.