« Turquie, tu es formidable ! ». C’est sous cette envolée lyrique que le quotidien turc Posta a accueilli la décision du Conseil européen, tandis qu’Hurriyet renchérissait en clamant « nous l’avons fait ! ». Les vingt cinq chefs d’Etat et de gouvernement ont en effet décidé de l’ouverture effective des négociations d’adhésion avec la Turquie. Celles-ci doivent débuter le 3 octobre 2005 à Luxembourg.
Recep Tayyip Erdogan, le premier ministre turc n’a pas ménagé ses efforts. Et jusqu’au bout, il a tenu bon, allant jusqu’à menacer les européens et le président en exercice de l’Union, le néerlandais Jan Peter Balkenende, de rompre les négociations et de rentrer en Turquie. C’est la question de la reconnaissance officielle de la République de Chypre par les Turcs, initialement prévue dans les conditions imposées par les vingt cinq, qui a fortement irrité le premier ministre turc. Celui-ci aurait alors aussitôt rappelé à ses homologues ses lignes rouges, avant de préciser : « Sinon c’est simple, je refuse cet accord et je rentre à Ankara. Mon avion est prêt à décoller à 4 heures du matin ».
Ce sera sous la pression de Tony Blair, fervent partisan de l’entrée de la Turquie dans l’Union, qui fera en sorte de convaincre le président de l’UE de retirer le préalable de la reconnaissance de Chypre ainsi que celle tacite de la France et de l’Allemagne, que le document initialement présenté aux turcs sera modifié. L’accord est alors enfin signé, les négociations d’adhésion pourront débuter le 3 octobre 2005, à Luxembourg.
Jacques Chirac, cependant, a tenu à rappeler que « la route sera longue et difficile pour la Turquie », s’empressant d’ajouter : « naturellement, négociation ne veut pas dire adhésion ». Le président français va en effet devoir convaincre une opinion publique française qui se déclare à 56 % « plutôt pas convaincue » par les arguments de son président, selon un sondage IFOP/ Journal du Dimanche. Toujours selon ce même sondage, 62 % des personnes interrogées se déclarent « personnellement opposées » à l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne. Un référendum sur la question devrait avoir lieu fin 2005 et d’ici là, Jacques Chirac, qui a souligné le fait que « si on est fiancé durant quinze ans » il ne peut qu’en résulter « un mariage favorable aux deux parties », devra faire en sorte que le oui l’emporte.