Tzvetan Todorov, historien, philosophe, linguiste et essayiste français, est né en Bulgarie, où toute « la vie était surveillée ». On comprend sa fascination pour la démocratie. Mais aujourd’hui, il a des inquiétudes, car l’équilibre entre les différents paramètres nécessaires à son bon fonctionnement semble fragilisé.
Notre historien illustre son analyse d’une façon inattendue… par les controverses entre Pélage et Augustin aux IVe et Ve siècles. Pélage soutient que nous avons toujours la liberté de faire le bien, cela dépend de notre volonté. Augustin pense au contraire que nous n’avons pas prise sur tous nos désirs et qu’il y a en chacun de nous « de déplorables ténèbres » qui font que nous ne sommes jamais entièrement libres.
Face à Pélage, Augustin élabore la doctrine du péché originel : pour être sauvé, il faut compter sur la grâce, et s’appuyer sur la tradition de l’Église. « Le Dieu de Pélage, conclut Todorov, évoque Prométhée », « l’homme serait le créateur de son être ».
Pélage aurait introduit un « ver dans le fruit », qui va se développer à partir de la Renaissance chez de nombreux auteurs profanes. Un de ces fruits serait le « messianisme politique ». Todorov en cite plusieurs illustrations : Condorcet et sa marche vers le progrès, Saint-Just et sa foi dans le législateur qui « commande à l’avenir », Danton et son « ange exterminateur »... qui vont mener à la Terreur pour éliminer ceux qui font barrage à cet accomplissement idéal de la société.
Les colonisateurs, eux, prétendront apporter les lumières, le progrès et la civilisation. Ce que Jules Ferry justifiera : « Les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures », et le devoir de les civiliser !
Notre historien illustre son analyse d’une façon inattendue… par les controverses entre Pélage et Augustin aux IVe et Ve siècles. Pélage soutient que nous avons toujours la liberté de faire le bien, cela dépend de notre volonté. Augustin pense au contraire que nous n’avons pas prise sur tous nos désirs et qu’il y a en chacun de nous « de déplorables ténèbres » qui font que nous ne sommes jamais entièrement libres.
Face à Pélage, Augustin élabore la doctrine du péché originel : pour être sauvé, il faut compter sur la grâce, et s’appuyer sur la tradition de l’Église. « Le Dieu de Pélage, conclut Todorov, évoque Prométhée », « l’homme serait le créateur de son être ».
Pélage aurait introduit un « ver dans le fruit », qui va se développer à partir de la Renaissance chez de nombreux auteurs profanes. Un de ces fruits serait le « messianisme politique ». Todorov en cite plusieurs illustrations : Condorcet et sa marche vers le progrès, Saint-Just et sa foi dans le législateur qui « commande à l’avenir », Danton et son « ange exterminateur »... qui vont mener à la Terreur pour éliminer ceux qui font barrage à cet accomplissement idéal de la société.
Les colonisateurs, eux, prétendront apporter les lumières, le progrès et la civilisation. Ce que Jules Ferry justifiera : « Les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures », et le devoir de les civiliser !
Communisme
Les illustrations les plus proches de nous de ce messianisme sont bien sûr le communisme, qui conforte son rêve d’une société juste et parfaite avec le scientisme (les lois de l’histoire), et le totalitarisme nazi, appuyé sur la biologie. Dans ces systèmes, « tout ce mal était accompli au nom du bien, était justifié par un but présenté comme sublime ».
Et maintenant, voilà que nous voulons imposer la démocratie, les droits humains et nos façons de voir, par les bombes de nos « guerres humanitaires » ! On s’attribue le droit de gérer les affaires du monde entier.
L’autre menace de type pélagien et prométhéen qui ébranle la démocratie est à l’opposé de ces « expansions démesurées de la collectivité » ; c’est « la tyrannie des individus » et l’ultralibéralisme qui devient une religion séculière et… un totalitarisme.
Todorov analyse ses effets pervers dans plusieurs domaines, depuis les risques encourus par la planète jusqu’à la déshumanisation du travail. Puis il évoque la montée des partis populistes partout en Europe. « Un peuple a besoin de fixer ses peurs », analyse-t-il. Celle du communisme a été remplacée par celle de l’étranger, surtout s’il est musulman. Le discours populiste flatte les demandes primaires des gens et joue sur la peur d’une perte de l’identité nationale.
Et maintenant, voilà que nous voulons imposer la démocratie, les droits humains et nos façons de voir, par les bombes de nos « guerres humanitaires » ! On s’attribue le droit de gérer les affaires du monde entier.
L’autre menace de type pélagien et prométhéen qui ébranle la démocratie est à l’opposé de ces « expansions démesurées de la collectivité » ; c’est « la tyrannie des individus » et l’ultralibéralisme qui devient une religion séculière et… un totalitarisme.
Todorov analyse ses effets pervers dans plusieurs domaines, depuis les risques encourus par la planète jusqu’à la déshumanisation du travail. Puis il évoque la montée des partis populistes partout en Europe. « Un peuple a besoin de fixer ses peurs », analyse-t-il. Celle du communisme a été remplacée par celle de l’étranger, surtout s’il est musulman. Le discours populiste flatte les demandes primaires des gens et joue sur la peur d’une perte de l’identité nationale.
Autorité et police
Certes, les êtres humains ont besoin d’une identité collective, mais sont-ce vraiment les étrangers qui la menacent ? N’est-ce pas plutôt « l’action conjointe de deux processus de grande ampleur » : la montée de l’individualisme (les normes communes cèdent la place aux choix individuels) et l’accélération de la globalisation.
Todorov s’inquiète également de l’affaiblissement de l’autorité et notamment au sein des familles, qui a comme conséquence une inflation de la police et de la répression.
Pour que la démocratie puisse survivre, il faut « une nouvelle écologie sociale et politique qui permette d’équilibrer individu et collectivité, objectifs économiques et aspirations de sens, désir d’indépendance et besoin d’attachement », et « sortir de la stérile opposition entre société patriarcale répressive et société ultralibérale déshumanisée ».
Un livre qui donne à réfléchir hors des sentiers battus, à la lumière de l’histoire, même si quelques passages, notamment sur la vie avec les étrangers, manquent parfois de cohérence.
Les Ennemis intimes de la démocratie, de Tzvetan Todorov. Robert Laffont/Versilio, 260 p., 20 €.
Todorov s’inquiète également de l’affaiblissement de l’autorité et notamment au sein des familles, qui a comme conséquence une inflation de la police et de la répression.
Pour que la démocratie puisse survivre, il faut « une nouvelle écologie sociale et politique qui permette d’équilibrer individu et collectivité, objectifs économiques et aspirations de sens, désir d’indépendance et besoin d’attachement », et « sortir de la stérile opposition entre société patriarcale répressive et société ultralibérale déshumanisée ».
Un livre qui donne à réfléchir hors des sentiers battus, à la lumière de l’histoire, même si quelques passages, notamment sur la vie avec les étrangers, manquent parfois de cohérence.
Les Ennemis intimes de la démocratie, de Tzvetan Todorov. Robert Laffont/Versilio, 260 p., 20 €.