La campagne électorale du Conseil français du culte musulman et des Conseils régionaux du culte musulman subit encore les foudres des caprices de ses prétendants. Mais cette fois, il n’est pas question de débats d’idées ou de confrontation des programmes mais de batailles au sein des organisations. Après la Fédération national de la grande mosquée de Paris (FNGMP), c’est au tour de l’Union des Organisations Islamiques de France (U.O.I.F) d’opérer peut-être un revirement. La deuxième plus grosse organisation en France menace de boycotter les élections prévues les 8 et 22 juin prochain. Annoncé le 28 mai dernier par son vice-président Fouad Alaoui, ce retrait pourrait peser lourd sur les résultats du scrutin. Les membres de l’U.O.I.F doivent se réunir samedi 31 mai afin d’adopter une position commune. Selon le site Internet CFCM.TV [site indépendant du CFCM et dirigé par Benabdellah SOUFARI, président du CRCM Alsace, ndrl ] et l’Agence France Presse (AFP), Lhaj Thami Breze, président de l’U.O.I.F et actuel président du CRCM Ile-de-France Centre, souhaiterait rester dans la course pour « faire valoir la représentativité du mouvement ». Fouad Alaoui contesterait quant à lui « le mode de fonctionnement et l’utilité même » de l’instance nationale. Au niveau régional, les annonces de retraits se succèdent depuis des semaines. Le dernier en date : celui de la mosquée de Cannes (Alpes-Maritimes) qui accueille 600 fidèles. Elle dénonce notamment « la paralysie progressive des instances régionales des CRCM». Début mai, en accord avec la FNMGP, la mosquée de Châtellerault (Vienne) qui accepte environ 230 fidèles, gelait sa participation à cause « des critères de représentativité ». Du côté des fédérations, la Fédération nationale des musulmans de France (FNMF) a annoncé aussi son boycott électoral car pour elle, un « CFCM privé d'une de ses composantes fondatrices est un CFCM voué à un échec certain. »
Un homme, une voix
Lhaj Thami Breze, président de l'U.O.I.F, s'était déclaré « décidé à libérer le culte musulman des subordinations étrangères »
«Le mode de scrutin (…) indirect, opaque ( …) repose sur un critère surprenant : c'est la surface des mosquées qui détermine le nombre de délégués qui, à leur tour, désigneront les dirigeants du CFCM. Le résultat : 80 % environ des personnalités qui composent le CFCM n'ont pas été élues par les fidèles » analyse Antonella Caruso, chercheuse associée à l’Institut Montaigne, dans une tribune publiée dans le journal Le Figaro le 29 mai dernier. Elle préconise un changement de mode de scrutin, basé sur « le principe « un homme, une voix ». Chaque croyant à jour de sa cotisation à l’association culturelle (dont dépend chaque mosquée) pourrait ainsi directement participer à l’élection des délégués qui, à leur tour, éliront les instances dirigeantes du CFCM. Ce système de vote, conforme à la tradition islamique, a été adopté et mis en œuvre avec succès par la communauté musulmane en Autriche.» A défaut d'avoir engager durant toute cette campagne un vrai débat électoral sur la gestion du culte, les candidats semblent au moins d'accord sur une refonte complète du Conseil français du culte musulman et des conseils régionaux. Antonella Caruso confirme la nécessité de changements pour que le CFCM soit enfin efficace et retrouve la confiance de ceux qu'il est censé représenter : « Pour jouir d’une autorité morale reconnue, le CFCM devrait afficher de façon très visible, dans la composition de ses instances dirigeantes, la présence de savants religieux dont le prestige et l’autorité sont reconnus par les croyants » poursuit la spécialiste dans Le Figaro, « Pour assurer son indépendance d’où il tire une partie de sa légitimité , le CFCM devrait se défaire de ses liens de dépendance, politiques et financiers, à l’égard des États (français et étrangers ». Dans un rapport de 2006, l'International Crisis Group - une organisation non gouvernementale indépendante et composée essentiellement d'intellectuels, d'anciens politiques et de journalistes- proposait au gouvernement français de « réformer les formes de représentation politique de la population musulmane, et en particulier : « Renoncer à l’idée que l’institutionnalisation du culte musulman puisse faire barrage à la tentation jihadiste ; Définir clairement les attributions du Conseil français du culte musulman comme organe de gestion du culte et non comme organe représentatif des musulmans de France ; Freiner les politiques de nature clientéliste et communautaire à tous les niveaux de l’État; Privilégier au niveau local et régional le dialogue avec les acteurs les plus “autochtones” de l’Islam de France, c’est-à-dire les mobilisations des jeunes nés sur le sol français; et adopter une attitude constructive par rapport aux formes d’affirmation politique susceptibles de naître dans le prolongement du soulèvement des banlieues de 2005.» Le diagnostic fait consensus.
Il s'agira pour les nouveaux membres du CFCM et des CRCM de redonner foi aux musulmans en ces institutions, surtout si celles-ci sont considérées comme le miroir infidèle de l'Islam de France.
Il s'agira pour les nouveaux membres du CFCM et des CRCM de redonner foi aux musulmans en ces institutions, surtout si celles-ci sont considérées comme le miroir infidèle de l'Islam de France.