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Un film islamophobe à scandale met le monde musulman en émoi

Rédigé par | Mercredi 12 Septembre 2012 à 18:42

Un film américain anti-islam, dans lequel le Prophète Muhammad est insulté, a provoqué une large vague de protestations dans le monde musulman. A tel point que des violences ont éclaté et ont notamment conduit à la mort de l’ambassadeur américain des Etats-Unis en Libye. Sept ans après les caricatures du Prophète, la diffusion de ce brûlot anti-islam repose la question des limites de la liberté d’expression en matière religieuse.



Des milliers de personnes ont manifesté en Egypte contre la diffusion du film anti-islam « L'Innocence des musulmans ». Des manifestations ont conduit à la mort de diplomates américains en Libye.
Le trailer de « L'Innocence des musulmans » ne dure « que » 14 minutes. 14 minutes de trop pour les musulmans. Le film anti-islam, dans lequel le Prophète Muhammad − qualifié de « bâtard » − est présenté tour à tour comme un pédophile favorable à l’esclavage des enfants, un obsédé sexuel aux tendances homosexuels et un escroc, a provoqué une vague de manifestations dans le monde arabo-musulman.

Outre le fait que Muhammad est représenté sous les traits d’un acteur raté, ses compagnons sont dépeints comme des idiots sanguinaires qui ont reçu pour ordre de piller et de tuer les « infidèles ». Le tout « au nom de Dieu ». A travers cette caricature sordide du Prophète, c’est sans conteste l’ensemble des musulmans qui est ridiculisé et insulté.

Le film a été mis en ligne voilà plusieurs semaines par un certain Sam Bacile, un promoteur immobilier israélo-américain vivant en Californie, qui considère l’islam comme un « cancer ».

Selon l’homme d’affaires, qui s’est confié au Wall Street Journal, le film dure en réalité deux heures. Il l'aurait produit en trois mois en Californie avec 60 acteurs et une équipe de 45 personnes grâce à 5 millions de dollars levés auprès d'une centaine de donateurs juifs, qu'il a refusé d'identifier. Il pense aussi que son film aidera Israël car il expose au monde les failles de l'islam.

Toutefois, le pamphlet était passé inaperçu jusqu’à ce qu’il soit sous-titré en arabe et qu’il soit relayé sur les réseaux sociaux tels Twitter la semaine précédant le 11e anniversaire du 11-Septembre. Un hasard du calendrier ? Personne n’y croit.

Les mouvements islamophobes se félicitent du film

L’auteur du long-métrage, qui se cache actuellement, a reçu le soutien de plusieurs personnalités controversées, dont le pasteur Terry Jones, qui s’est fait connaître pour ses autodafés du Coran, et Pamela Geller, présidente de « Stop Islamization of America ».

A l'occasion de la « Journée internationale du jugement de Mahomet », que le pasteur organise tous les 11 septembre, il a annoncé qu'il diffuserait le trailer du film dans son église de Gainesville, en Floride. « C'est une production américaine, qui n'a pas pour objectif d'attaquer les musulmans, mais de montrer l'idéologie destructive de l'islam », s’est-il expliqué.

Au Proche-Orient, ce sont des chrétiens d’Orient extrémistes, Morris Sadek le premier, qui se sont arrangés pour promouvoir la vidéo à grande échelle. Ce juriste égyptien de confession copte, exilé aux Etats-Unis, est connu pour ses positions anti-islam. Selon lui, le film ne fait que présenter « des faits réels ». Lui et ses soutiens sont aujourd’hui accusés d’avoir traduit l’extrait vidéo en dialecte égyptien.

Une stupide provocation qui mène à des violences

La médiocrité du film est incontestée mais il passe mal en travers de la gorge des musulmans. Sept ans après les caricatures du Prophète, la vidéo a commencé par mettre le feu aux poudres en Egypte. La première scène du film s’ouvre en effet sur des policiers égyptiens laissant les musulmans massacrer les chrétiens.

En réponse, plusieurs milliers de personnes ont manifesté au Caire devant l’ambassade des Etats-Unis mardi 11 septembre. Une dizaine d’hommes ont ensuite escaladé le mur d’enceinte du bâtiment et ont arraché le drapeau américain pour le remplacer par un étendoir noir à la gloire de l’islam.

En Libye, de nombreuses manifestations ont ensuite éclaté. Le consulat américain basé à Benghazi a même été pris d’assaut à la roquette. Cette fois, il y a eu mort d’hommes : l'ambassadeur des États-Unis en Libye, J. Christopher Stevens, et trois fonctionnaires américains ont été tués dans la soirée de mardi.

« Les Etats-Unis déplorent toute volonté délibérée de dénigrer les croyances religieuses d'autrui. Notre engagement en faveur de la tolérance religieuse remonte aux origines mêmes de notre nation, mais que les choses soient claires : rien ne saurait jamais justifier des actes de cette nature », a déclaré Hillary Clinton, la secrétaire d'Etat américaine. Barack Obama a également fermement condamné cette « attaque scandaleuse ».

Crainte des tensions intercommunautaires

Face aux violences que provoque le film, les Coptes d’Egypte s’inquiètent pour leur sort. Les autorités de l’Eglise orthodoxe ont clairement dénoncé le film. « Laissez-nous en paix, nous sommes capables de vivre sous la protection et avec l’amour des musulmans », a déclaré le patriarche Anba Pachomios, pape par intérim de l’Eglise copte depuis la mort de Chénouda III, à l’adresse des Coptes radicaux de l'étranger.

Le porte-parole du Vatican, le père Federico Lombardi, a publié un communiqué affirmant que « les offenses injustifiées et les provocations » contre les musulmans ont « parfois des résultats tragiques » qui « nourrissent les tensions et les haines » et déclenchent des « violences inacceptables ». Selon le Vatican, le respect des « croyances, des textes, des personnages marquants et des symboles » de toutes les religions est essentiel pour mener une coexistence pacifique.

« Bien que la liberté d’expression et le droit à la satire soient des principes sacrés de la démocratie, ces libertés ne doivent pas être utilisées comme une excuse pour répandre des ordures et de la boue », a également réagi Michael Melchior, rabbin orthodoxe et ancien membre du gouvernement israélien.

Le caractère islamophobe du film « L'Innocence des musulmans » et de son réalisateur n'est plus à prouver mais le risque d’embrasement du Proche- et du Moyen-Orient est réel. Médiocre ou non, « L’innocence des musulmans » connaît malheureusement une large diffusion ces dernières heures en raison de la proportion que prend l’affaire.

Une publicité gratuite et déplacée qui devrait très vite polluer la campagne électorale américaine.



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur