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Une Journée internationale contre l'islamophobie instaurée par l'ONU

Rédigé par Lina Farelli | Jeudi 17 Mars 2022 à 09:00

L'Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution faisant du 15 mars la Journée internationale de lutte contre l'islamophobie. Mais l'initiative a été accompagnée de critiques de plusieurs délégations dont celle de la France.



Il existe désormais une Journée internationale de lutte contre l'islamophobie et elle aura lieu chaque année le 15 mars. L'Assemblée générale des Nations unies a adopté, mardi 15 mars, par consensus, une résolution soumise par le Pakistan et soutenue par l'Organisation de la coopération islamique (OCI).

Celle-ci, qui viendra désormais marquer les commémorations des attentats de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, invite les Etats membres de l'ONU, de même que les autres organisations internationales et régionales, la société civile, le secteur privé et les organisations d'inspiration religieuse « à organiser et à soutenir divers événements à haute visibilité visant à accroître efficacement la sensibilisation à tous les niveaux sur la lutte contre l’islamophobie ».

La résolution, qui déplore « tous les actes de violence à l’encontre des personnes sur la base de leur religion ou de leurs convictions et les actes dirigés contre leurs lieux de culte », appelle « au renforcement des efforts internationaux pour favoriser un dialogue mondial sur la promotion d’une culture de tolérance et de paix à tous les niveaux, fondée sur le respect des droits de l'Homme et de la diversité des religions et des convictions ».

Le Pakistan s'est naturellement réjoui de l'adoption de sa résolution. « L'ONU a enfin reconnu le grave défi auquel le monde est confronté : l'islamophobie », a tweeté le Premier ministre Imran Khan à l'issue du vote. « Le prochain défi consiste à assurer la mise en œuvre de cette résolution historique. »

Que dit la France de la résolution ?

La création de cette Journée internationale ne s'est pas faite sans critique de quelques pays parmi lesquels la France. Celle-ci, par la voix de son représentant à l'ONU Nicolas de Rivière, a réaffirmé sans réserve sa lutte contre toutes les discriminations mais a critiqué l'usage du terme « islamophobie ». « Cette formule laisse penser que c’est la religion qui est protégée en tant que telle, et non les croyants », a-t-il jugé. « Or, c’est bien la liberté de croire, de ne pas croire ou le droit de changer de religion que nous devons promouvoir. »

Il a aussi fait valoir que « la résolution ne répond pas à la préoccupation, que nous partageons tous, de lutter contre toutes les formes de discriminations car elle segmente la lutte contre l’intolérance religieuse, en ne sélectionnant qu’une seule religion à l’exclusion des autres, et en ne faisant pas de référence à la liberté de croire ou de ne pas croire ». Néanmoins, la France ne s'est pas opposée à l'adoption de la résolution.

Dans le sens des critiques émises par Nicolas de Rivière, le représentant de l’Union européenne a fait valoir son inquiétude face à une approche consistant à distinguer une religion et risquant de « saper l'approche universelle » dans la lutte contre toutes les formes de haine.

Avec la France, l'UE a soumis des propositions de modification pour « rendre le texte plus universel en le recentrant sur la liberté de religion ou de conviction et sur la lutte contre les discriminations affectant les individus ». En vain. Toutefois, l'UE s'est aussi rangée au consensus.

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L’Inde a, de son côté, dénoncé une résolution où le terme « pluralisme » est absent et qui épingle uniquement une forme de haine sur la base de la religion. « Il est temps que nous reconnaissions la prépondérance de la religiophobie plutôt que d'en distinguer qu'une seule », a-t-elle déclaré. Notons dans le même temps que le pays est en proie à une forte montée de l'intolérance religieuse envers les musulmans et à des tensions récurrentes avec son voisin pakistanais.

L'adoption de la résolution intervient quelques jours avant la tenue de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, qui a lieu tous les 21 mars depuis 1966.

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