Libération qui fait sa Une du week-end sur l'islamophobie les 21 et 22 septembre. Est-ce un acquis de nos luttes ou le résultat d'une situation tellement dramatique que nous sommes passés d'une menace potentielle au statut de victimes ?
Pour mieux comprendre le présent, revenons 10 ans en arrière. Le même Libération avait lancé une triple campagne en :
1) lançant la carrière de Caroline Fourest ;
2) soutenant la loi islamophobe excluant les filles portant le voile de l'école ;
3) diabolisant le terme même d'islamophobie.
Pour mieux comprendre cette victoire, comprenons sa réelle nature. Ce dossier de Libération ouvre un triple débat faisant écho à sa triple campagne d'il y a 10 ans :
1) en promouvant des intellectuels contre l'islamophobie sans disqualifier les penseurs islamophobes d'hier comme Caroline Fourest ;
2) contre de nouvelles lois islamophobes mais pour le maintien des actuelles ;
3) pour la reconnaissance d'un racisme antimusulman mais contre le terme « islamophobie ».
Ce revirement doit ainsi être vu, à mon sens, comme un coup d'arrêt à la dérive actuelle de l'islamophobie progressiste vers une islamophobie portée par l'extrême droite. La multiplication des violences contre les filles voilées, la montée de Marine Le Pen et du Front national, leur récupération des thématiques progressistes républicaines, l'essoufflement de la gauche à l'approche des municipales y sont pour beaucoup.
C'est dans ce contexte que je lis la reconnaissance du racisme antimusulman par Libération comme celui de Caroline Fourest. Ce nouveau positionnement entend :
1) redorer leur blason antiraciste bien écorné (1) ;
2) repositionner l'islamophobie comme une ligne de clivage gauche-droite ;
3) poser la gauche comme les amis des musulmans, des quartiers de l'immigration par rapport à une islamophobie de droite anti-quartiers anti-Arabes xénophobe.
Pourquoi ne pas se réjouir, me diriez-vous, et cesser ce pessimisme malsain ? Si je reconnais que cette victoire est en partie un acquis de nos luttes, je pense qu'elle est aussi et avant tout le produit de nos insuffisances. Parler de racisme antimusulman au lieu d'islamophobie, c'est la position tenue par le MRAP, les féministes Ni-Voile Ni-Loi et beaucoup d'autres acteurs de gauche, qui, s'ils s'opposent à de nouvelles lois islamophobes, s'opposent également à toute lutte active contre elles.
Leur motto : contre le racisme mais aussi contre l'intégrisme, le communautarisme et le « racisme anti-Blancs ». C'est avec de tels slogans qu'ils arrivent à soutenir Charlie Hebdo, tout en refusant de signer une pétition avec Tariq Ramadan. Qu'ils sont pour le droit de vote des étrangers aux élections locales, mais ne tiennent pas à leur éligibilité de peur que ces étrangers votent pour le halal à la cantine (2). Qu'ils s'apitoient sur le sort des banlieues mais stigmatisent toute forme d'autonomie politique comme communautariste. Qu'ils reconnaissent les discriminations racistes tout en les minorant systématiquement par le « racisme anti-Blancs ».
Pour mieux comprendre le présent, revenons 10 ans en arrière. Le même Libération avait lancé une triple campagne en :
1) lançant la carrière de Caroline Fourest ;
2) soutenant la loi islamophobe excluant les filles portant le voile de l'école ;
3) diabolisant le terme même d'islamophobie.
Pour mieux comprendre cette victoire, comprenons sa réelle nature. Ce dossier de Libération ouvre un triple débat faisant écho à sa triple campagne d'il y a 10 ans :
1) en promouvant des intellectuels contre l'islamophobie sans disqualifier les penseurs islamophobes d'hier comme Caroline Fourest ;
2) contre de nouvelles lois islamophobes mais pour le maintien des actuelles ;
3) pour la reconnaissance d'un racisme antimusulman mais contre le terme « islamophobie ».
Ce revirement doit ainsi être vu, à mon sens, comme un coup d'arrêt à la dérive actuelle de l'islamophobie progressiste vers une islamophobie portée par l'extrême droite. La multiplication des violences contre les filles voilées, la montée de Marine Le Pen et du Front national, leur récupération des thématiques progressistes républicaines, l'essoufflement de la gauche à l'approche des municipales y sont pour beaucoup.
C'est dans ce contexte que je lis la reconnaissance du racisme antimusulman par Libération comme celui de Caroline Fourest. Ce nouveau positionnement entend :
1) redorer leur blason antiraciste bien écorné (1) ;
2) repositionner l'islamophobie comme une ligne de clivage gauche-droite ;
3) poser la gauche comme les amis des musulmans, des quartiers de l'immigration par rapport à une islamophobie de droite anti-quartiers anti-Arabes xénophobe.
Pourquoi ne pas se réjouir, me diriez-vous, et cesser ce pessimisme malsain ? Si je reconnais que cette victoire est en partie un acquis de nos luttes, je pense qu'elle est aussi et avant tout le produit de nos insuffisances. Parler de racisme antimusulman au lieu d'islamophobie, c'est la position tenue par le MRAP, les féministes Ni-Voile Ni-Loi et beaucoup d'autres acteurs de gauche, qui, s'ils s'opposent à de nouvelles lois islamophobes, s'opposent également à toute lutte active contre elles.
Leur motto : contre le racisme mais aussi contre l'intégrisme, le communautarisme et le « racisme anti-Blancs ». C'est avec de tels slogans qu'ils arrivent à soutenir Charlie Hebdo, tout en refusant de signer une pétition avec Tariq Ramadan. Qu'ils sont pour le droit de vote des étrangers aux élections locales, mais ne tiennent pas à leur éligibilité de peur que ces étrangers votent pour le halal à la cantine (2). Qu'ils s'apitoient sur le sort des banlieues mais stigmatisent toute forme d'autonomie politique comme communautariste. Qu'ils reconnaissent les discriminations racistes tout en les minorant systématiquement par le « racisme anti-Blancs ».
En résumé, cette gauche-là ne nous reconnaît comme victimes que lorsque précisément nous sommes que cela. Dès lors que nous passons du statut passif de victimes à celui d'acteurs, la répression s'abat au nom de la République et de ses valeurs. Ce n'est donc pas demain la veille que le consensus national-républicain, toutes tendances politiques confondues, autour de notre maintien au statut de colonisés de la République, se fissurera pour nos beaux yeux.
D'ailleurs, un coup d’œil jeté à cette Une suffit pour comprendre sa limite. Le visage mis en avant est racialement, religieusement, bref tout à fait assimilable à un Français blanc de souche. Il ne porte pas la barbe, n'est pas une femme voilée, n'est pas typé arabe, n'est pas Noir, ne fait pas jeune de cité. Le croissant et l'étoile tatoués renvoient directement à la symbolique de l'étoile jaune portée par les Juifs durant le régime de Pétain. Le symbole de l'antisémitisme le plus radical allant jusqu'à viser un citoyen français lambda parce qu'il a le malheur d'avoir un juif dans ses aïeux. Le symbole du Juif, car perçu comme tel, avant d'être le juif par identité. De même, ce jeune homme est musulman car perçu comme tel. Son islamité est un stigmate qu'il subit et qui ne relève donc pas d'un choix. Le voile comme la croix ou la kippa sont, eux, à l'inverse des symboles du choix d'une religion. Ce symbole n'est ici pas un symbole de foi mais est le signe extérieur d'une origine qu'on soupçonne lointaine.
L'islamophobie, ou racisme antimusulman, qu'accepte de reconnaître Libération week-end, vise celui qui a fait le choix de la France et de la République, ou celui qui a accepté de s'y soumettre bon gré mal gré : il ne mérite donc pas cette haine. Il fait pitié car il n'est pas, ou plus, une menace car ayant adhéré à tout ce que la République française lui a ordonné d'assimiler ou tout du moins s'y étant plié.
Ne comptez donc pas trop sur Libération pour vous défendre, vous, les musulmans de foi... En résumé : Libération weekend, 2 jours sur 7, lutte contre le racisme antimusulman. Le reste du temps, soit 5 jours sur 7, c'est un journal perméable à l’islamophobie atmosphérique comme les autres.
Si nous partageons le constat, il nous incombe à nous donc, militants contre l'islamophobie, de formuler la lutte et le terme même d'islamophobie afin que soient reconnues comme islamophobes toutes les agressions qui le sont, et ainsi toutes ses victimes.
Ainsi, je vous propose comme tâches à venir de la lutte contre l'islamophobie de faire reconnaître comme islamophobes :
1) les diffamations flagrantes à l'égard de notre Prophète Muhammad, d'Allah et du Coran, qui, au moins autant que le drapeau, l'hymne et la devise nationale-républicaine, ont droit au respect ;
2) les atteintes aux musulmanes et musulmans visibles et pratiquants en France et discriminés comme tels ;
3) la oumma martyrisée par l'islamophobie géopolitique en treillis et bottes militaires tout comme sous les oripeaux de la diabolisation des expressions politiques de l'islam.
Quoiqu'il en soit, 10 ans après sa popularisation dans le débat public à l'occasion de la loi interdisant le hijab à l'école, l'actualisation de la notion d'islamophobie s'avère on ne peut plus nécessaire nous permettra de répondre aux défis du monde contemporain.
Notes
(1) Caroline Fourest est lauréate du Y'a Bon Awards 2012 de la chroniqueuse ayant le plus contribué au racisme systémique par ses propos dans les médias.
(2) Les élus locaux pourraient empêcher les directeurs d'école d'exclure les mamans des sorties scolaires, les jeunes filles portant un "bonnet" en remplacement du hijab, continuer à célébrer les mariages en mairie des musulmanes voilées.
*Bader Lejmi est un militant associatif, co-organisateur de la cérémonie annuelle des Y'a Bon Awards fondée par l'association des Indivisibles.
D'ailleurs, un coup d’œil jeté à cette Une suffit pour comprendre sa limite. Le visage mis en avant est racialement, religieusement, bref tout à fait assimilable à un Français blanc de souche. Il ne porte pas la barbe, n'est pas une femme voilée, n'est pas typé arabe, n'est pas Noir, ne fait pas jeune de cité. Le croissant et l'étoile tatoués renvoient directement à la symbolique de l'étoile jaune portée par les Juifs durant le régime de Pétain. Le symbole de l'antisémitisme le plus radical allant jusqu'à viser un citoyen français lambda parce qu'il a le malheur d'avoir un juif dans ses aïeux. Le symbole du Juif, car perçu comme tel, avant d'être le juif par identité. De même, ce jeune homme est musulman car perçu comme tel. Son islamité est un stigmate qu'il subit et qui ne relève donc pas d'un choix. Le voile comme la croix ou la kippa sont, eux, à l'inverse des symboles du choix d'une religion. Ce symbole n'est ici pas un symbole de foi mais est le signe extérieur d'une origine qu'on soupçonne lointaine.
L'islamophobie, ou racisme antimusulman, qu'accepte de reconnaître Libération week-end, vise celui qui a fait le choix de la France et de la République, ou celui qui a accepté de s'y soumettre bon gré mal gré : il ne mérite donc pas cette haine. Il fait pitié car il n'est pas, ou plus, une menace car ayant adhéré à tout ce que la République française lui a ordonné d'assimiler ou tout du moins s'y étant plié.
Ne comptez donc pas trop sur Libération pour vous défendre, vous, les musulmans de foi... En résumé : Libération weekend, 2 jours sur 7, lutte contre le racisme antimusulman. Le reste du temps, soit 5 jours sur 7, c'est un journal perméable à l’islamophobie atmosphérique comme les autres.
Si nous partageons le constat, il nous incombe à nous donc, militants contre l'islamophobie, de formuler la lutte et le terme même d'islamophobie afin que soient reconnues comme islamophobes toutes les agressions qui le sont, et ainsi toutes ses victimes.
Ainsi, je vous propose comme tâches à venir de la lutte contre l'islamophobie de faire reconnaître comme islamophobes :
1) les diffamations flagrantes à l'égard de notre Prophète Muhammad, d'Allah et du Coran, qui, au moins autant que le drapeau, l'hymne et la devise nationale-républicaine, ont droit au respect ;
2) les atteintes aux musulmanes et musulmans visibles et pratiquants en France et discriminés comme tels ;
3) la oumma martyrisée par l'islamophobie géopolitique en treillis et bottes militaires tout comme sous les oripeaux de la diabolisation des expressions politiques de l'islam.
Quoiqu'il en soit, 10 ans après sa popularisation dans le débat public à l'occasion de la loi interdisant le hijab à l'école, l'actualisation de la notion d'islamophobie s'avère on ne peut plus nécessaire nous permettra de répondre aux défis du monde contemporain.
Notes
(1) Caroline Fourest est lauréate du Y'a Bon Awards 2012 de la chroniqueuse ayant le plus contribué au racisme systémique par ses propos dans les médias.
(2) Les élus locaux pourraient empêcher les directeurs d'école d'exclure les mamans des sorties scolaires, les jeunes filles portant un "bonnet" en remplacement du hijab, continuer à célébrer les mariages en mairie des musulmanes voilées.
*Bader Lejmi est un militant associatif, co-organisateur de la cérémonie annuelle des Y'a Bon Awards fondée par l'association des Indivisibles.
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