Société

Vers la création d’une organisation de lutte contre l’islamophobie avec le FORIF ?

Rédigé par | Mercredi 2 Février 2022 à 10:00

Le vide laissé par le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) après sa dissolution pose la question de l'opportunité de l'émergence d'une structure nationale en charge de la lutte contre les actes antimusulmans. Avec la mise à l'écart de l'Observatoire de lutte contre l'islamophobie, lié au CFCM, par les pouvoirs publics, le Forum de l'islam de France (FORIF) s'y penche.



Les dissolutions d'organisations de lutte contre l'islamophobie telles que le CCIF et, aujourd'hui, la mise hors circuit de l’Observatoire national de lutte contre l’islamophobie du fait du lâchage du Conseil français du culte musulman (CFCM) par l’Etat, douze ans après la signature d’un accord-cadre sur le suivi des actes antimusulmans, laissent le champ libre à la réflexion sur la création en France d’une nouvelle organisation de lutte contre les actes antimusulmans.

Priorité sur la protection des lieux de culte

C'est le cas dans le cadre du Forum de l’islam de France (FORIF), où un groupe de travail chargé de la question de la lutte contre les actes antimusulmans – expression préférée au terme « islamophobie » – et la sécurité des lieux de culte a été mis en place. Faire l’impasse sur ce qui est, aujourd’hui plus que jamais, une forte préoccupation des musulmans de France était inconcevable face à l’augmentation constante des actes antimusulmans dont une grande partie concerne des atteintes aux lieux de culte, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur.

En réponse à ce constat, quatre millions d’euros ont été alloués en 2021 pour la sécurisation des lieux de culte via le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR). Pour le culte musulman, environ 500 000 € ont été attribués, répartis sur 35 projets. C’est le cas à Meyzieu, dans le Rhône, où une mosquée a pu non seulement renforcer la porte principale mais aussi installer 21 caméras de vidéo protection et un système de contrôle d'accès avec interphone pour près de 60 000 €. A Chelles, en Seine-et-Marne, c'est l'achat et l'installation de 8 caméras extérieures et 22 caméras intérieures qui ont été financées à hauteur de 48 000 €.

Définir les contours d’une organisation capable de remplir le rôle et de combler le vide

Dans le même temps, « les chiffres ne reflètent qu’une partie de la réalité car les victimes d’actes antimusulmans ne font pas toujours les démarches pour porter plainte », rappelle le groupe de travail, selon une note de synthèse que Saphirnews a pu consulter. Il s’est dégagé, au cours des réunions marquées par une forte présence de représentants de l’administration, la nécessité de mettre en place une structure dédiée qui serait « l’interlocuteur des services de l’Etat au niveau territorial puis au niveau central ».

Pour ce faire, un groupe chargé de la question pourrait être constitué dans chaque département afin d’accompagner les associations gestionnaires des mosquées dans la sécurisation de leurs bâtiments en aidant à la constitution des dossiers de demande de subvention auprès du Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), d’accompagner les éventuelles victimes d’actes antimusulmans et de faire le lien avec les services de l’Etat en préfecture.

Par la suite, à l’échelle nationale, une structure « indépendante des associations cultuelles » centraliserait les remontées pour « professionnaliser la prise en charge de la lutte contre les actes antimusulmans et être le point de contact avec les ministères de l’Intérieur et de la Justice ».

Une structure « professionnelle et experte »

« Il ne s’agira pas d’une instance de représentation des musulmans, mais d’une structure légitime parce que professionnelle et experte, dans une approche pluridisciplinaire de la problématique d’une part, et parce qu’ancré dans les réalités du terrain d’autre part grâce aux liens étroits qu’elle entretiendra avec les pôles départementaux », insiste-t-on. Une telle structure pourrait-elle voir le jour ? De l’implication du groupe de travail, des moyens qui y seront mis et de la volonté ferme de l’Etat à agir contre la haine antimusulmane dépendra la réponse.

Quelle que soit l’issue donnée aux travaux du FORIF en la matière, le président de l’Observatoire de lutte contre l’islamophobie, Abdallah Zekri, prévient qu’il poursuivra son suivi de la question envers et contre tout. « La convention que nous avons signée (du temps de Brice Hortefeux en 2010, ndlr) n’a pas été formellement dénoncée à ce jour. Si l’Etat ne veut plus reconnaître l’Observatoire, je prendrai acte mais cela ne m’empêchera pas de continuer à dénoncer les actes islamophobes », nous indique le délégué général du CFCM. Notons qu'il n’a pas été invité à participer aux réunions d'un FORIF qu'Abdallah Zekri estime ne pas être en capacité de remplacer le CFCM dans le rôle qui lui était attribué... Tandis que plusieurs fédérations regardent avec inquiétude l'émergence du FORIF, la séance plénière inaugurale est appelée à se tenir samedi 5 février au Conseil économique social et environnemental (CESE), à Paris.


Des organisations visant à prendre en charge la lutte contre l’islamophobie en France existent encore, à commencer par le Collectif contre l’islamophobie en Europe (CCIE). Né de la dissolution du CCIF, il poursuit le travail depuis la Belgique. Très actif sur les réseaux sociaux, il dénonce régulièrement « les punitions collectives » du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin.

En parallèle, l’association Action Droits des Musulmans (ADM), fondée en 2016 par une ancienne membre de la Coordination contre le racisme et l'islamophobie (CRI) après l’état d’urgence décrété fin 2015, est encore largement méconnu du grand public musulman, mais a tout de même obtenu des financements d’Open Society, fondé par Georges Soros, à hauteur de 190 000 dollars (170 000 €) depuis 2018 selon nos informations.

Enfin, la Grande Mosquée de Paris a signé un partenariat en mai 2021 avec la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) en mai 2021 pour « accompagner et soutenir les citoyens » victimes du racisme antimusulman mais auprès de ce public, sa légitimité demeure limitée.



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur