Né le 5 avril 1943 à Bordeaux (France), le cardinal Jean-Louis Tauran s’est éteint le 5 juillet 2018 à Meriden (États-Unis). Ici, celui qui fut président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux de 2007 à 2018 est invité à l’évènement « Together in Prayer for Peace », en juin 2013. En présence de représentants baha’is, bouddhistes, jaïns, hindous, juifs, musulmans, sikhs, zoroastriens et chrétiens, il prononce le discours de clôture dans la cathédrale de Westminster. (© Mazur/Catholic News)
Saphirnews : Comment accueillez-vous la nouvelle du décès du cardinal Jean-Louis Tauran ?
Vincent Feroldi : Mes sentiments, ce matin, c’est de la tristesse, de la paix et de l’action de grâce.
Tristesse, parce que je savais que le cardinal était très souffrant ces dernières semaines. Il est difficile de se séparer de quelqu’un qui a marqué durablement la vie de notre Église et tout particulièrement ce qui concerne le dialogue islamo-chrétien et le dialogue entre les religions.
Paix, parce qu’on sait qu’enfin il a arrêté de souffrir. Ces dernières semaines, son état s’était dégradé, il était parti aux États-Unis se reposer et recevoir de nouveaux soins.
Action de grâce, parce que c’était quelqu’un de si fraternel, de si chaleureux et de si convaincu de l’importance de la rencontre et du dialogue. Et dans ses derniers actes, ses dernières paroles, le cardinal était vraiment habité d’une espérance.
Lire aussi : Hommage au cardinal Jean-Louis Tauran, fervent avocat du dialogue interreligieux au Vatican
Tristesse, parce que je savais que le cardinal était très souffrant ces dernières semaines. Il est difficile de se séparer de quelqu’un qui a marqué durablement la vie de notre Église et tout particulièrement ce qui concerne le dialogue islamo-chrétien et le dialogue entre les religions.
Paix, parce qu’on sait qu’enfin il a arrêté de souffrir. Ces dernières semaines, son état s’était dégradé, il était parti aux États-Unis se reposer et recevoir de nouveaux soins.
Action de grâce, parce que c’était quelqu’un de si fraternel, de si chaleureux et de si convaincu de l’importance de la rencontre et du dialogue. Et dans ses derniers actes, ses dernières paroles, le cardinal était vraiment habité d’une espérance.
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Quels derniers souvenirs vous ont particulièrement marqué ?
Vincent Feroldi : Quand il était venu à Lourdes, à l’assemblée plénière des évêques de France, il y a deux ans... Quand on l’avait aussi rencontré au Vatican avec les membres du Conseil français du culte musulman. On sentait qu’il avait une interrogation. Il trouvait que le dialogue n’avançait pas assez, malgré les efforts entrepris depuis Vatican II.
Ce qui m’a beaucoup frappé, c’est son dernier voyage en Arabie saoudite, en avril 2018. Il a interpellé ses interlocuteurs non seulement sur l’importance d’avancer dans le dialogue et de poser des actes, mais aussi sur la question de la présence chrétienne en Arabie saoudite.
En même temps, inlasssablement, il n’a cessé de reprendre ce refrain ô combien extraordinaire qui est de dire qu’il n’y a pas d’autre chemin que le dialogue et la rencontre et qu’il y a tout à fait possibilité pour les croyants de se mettre au service du bien commun.
Ce qui m’a beaucoup frappé, c’est son dernier voyage en Arabie saoudite, en avril 2018. Il a interpellé ses interlocuteurs non seulement sur l’importance d’avancer dans le dialogue et de poser des actes, mais aussi sur la question de la présence chrétienne en Arabie saoudite.
En même temps, inlasssablement, il n’a cessé de reprendre ce refrain ô combien extraordinaire qui est de dire qu’il n’y a pas d’autre chemin que le dialogue et la rencontre et qu’il y a tout à fait possibilité pour les croyants de se mettre au service du bien commun.
Et en tant que directeur du service national des relations avec les musulmans, quels faits marquants du cardinal Tauran retenez-vous ?
Vincent Feroldi : Son départ me marque d’autant plus que, il y a trois ans, au moment où j’ai été nommé directeur du Service national des relations avec les musulmans (SNRM), il y avait un questionnement au sein de l’Église de France sur les chemins possibles du dialogue en sachant traiter des questions qui fâchent. Et le cardinal Tauran a lui-même exprimé le désir de venir auprès des évêques de France pour discuter avec eux du rapport de l’Église avec le monde musulman.
Le cardinal Jean-Louis Tauran (à g.), lors de l’inauguration, à Vienne (Autriche), en novembre 2012, du Centre international pour le dialogue interreligieux et interculturel (KAICIID), avec le vice-chancelier autrichien et ministre des Affaires étrangères Michael Spindelegger et le prince et ministre saoudien des Affaires étrangères Saoud al-Fayçal. (© Ministère autrichien des Affaires étrangères)
C’était très émouvant de le voir participer à l'assemblée plénière des évêques de France, car il était déjà physiquement diminué, avec son corps qui le faisait souffrir. Mais il était en capacité de prendre du temps pour redire ses convictions et, en même temps, les défis qui se présentaient. À la suite de cela, l’Église de France a repris plusieurs fois le sujet du dialogue.
Puis, à travers mes contacts personnels ou par l’intermédiaire de Mgr Michel Dubost puis de Jean-Marc Aveline, présidents du Conseil pour les relations interreligieuses et les nouveaux courants religieux de l’Église de France, qui vont régulièrement à Rome, il y a eu, durant mon premier mandat de directeur du SNRM, ce lien important et tenace avec le cardinal Tauran.
Nous avons marché non pas main dans la main, puisque physiquement ce n’était pas le cas, mais, si je puis dire, nous avons marché de cœur à cœur, dans une même communion de désir que, avec nos amis musulmans, nous puissions avancer pour le bien commun et le bien de nos deux communautés respectives.
Puis, à travers mes contacts personnels ou par l’intermédiaire de Mgr Michel Dubost puis de Jean-Marc Aveline, présidents du Conseil pour les relations interreligieuses et les nouveaux courants religieux de l’Église de France, qui vont régulièrement à Rome, il y a eu, durant mon premier mandat de directeur du SNRM, ce lien important et tenace avec le cardinal Tauran.
Nous avons marché non pas main dans la main, puisque physiquement ce n’était pas le cas, mais, si je puis dire, nous avons marché de cœur à cœur, dans une même communion de désir que, avec nos amis musulmans, nous puissions avancer pour le bien commun et le bien de nos deux communautés respectives.
Quelle était son influence au sein du Vatican ?
Vincent Feroldi : Il avait une double influence. Dans la hiérarchie des cardinaux, il avait une place toute particulière. Il était, depuis 2014, le camerlingue. C’est-à-dire que c’est lui qui a annoncé au monde la nomination du pape François, c’est lui qui était chargé des biens temporels de l’Église romaine et c’est lui qui, en cas de décès du pape, aurait été amené à le remplacer et à gouverner le Saint-Siège. Cela signifie que, dans l’organisation du Vatican, il avait une place très importante.
Par ailleurs, en tant que président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, il avait la fonction de ce qu’on pourrait appeler celle de ministre chargé des relations interreligieuses. On sentait, à travers toutes les déclarations du pape François, qu’il y avait là une communion de pensée et d’action.
Par ailleurs, en tant que président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, il avait la fonction de ce qu’on pourrait appeler celle de ministre chargé des relations interreligieuses. On sentait, à travers toutes les déclarations du pape François, qu’il y avait là une communion de pensée et d’action.
A-t-il agi dans le domaine des relations judéo-chrétiennes ?
Vincent Feroldi : Non, parce que, dans le système de notre Sainte Église, le judaïsme n’est pas inclu dans les relations interreligieuses, car on estime que les juifs sont nos frères aînés, donc il existe une structure différente qui ne ressortissait pas de ses compétences. Il ne s’occupait pas non plus de l’œcuménisme, c’est-à dire des autres Églises chrétiennes, qui relève du Conseil pour la promotion de l’unité des chrétiens.
« Je crois en l’homme » est un recueil de discours, de commentaires bibliques et d’articles du cardinal Tauran.
Étant français, le cardinal Tauran avait-il une connivence particulière avec la France ?
Vincent Feroldi : Ce qui était plus fort était au niveau de la fraternité, relevait de l’humain.
Le Père Christophe Roucou (prédécesseur de Vincent Feroldi, ancien directeur du Service national pour les relations avec l’islam au sein de la Conférence des évêques de France, ndlr) a édité un ouvrage avec le cardinal rassemblant tous ses textes : Je crois en l’homme… Les religions font partie de la solution, pas du problème (Bayard, 2016).
Sa culture étant française et comme il a exercé en France avant d’être nommé à Rome, les liens que le cardinal Jean-Louis Tauran a tissés tout au long de sa vie avec son pays d’origine et avec l’Église dont il était originaire sont forcément des liens de proximité très forts.
Le Père Christophe Roucou (prédécesseur de Vincent Feroldi, ancien directeur du Service national pour les relations avec l’islam au sein de la Conférence des évêques de France, ndlr) a édité un ouvrage avec le cardinal rassemblant tous ses textes : Je crois en l’homme… Les religions font partie de la solution, pas du problème (Bayard, 2016).
Sa culture étant française et comme il a exercé en France avant d’être nommé à Rome, les liens que le cardinal Jean-Louis Tauran a tissés tout au long de sa vie avec son pays d’origine et avec l’Église dont il était originaire sont forcément des liens de proximité très forts.
Son action était d’envergure internationale, quelles étaient ses relations avec les mondes musulmans ?
Vincent Feroldi : C’était un grand voyageur. Le cardinal Tauran avait le souci d’être en lien avec les différents courants du monde musulman. Il est allé aussi bien au Maroc, en Égypte, en Arabie saoudite que dans les pays d’Asie...
Je suis sûr que les messages de condoléances ne manqueront pas d’être adressés de la part de l’ensemble des hauts dignitaires musulmans, car il avait à cœur d’aller dans tous lieux où on l’invitait. C’est un signe : les idées, les échanges et les textes, c’est une chose ; mais c’est la relation humaine qui importe le plus. Le cardinal Tauran était vraiment un homme de la rencontre, directe et fraternelle.
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Je suis sûr que les messages de condoléances ne manqueront pas d’être adressés de la part de l’ensemble des hauts dignitaires musulmans, car il avait à cœur d’aller dans tous lieux où on l’invitait. C’est un signe : les idées, les échanges et les textes, c’est une chose ; mais c’est la relation humaine qui importe le plus. Le cardinal Tauran était vraiment un homme de la rencontre, directe et fraternelle.
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