Les Islams des Balkans
Les Islams des Balkans : tel est le titre du N°2 de la série des Cahiers du Courrier des Balkans, coédité par le Courrier des Balkans et Religioscope à l'enseigne des Éditions Non Lieu. Ce « cahier » de plus de 200 pages a été coordonné par Jean-Arnault Dérens et Laurent Geslin, deux noms bien connus des lecteurs de Religioscope, qui a accueilli à plusieurs reprises leurs reportages et analyses.
Peut-être faut-il commencer la lecture de ce livre par la fin. Avant quelques annexes (données statistiques, repères chronologiques, glossaire, brèves informations biographiques et bibliographiques), le dossier proposé par Dérens et Geslin se conclut en effet par un très éclairant entretien avec Xavier Bougarel et Nathalie Clayer, qui comptent parmi les chercheurs les mieux informés sur le sujet et répondent en quelques pages à des questions sur les recompositions de l'islam dans les Balkans.
Nous y apprenons ainsi que « l'idée d'islam européen n'est (...) pas neuve »: cette construction intellectuelle apparaît au 19e siècle chez des voyageurs européens qui parcourent ces régions : soit leur islam apparaît comme incompatible avec leur européanité (ce qui ouvre la voie à une possible reconversion au christianisme), soit « on postule qu'il serait différent der l'islam des Turcs ». Le thème de l'islam européen connaît ensuite de nouvelles utilisations dans les Balkans — et aussi en Europe occidentale avec l'installation durable de populations musulmanes, comme nous le savons.
Xavier Bougarel souligne que « l'islam d'aujourd'hui dans les Balkans n'est pas la continuation d'une supposée tradition immuable sur des siècles, mais le résultat de transformations liées, en grande partie, à la modernisation de l'époque socialiste ». Mais les transformations ne s'arrêtent pas là, ajoute Bougarel, puisque l'islam balkanique a aussi été marqué par tous les changements des 20 dernières années : liberté religieuse, politisation des populations musulmanes, échanges avec les pays musulmans et Internet.
Peut-être faut-il commencer la lecture de ce livre par la fin. Avant quelques annexes (données statistiques, repères chronologiques, glossaire, brèves informations biographiques et bibliographiques), le dossier proposé par Dérens et Geslin se conclut en effet par un très éclairant entretien avec Xavier Bougarel et Nathalie Clayer, qui comptent parmi les chercheurs les mieux informés sur le sujet et répondent en quelques pages à des questions sur les recompositions de l'islam dans les Balkans.
Nous y apprenons ainsi que « l'idée d'islam européen n'est (...) pas neuve »: cette construction intellectuelle apparaît au 19e siècle chez des voyageurs européens qui parcourent ces régions : soit leur islam apparaît comme incompatible avec leur européanité (ce qui ouvre la voie à une possible reconversion au christianisme), soit « on postule qu'il serait différent der l'islam des Turcs ». Le thème de l'islam européen connaît ensuite de nouvelles utilisations dans les Balkans — et aussi en Europe occidentale avec l'installation durable de populations musulmanes, comme nous le savons.
Xavier Bougarel souligne que « l'islam d'aujourd'hui dans les Balkans n'est pas la continuation d'une supposée tradition immuable sur des siècles, mais le résultat de transformations liées, en grande partie, à la modernisation de l'époque socialiste ». Mais les transformations ne s'arrêtent pas là, ajoute Bougarel, puisque l'islam balkanique a aussi été marqué par tous les changements des 20 dernières années : liberté religieuse, politisation des populations musulmanes, échanges avec les pays musulmans et Internet.
Parlons radicalisation mais pas que...
La question de l'islam politique ou de courants radicaux ne pouvait manquer, dans le contexte actuel, d'occuper une place assez importante dans ce volume, qu'ouvre un article de Dérens et Geslin intitulé « Les Balkans au défi d'une radicalisation de l'islam ? », originellement publié sur le site Religioscope en 2013. Nathalie Clayer met en garde contre la reprise du terme de « wahhabisme » — fréquemment utilisé dans les médias de la région — pour désigner les courants néo-salafistes présents dans la région (« le terme wahhabite est (...) souvent utilisé pour délégitimer et condamner des concurrents ou des adversaires sur la scène religieuse »). En Macédoine, par exemple, les néo-salafistes piétistes ainsi qualifiés par leurs opposants s'opposeraient aux institutions religieuses au moins autant pour des questions pragmatiques (gestion des biens, etc.) que pour des raisons doctrinales...
Cette forte présence du thème de la radicalisation n'est pas étonnante en raison de la nature du volume : pour une bonne partie, il s'agit en fait d'un dossier de presse, constitué d'articles publiés dans des médias balkaniques et traduits en français. Le plus ancien de ces textes remonte à 1999, mais la plupart d'entre eux datent des dernières années. Cette riche documentation, aisément accessible sous forme d'un seul volume, fait tout l'intérêt du recueil.
Classés thématiquement (Sandjak, Bosnie-Herzégovine, néo-salafisme, identités nationales, derviches, rôle de la Turquie...), ce qui permet une consultation aisée à partir de la table des matières, ces articles évoquent de façon vivante l'islam tel qu'il est vécu et perçu aujourd'hui dans les Balkans, notamment (mais pas seulement) à travers le regard de journalistes locaux. Peut-être serait-il d'ailleurs intéressant un jour de préparer un dossier de textes ne provenant pas de médias « séculiers », mais de publications islamiques des Balkans, pour comprendre comment y sont discutés les enjeux de l'identité islamique dans la région.
À côté des « grands sujets », le lecteur apprécie de découvrir aussi quelques articles évocateurs d'atmosphères, par exemple — en fin de dossier — un beau reportage publié en 2013 dans un journal bosniaque sur les somuni, ces petits pains qui embaument les soirs de ramadan en Bosnie-Herzégovine. Le lecteur est entraîné dans la visite d'une boulangerie qui propose « ces petits pains traditionnels recouverts de graines de de nigelle » depuis plus de 90 ans : toute la ville se presse devant la boulangerie de la vieille ville de Sarajevo pour les acheter. Article « anecdotique »? Pas tant que cela: un choix judicieux car l'héritage et la réalité quotidienne d'une tradition religieuse passent aussi par des coutumes, mets et émotions qui y sont attachées dans les mémoires des croyants, autant que par l'adhésion à des croyances et doctrines.
Les Islams des Balkans (cahier coordonné par Jean-Arnault Dérens et Laurent Geslin), Paris, Éd. Non Lieu, 2014, 232 p.
Cette forte présence du thème de la radicalisation n'est pas étonnante en raison de la nature du volume : pour une bonne partie, il s'agit en fait d'un dossier de presse, constitué d'articles publiés dans des médias balkaniques et traduits en français. Le plus ancien de ces textes remonte à 1999, mais la plupart d'entre eux datent des dernières années. Cette riche documentation, aisément accessible sous forme d'un seul volume, fait tout l'intérêt du recueil.
Classés thématiquement (Sandjak, Bosnie-Herzégovine, néo-salafisme, identités nationales, derviches, rôle de la Turquie...), ce qui permet une consultation aisée à partir de la table des matières, ces articles évoquent de façon vivante l'islam tel qu'il est vécu et perçu aujourd'hui dans les Balkans, notamment (mais pas seulement) à travers le regard de journalistes locaux. Peut-être serait-il d'ailleurs intéressant un jour de préparer un dossier de textes ne provenant pas de médias « séculiers », mais de publications islamiques des Balkans, pour comprendre comment y sont discutés les enjeux de l'identité islamique dans la région.
À côté des « grands sujets », le lecteur apprécie de découvrir aussi quelques articles évocateurs d'atmosphères, par exemple — en fin de dossier — un beau reportage publié en 2013 dans un journal bosniaque sur les somuni, ces petits pains qui embaument les soirs de ramadan en Bosnie-Herzégovine. Le lecteur est entraîné dans la visite d'une boulangerie qui propose « ces petits pains traditionnels recouverts de graines de de nigelle » depuis plus de 90 ans : toute la ville se presse devant la boulangerie de la vieille ville de Sarajevo pour les acheter. Article « anecdotique »? Pas tant que cela: un choix judicieux car l'héritage et la réalité quotidienne d'une tradition religieuse passent aussi par des coutumes, mets et émotions qui y sont attachées dans les mémoires des croyants, autant que par l'adhésion à des croyances et doctrines.
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