Le journal de Malika K.

En règle générale, pour tuer mon ennuie et trouver une occupation amusante, je mets en application, le plus efficace de mes savoir faire : énerver mon père !

J’attends bien sagement que son feuilleton favori, diffusé sur la parabole, soit bien avancé, pour commencer à faire le ménage.
Bien que la table basse soit bien propre, je feins de la nettoyer. Je me positionne, alors, pile poil, sur son champ de vision afin de lui cacher le téléviseur. Il se décale. Je me décale à mon tour. Il se décale de nouveau. Je me décale une nouvelle fois. Ce petit jeu continue jusqu’à ce que je l’entende dire à ma mère :
« t’as vu ta fille, t’merdi fiya !»
C’est bon, il est énervé, je peux partir ! Avant de m’en aller, je lâche un petit :
« moi, je ne comprends pas. Quand, je ne fais pas le ménage, vous êtes pas content et lorsque je le fais, vous êtes pas content. On n’arrive pas à s’entendre, il est grand temps pour moi de prendre un appart… c’est bon j’ai rien dit »

Je retourne dans ma chambre et tourne en rond. Je m’ennuie !...Hmmm… Ouai ! Je sais ce que je vais faire ! J’écoute alors Nirvana, le groupe de métal rock, un peu déglingué… Mon père ne vient pas… Bon ben augmente le son… Il n’arrive toujours pas… triple le volume…Ca y est ! Ca a marché !
Papa entre dans ma chambre, furieux :
« T’es devenu folle ? »
J’en profite pour tenter de renégocier ma liberté :
« Ah ! Bah ! Si je n’ai pas le droit d’écouter de la musique, il est grand temps… c’est bon ! J’ai rien dit ! »

Je m’ennuie…

Ah ! Tiens, v’la le frère qui rentre. Il s’installe à côté de mes parents et regarde, avec eux, la scène d’un mariage, très réussi.

Génial ! The Show must go on ! Peux pas louper ça !

J’aime écouter mes parents démontrer à mon petit frère qu’il est grand temps pour lui de se marier. Bien évidemment, je suis d’accord avec eux. D’abord, parce qu’il ne faut jamais contredire ses parents, ensuite parce que cette situation me fait rire ! Elle embarrasse, fortement, notre ingénieur informatique de 27 ans. Et ça ! Ca m’éclate ! Du coup, j’en rajoute.

Tout à fait d’accord ! Maman se fait vieille, elle a besoin d’une belle fille pour l’aider. Fatiha est très bien. Je ne comprends pas ce qu’il lui reproche.
Je me retiens, alors qu’au fond de moi-même, je ris à mourir. Je ressens l’agacement de mon frère qui tente tant bien que mal d’expliquer son célibat. Ah ! Ah ! Je m’éclate ! Allez, je continue !
Fatiha est une « bent faimila », une fille de bonne famille. Elle sait faire à manger et plus particulièrement le « khobs ». En plus, maman est la meilleure amie de sa mère, elles s’entendent sur tout. Elles viennent, toutes deux, du même village, de l’autre côté de la méditerranée. C’est important, l’entente des familles dans un couple ! Non, vraiment, je ne comprends pas pourquoi, il hésite, encore, d’autant plus que ses arguments ne sont pas bons du tout !
Ah ! Je m’éclate ! Ah ! Ah ! Qu’est ce que je rigole, c’est trooooooooop bien !!!

Fatiha, c’est vrai, est la belle fille idéale mais pas, la femme idéale. La seule fois, où elle est allée au cinéma, c’est en classe de CM2. Depuis, je ne suis même pas sûre qu’elle y soit retournée. Ses parents l’ont éduquée pour devenir « la bonne mère de famille », « the » mère au foyer. Malheureusement pour mes parents, son profil ne correspond pas à ce que recherche Karim. Lui, il se voit plutôt avec une intellectuelle. L’idéal, serait que les parents de son intellectuelle soient issus du même village que nos parents, mais, la probabilité pour que cela arrive est très faible. Karim a, cependant de l’espoir du coup, Fatiha, il en est hors de question. Il se lance ainsi dans un débat hilarant avec mes parents… Je les écoute parler lorsque soudain !

Qu’est ce qu’il dit ? Qu’est ce qu’il fait ? Pourquoi change t-il de conversation ? N’importe quoi ! Arrête ! Mais tu vas arrêter !!!! N’importe quoi ! Mais non ! Non, je vous dis !!! Je ne vais pas épouser, le frère de Fatiha !!! Pis de toute façon je m’en vais ! Je déteste parler mariage !!!

Quel cauchemar ! Mais quel cauchemar ! Heureusement que le réveil a sonné à temps.

Je me baladais tranquillement sur la planète Mars lorsque soudain un petit homme vert m’interpella : « eh ! T’es pas la bienvenue chez nous ! Salle Terrienne, retourne sur ta planète et n’oublie pas de refaire tes dents »…un truc de malade ! Je me suis réveillée en sursaut et en vie… je ne sais pas ce qu’il aurait pu me faire ce fou de Martien.

Aujourd’hui, j’ai rendez vous à 18h chez le dentiste. Il s’agit simplement d’une visite de routine, pour qu’il me trouve quelque chose, justement.
J’appréhende toujours de voir le soigneur de dents, il me fait peurrrrrr !

Ca y est ! C’est parti pour le rendez-vous. Dans ma voiture, je profite des embouteillages pour imaginer la prise de tête avec Monsieur Ben Kekchose…. « Ololo Melle K, vos dents ! Vos dents ! C’est terrible !!!! Il faut prendre soin de ses dents ! Comment faîtes vous pour vivre avec ça ? Ololo ! La catastrophe ! Comment vais-je faire pour réparer tout ça ? Le brossage se fait toujours de haut en bas et de bas en haut. Ololo !!!... »
Je me brosse les dents, matin, midi et soir. Je n’ai pas de problème dentaire c’est la raison pour laquelle, je soupçonne Monsieur Ben Kekchose de dramatiser la situation afin de me revoir. Non pas pour ma beauté, inexistante, mais pour me soutirer mon pognon, inexistant…. Bon ! Là faut que j’accélère, je vais être en retard et Monsieur Ben Kekchose n’aime pas les retardataires même si, lui-même, nous fait poiroter une heure, en général.

Aie ! Je me suis mordu la langue en mâchant mon chewgum ! Quelle conne !

J’arrive au cabinet… quoi ! Ce n’est pas possible ! Vous en êtes sûr madame la secrétaire ? Mais non, je ne peux pas avoir une semaine d’avance !... Vraiment, êtes-vous sûr qu’il ne peut pas me recevoir, aujourd’hui. J’ai fait une heure de route, je ne peux tout de même pas repartir, s’il vous plaît, Madame… Allez, un p’tit effort… Mais non ! Personne ne fera comme moi, je suis la seule à posséder mon cerveau…
Après une demi-heure de négociation, je fini par obtenir gain de cause et m’installe en salle d’attente.
J’ai appris le négoce au bled, maintenant chui imbattable ! Niah ! Niah ! Niah !

Comment vais-je tuer le temps ? Lire les magazines, pourris, posés sur la table ? Ben ouai, ya que ça à faire. Bon ! Alors ! Quels sont les gros titres ? Economie : la France au plus bas. Non ! Pas ça ! Ca va me faire déprimer. High Tech : les entreprises françaises au plus haut. Non ! Pas ça ! Comprend rien à l’informatique. Ah ! Oui ! Celui là, ça m’a l’air bien. Comment garder son mec en dix leçons ? Mouai ! Bien ! Ca ne me concerne pas mais ce n’est pas grave, je saurais quoi faire quand j’en aurais un.
Installée sur ma chaise, j’ouvre directement la page éducative…. Ah Ouai ! Ok ! Je ne savais pas qu’ils aimaient bien ça. Je comprends… Je l’appliquerai à la prochaine occasion. Hmmm. D’accord ! Ok ! N’empêche que, c’est complètement débile un mec… Leçon 6, peux pas le faire, pudeur oblige, mais je n’hésiterai pas quand je serai mariée. Finalement sur les dix leçons, seules cinq peuvent être réalisées. Je comprends, mieux, pourquoi les mecs ne veulent pas de moi ! Allez passons aux choses sérieuses, celles qui font réfléchir. Le jeu des 7 erreurs.

Je sens un regard qui me stresse. Qu’est ce qu’il a me mater celui là. Qu’est ce que tu veux ? Ma Photo ? En plus, t’as aucune chance avec moi, mon coco ! Pas la peine d’insister, t’as aucune chance. Bon ! Il m’agace…. Pourriez-vous cesser de me regarder, je vous en serais très reconnaissante. Oui ? Qu’est ce qu’il a mon pull ? Ah ! Oui ! Effectivement, vous avez raison, il est à l’envers.
C’est grave !!!! Même ce mec n’est pas intéressé par moi ! Je vais finir ma vie toute seule avec mes parents.
Eh ! Quand je pense à mon pull ! Eh ! Ca craint ! Je suis allée au boulot comme ça ! Les membres de mon équipe ont du me prendre pour une folle. Ils auraient pu me prévenir, quand même ! Bon ! Demain, je les vire, tous ! La raison : pas d’esprit d’équipe.

Un homme sort de la salle de soin et me sourit. Ahhhh ! Il ne lui reste qu’une dent. Ahhh ! Mais que lui est-il arrivé ?
Il semblerait que Monsieur Ben Kekchose, n’ayant pas réussi à lui soigner toutes ses dents, lui aurait proposé de les lui arracher. Eh ! Ca craint ça ! Ahhh c’est mon tour… veux pas y aller et peux pas me sauver ! Ca craint !!!

« Alors Melle K. ! Qu’avions nous fait la fois dernière ? »
Me soigner les dents, il me semble… Ololo ! Qu’est ce qu’il me fait peur avec sa visière en plastique qui recouvre tous son visage… On croirait un mécano !
« Allez, rincez vos dent avec ça ! »
Beurk ! Mais c’est dégueulasse
« M’enfin ! Melle K, c’est pas fait pour boire »
J’avais trop soif !!!
« Ololo Melle K ! Vos dents ! Vos dents ! Je n’arrive pas à les soigner ! »

Stop ! Monsieur Ben Kekchose ! Vous savez, je peux tout entendre. Dites-moi la vérité. Combien de temps me reste t-il avant de porter un dentier ?...

Toute l’année, mes parents squattent les marchés et les brocantes, à la recherche de vêtements à ramener au bled. Pour leurs achats, ils adoptent une façon de procéder vraiment bizarre. Comme ils pensent que, là où ya rassemblement, ya affaire à se faire, en général, ils se dirigent toujours sur le stand où il y a un attroupement de maghrébins. Ils y achètent tous ce que leur finances peuvent leur permettre et c’est, seulement, arrivé à la maison, qu’il tente d’attribuer leurs achats, aux futurs heureux bénéficiaires.

Maintenant qu’ils sont ruinés, ils peuvent retourner au Pays. Papa est à la retraite, ils peuvent donc profiter, toute l’année, d’un retour aux sources.

L’excitation de leur nouveau départ leur fait accomplir le traditionnel rituel de voyage qui mérite une description approfondie que chacun analysera à sa guise.

Ils commencent d’abord par s’occuper des bagages. Ils remplissent au maximum leurs sacs, à tel point que, lorsqu’une fringue dépasse, ils montent, à deux sur le vêtement, afin de bien l’enfoncer à l’intérieur. Tactique utilisée traditionnellement pour permettre de gagner de la place et, par conséquent, de mettre plus d'affaires.
Il est hors de question de laisser, ne serait-ce, qu’un petit espace vide. Je me marre Ah ! Ah ! Ah !… Passons à la fermeture du bagage… Il faut être deux…Mais maman serre plus, papa a du mal à fermer la fermeture éclair… Ah ! Ah ! Ah !...

Enfin c’est terminé ! Tous les bagages sont blindés comme ils le souhaitent. Nous pouvons passer à l’étape suivante… la pesé.
Ca pourrait-être simple mais faut compliquer, c’est plus logique !

Mon père se pèse d’abord puis descend de la balance. Il prend, ensuite, le premier sac, et se repese de nouveau. Si, on soustrait son poids avec celui du sac, celui-ci fait donc 15kg…. Oui ! Je l’ai noté sur ma feuille... Le second sac fait 16kg… j’additionne…oulala c’est juste. Ils risquent de payer une surtaxe. Heureusement qu’ils ont droit, chacun, à 30 kg soit un total de 60 kg. Les bagages de maman font, en tout et pour tout, 31 kg… C’est trop !... Oui, je barre ce que j’ai noté… Hmmmm… faut retirer des trucs…. Si, on prend ce sac et qu’on retire le tissu destiné à Tata et le jean destiné à son fils, alors logiquement, ça devrait être bon….Allez ! On le referme…
On repese… Il faut, encore, se débarrasser de 500 g… On a qu’à enlever, les cinq « soutiennes » (soutien gorges) de la future belle fille de Tata et, là, ça devrait être bon… Mais dans quels sacs se cachent-ils ?… Bon ben, on a qu’à tout déballer, on finira par les retrouver… On recommence…
Hmmmm ! Là, ça ne va plus ! Sans les sous-vêtements, on perd 200 g… Il est hors de question de perdre des grammes prévus dans le billet… Attendez, j’ai plus de place sur ma feuille, je vais en chercher une autre…
Ffff… Bon ben, on a qu’à remettre le jean…. La balance indique que c’est une nouvelle fois trop lourd… Bon, ben, on le retire et on met deux « soutiennes », à la place. Très bien ! ouffff ! C’est fini…

Ahhhh ! Le cabas s’est déchiré ! Evidemment ! Quelle idée d’acheter bas de gamme. Tout le monde sait que pour le bled, il faut des sacs résistants, des sacs qui peuvent supporter le voyage…. Ah ! Non ! Non ! Non ! Non ! Non ! Non ! Non ! Je ne vous prête pas ma valise… Parce qu’on ne part pas au bled avec une valise Louis Vuitton !... Bah ! Non ! Je n’ai jamais pensé que pour aller, là bas, fallait un sac pourri ! Ololo ! Chez pas moi, vous avez qu’à prendre ce sac là ! Pourquoi, vous vous énervez ?... Je ne vois pas, en quoi, ça dérange de partir avec un sac poubelle ! Vous vous vexez, toujours, pour rien !... fffffffffffffff ! Mais non ! Je n’ai pas soufflé ! Mais non ! Je n’en ai pas marre de vous !... Ok c’est bon ! Prenez-la, parce que là, j’en peux plus !... Mais attention ! Elle pèse 200g, donc, il faut retirer les deux soutifs…

Quelle bonne idée, papa ! C’est vrai maman que tu devrais les mettre dans ton sac à main. Et pourquoi ne pas mettre, aussi, le jean ? Bon, je vous laisse, je vais me coucher.

4h du mat, ma mère me réveille…
« Mais non ! Vous n’allez pas être en retard…. Mais non ! A 4h du mat, ya pas d’embouteillage…
Non, mais c’est pas vrai ! Vous vous êtes tapés une nuit blanche, à changer tous vos bagages…. Mais papa, t’es pas sérieux ! Tu ne vas pas prendre un sac à main ?!... Tout ça pour ne laisser aucunes fringues… Ouai ! Ok ! J’abandonne ! Faîtes comme vous le sentez…

C’est bon ! Tout le monde dans la voiture !… Mettez votre ceinture, c’est parti… heu… je ne retrouve plus ma clef… Mais non, on ne va pas arriver en retard… Ne vous énervez pas, vous me déconcentrez. Où est ce que je l’ai mise… bon ! Je vais me souvenir de tous ce que j’ai faits et logiquement, je devrais la retrouver. J’ai d’abord ouvert la porte. Oups ! Elle est restée sur la portière… c’est bon je démarre ! Pas de panique !... Ca va, je ne roule pas trop vite ?... Je sais qu’on s’arrête au feu rouge… Je sais que c’est priorité à droite… Non Papa ! N’allume pas le poste… trop tard… « j’veux un mec…. »... Mais non, ce n’est pas moi qui écoute ça, c’est ma collègue, Christelle. Elle a oublié son CD dans ma voiture. »

Nous sommes arrivés à destination et, vu notre avance, forcément, l’aéroport est fermé. On attend, donc, l’ouverture dans ma voiture qui, je le sens bien, souffre… C’est bon, c’est ouvert, on peut y aller... Pas la peine de courir, on est les premiers, ya personne qui va nous doubler. En plus votre voyage est prévu pour 17H30 donc la c’est sûr, vous n’allez pas louper l’avion. Pas d’inquiétude !
« Installez vous là, je vais vous enregistrer et je reviens….
Bonjour, Madame… Comment ça, sur le billet, le départ est prévu pour demain… J’ai pourtant pris les billets pour le 17… Non ! Non ! Pas ça ! J’étais persuadée que le 17 était un mercredi ! Nous ne sommes pas, mercredi 17 mais mercredi 16, et c’est jeudi 17… Ca craint !... Ecoutez, Madame, serait-il possible de changer les billets parce que, voyez-vous, j’ai pris un RTT pour accompagner mes parents et demain, ils ne trouveront personnes pour les conduire jusqu’ici… Oui je sais bien ! Mais mes parents ne comprendront jamais la connerie que j’ai faite… Si wou plait, Madame, si wou plaît…
Tu le fais exprès, connace, de pas comprendre !... Je vais me faire embrouiller !!!!...
Faut qu’ils partent aujourd’hui… Appelez-moi votre responsable…. »

La semaine dernière, Mounir et sa femme, mes amis de fac, avaient organisé un repas pour me présenter à Aziz.
Nous nous sommes, alors, retrouvés en couple avec les vieux amoureux, Mounir et Saliha, et les « presque jeunes » amoureux, Aziz et moi. C’était trooooop mignonnnnn !!!
La soirée s’étaient très bien déroulée c'est la raison pour laquelle, nous avions décidé, avec Aziz, de nous revoir.
La semaine passa hyper lentement et, heureusement, toucha à sa fin.

Il est temps de préparer mon rendez-vous qui approche à grand pas !
Pour honorer les mensonges de Mounir, qui a exagérément positivé ma description, et pour pouvoir donner bonne impression, je décide d’acheter de nouvelles fringues chez Bachir.

Bachir s’est spécialisé dans la vente de friperies, genre fringues des années 60. J’aime beaucoup ces vêtements. Ils me donnent un côté original et insolite mais c’est surtout le slogan, écrit en gros sur la devanture du magasin, qui me motive à acheter : « c’est pas cher, chez bacher ! ». Je kiffe à moooort !!!
Actuellement, c’est les soldes, alors, faut en profiter même si mes finances crient famine…. La banque va hurler, ça craint ! En plus, il me reste à régler la facture du téléphone et de mon assurance auto mais m’en fou ! M’en fou ! M’en fou !...
Je joue gros là ! C’est tellement rare de trouver un mec qui n’a pas peur de se caser !!!!

D’après Mounir, Aziz est fin prêt à faire le grand saut. Il ne supporte plus sa vie de célibataire. Il paraît qu’il n’est pas difficile dans sa recherche. C’est simple ! Il veut une femme qui devra ressembler à sa mère. En gros, et si j’ai bien compris, elle devra plaire à sa mère, faire à manger comme sa mère, se comporter comme sa mère….
Ne connaissant pas, personnellement, la mère d’Aziz, il va m’être difficile de relever le défi, mais je ne désespère pas.

Wahou ! Ces chaussures rouges sont magnifiques… Ah non ! Peux pas les acheter, cette couleur me porte malheur, je le sais ! Je finis par acheter un blouson noir à rayures blanches et des « sabattes » noires à rayures blanches aussi.
Les chaussures doivent toujours être assorties avec le haut que l’on porte.
J’ai, vraiment, eu de la chance de les trouver, tous les deux, dans le même magasin, bacher !

Oulala ! J’appréhende tellement pour demain que je décide d’y réfléchir.
Faudra assurer ! Faudra pas déconner ! Faudra faire attention à tous ce que je dirai et tous ce que je ferai. Faudra garder dans l’esprit qu’un mec, ça juge tout le temps !
Quelles sont les questions qu’il pourra, éventuellement, me poser :
« et pourquoi, tu fais ça comme ça et pas comme ça ? Et pourquoi, t’es comme ça et pas comme ça ? Et pourquoi…Ta gueule, tu me saoules !... Nan, peux pas répondre ça… ololo ! Je suis flippée…

Le lendemain, jour de rendez-vous, je suis complètement paniquée. J’ai un grave problème ! J’ai trop de fringues dans lesquelles je me sens super bien et du coup je ne sais pas quoi mettre…. Cette jupe ?… non non !... Ce pantalon ?… Non non… Hmmm… Ce pantacourt, avec cette veste en jeans ?…
Ahhhh ! Je vais être en retard !!! Faut se magner !… les fringues achetés chez Bachir sont très biens… allez zou, j’y vais… veux pas le faire attendre !

Ahhhh ! Ma voiture ne veut pas démarrer…Pourquoi me fais-tu ça, maintenant ? Ecoute, Tartaga, si tu démarres et ben je te paye une option en plus chez l’assureur… ouf ! Merci ! Promis demain, j’ajoute le bris de glace après, je te casse le pare brise et je demanderai au mécano de te mettre des verres Chanel… T’inquiète, je me ferai rembourser… je crois que ça marche comme pour les lunettes…

J’arrive devant Aziz avec un grand sourire. Je suis très heureuse de le revoir. Pourquoi me fixe t-il bizarrement ? Qu’est ce que j’ai, encore, fait ? J’ai l’impression qu’il souhaite m’annoncer quelque chose et qu’il n’ose me le dire. Wahou ! Ca doit être grave !
« Ah ! C’est tout ! Mon blouson… Oui, je l’ai eu en solde, comment tu sais ?... C’est noté où ?... »
Marde, j’ai oublié de retirer l’étiquette… En plus c’est écrit en gros… la honte !...

Ca commence bien. A mon avis, là, c’est mort. Il doit te prendre pour une débile. Rattrape-toi ! T’es censée être intelligente, avoir fait des études scientifiques… parle lui de l’équation de Schrödinger, de Thalès, de Pythagore… t’as pas été à l’école pour rien, quand même !

Nous marchons, ensemble, au bord de la Seine… C’est trooooop bien… ololo ! Comment je me sens trooooop bien avec lui… je crois qu’on est fait l’un pour l’autre.
Pour nous amuser et continuer notre délire de faux couple, je lui propose de faire la course. Je me mets, alors, à courir comme une folle. Je veux le battre ! Soudain…
BA ! BA !... Pourquoi, suis-je tombée ? Pourquoi, ai-je acheté des chaussures qui glissent ? Mais pourquoi, lui ai-je proposé ce jeu à la con ?… Quelle conne ! Mais quelle conne !…. Bon faut rattraper le coup parce que là c’est trooooop la honte….
« oui, ça va merci… ah non ! non ! Je ne suis pas tombée, je me suis assise c’est tout !... oui, sur le trottoir, c’est vachement romantique, non ?... Oui, t’as raison, sur la pelouse c’est mieux… Ouai ! Génial ! En haut de cette pente, ce sera parfait ! »

Nous oublions l’humiliation précédente et montons la pente, ensemble. Arrivé à mi-chemin, je me mets à glisser…Je ne peux arrêter ma descente. Pourquoi, ai-je acheté ces chaussures ?... Arrivée en bas, je décide de tenter une nouvelle fois ma chance…je glisse… Eh ! Ca craint… je suis en train de me taper la honte !... Il est là haut…faut le rejoindre coute que coute. Bon ben, monte à quatre pattes… La honte, mais la honte !
Je vais y arriver… Ouf ! Je suis, enfin à côté de lui.
Pour ne pas me salir, je mets mon blouson à terre et m’assois dessus… Ahhhh !!!… Mais pourquoi ai-je acheté ce blouson ?…

Ne pouvant pas nous mettre sur la pelouse, nous décidons, donc, de nous installer ailleurs. Nous finissons par jouer les amoureux imaginaires sur un banc Public. Finalement, mon aventure de tout à l’heure nous fait rire et nous donne un air bien sympathique… Il y a même des passants qui passent avec un regard oblique… (Oui, je sais, c’est nul mais j’aime trop Georges Brassens !)

Nous entamons une discussion sur la littérature française. Mounir, me parle de Victor Hugo. Je l’interrompe, énervée !
« Non ! Mais c’est n’importe quoi ce que tu dis ! Victor Hugo, écrivain français ! Mais tu le sors d’où ce truc ! Victor Hugo est un compositeur allemand de l’époque de Zola qui lui-même était peintre et même qu’il s’est coupé une oreille pour une prostitué…. Tu es bête ou tu le fais exprès pour m’énerver ? Eh ! Je sais ce que je dis…».

Aziz me demande, alors, de me calmer et va sur Internet avec son téléphone portable. Il me montre, ensuite, les écrits de Victor Hugo, les peintures de Van Gogh et me fait écouter les compositions de Beethoven.

Wahou ! J’ai confondu tout le monde. Mais pourquoi, ai-je fait ça ? Pourquoi n’ai-je pas fermé ma bouche !!! Là c’est sûr, c’est mort ! Faut que je rattrape le coup, une nouvelle fois !
« Ah ! Ah ! Ah ! Tu m’as cru ! Mais non, je plaisantais ! On peut dire que je joue bien la comédie. J’ai fait du théâtre quand j’étais petite…. Non ! Je te jure que je plaisantais… M’enfin ! Je sais bien qui est Victor Hugo ! La dernière fois, à la télé, il était l’invité de marque d’une émission littéraire ».

Le temps est passé super vite et il est l’heure de nous quitter. Je tente de lui faire comprendre que je suis disponible pour un éventuel autre rendez-vous. Mes paroles restent vaines. Je n’arrive pas à obtenir un autre rencard.
« Ok ! Pas de problème ! On s’appelle pour s’organiser une nouvelle rencontre en fonction de notre emploi du temps respectif ».

C’est moooooort !!!!!!
Bilan : je peux rester deux heures sans faire de conneries. Dépassé ce délai, le naturel revient au galop… donc la prochaine fois, je quitte le mec au bout d’1h55 !

Je rentre chez moi et appelle Mounir.
« Quoi ! J’ai tout gâché !!! Tout ça parce que je ne connais pas Victor Hugo…J’ai été ridicule !... C’est de ta faute, tout ça ! Pourquoi m’avoir présentée à un littéraire ? Avec un scientifique, j’aurais été dans mon élément, je lui aurais parlé électron, neutron, proton…
De toute façon, vous les mecs, vous détestez qu’une nana puisse vous apprendre des choses… je sais, je ne lui ai rien appris mais ça aurait pu se produire… Et pis, ton pote, faut savoir ce qu’il veut ! Tu m’as bien dit qu’il recherchait une fille comme sa mère ? Bon ben voilà !... Tu ne vas pas me faire croire que sa mère connait Victor Hugo ?!... »

Ce soir, il est prévu avec ma copine Steph, une sortie en boîte de nuit. J’ai dit à mes parents que je dormais chez elle. Les boîtes étant complètement proscrites, je ne dis donc qu’une partie de la vérité mais jamais de mensonges.
Je suis excitée à l’idée d’y aller !

Je me dirige vers ma voiture et tente d’ouvrir ma petite Tartaga. Je l’ai acheté, il ya deux ans de cela. Mon père m’avait aidée à choisir cette vieille Peugeot 505, année 85. C’était très prestigieux, à l’époque, de posséder celle que les allemands surnommaient « la Mercedes française ». Je l’avais, donc, acheté pour lui faire plaisir.
Aujourd’hui, elle me fait honte ! Ce n’est pas grave, papa est fier de voir sa fille la conduire…

« Oui ! Monsieur ! Je vous écoute… pourquoi, j’essaie d’ouvrir votre voiture ? Mais c’est parce que c’est la mienne… Oh ! Pardon, je me suis plantée ! Vous avez raison, la mienne est garée un peu plus loin. Pardon ! Des fois, il m’arrive d’être, comment dire, super méga conne, mais je vous rassure, je prends des médocs pour me soigner… Mais non c’est une blague, c’est pour rire… Ah ! Ah ! Ah ! »

Je roule sur le périph parisien à 130km/h pour rattraper mon retard. Il faut absolument arriver avant 23h30 car au-delà, c’est payant pour les filles, et il est hors de question de payer pour danser. Je n’ai pas de sous !…Aie ! Flash ! ffff… L’amende va me coûter deux entrées en boîtes. Quelle arnaque ! Aie ! Embouteillage ! Bon, je passe par Paris ! Ololo ! C’est bouché aussi ! ffff….

Je suis, alors, arrêtée par un agent de circulation. Pourquoi moi ? Réponse : soit c’est parce qu’il veut me draguer. Les policiers aiment arrêter les jolies filles. Soit c’est parce que je suis maghrébine ? Les policiers n’aiment pas… Soit c’est parce qu’il fait son boulot.
Oulala ! Comment il est énervé ! Il me fait peurrrrr !

« Vous pourriez me parler plus gentiment. Je ne comprends pas votre agressivité… Non ! Désolée, je vais devoir désobéir… Je ne peux pas tourner à gauche car, comme vous pouvez le constater sur mon itinéraire, imprimé sur Internet, il est indiqué qu’il faut que je continue tout droit. Si je tourne à gauche, je ne vais pas respecter l’itinéraire et je risque de me perdre, vous comprenez….
Monsieur l’agent avez-vous un problème avec la langue de Molière ?... Oui, j’ai compris mais, moi, je vous dis que je ne peux pas tourner à gauche, car sur mon itinéraire... Ok, c’est bon ! J’ai compris, je me mets sur le côté. Oui, j’allume mes feux de détresse….
Quoi ! Outrage à agent, un feu de croisement cassé, un problème d’assurance… 300€… Ok ! Ecoutez ! D’abord, mon problème de feu est facile à comprendre car, voyez-vous, si les feux clignotent, c’est parce que vous m’avez demandé d’allumer mes feux de détresse. Sinon, ils ne clignotent pas lorsque je ne les déclenche pas… Non ! Pas du tout ! Mais non ! Je ne me fiche pas de vous !!!!... Heum ! Oui ! Effectivement, de plus près, j’ai un problème avec mon feu de croisement. Promis, je le répare demain…
Pour l’assurance, je n’ai pas mis la bonne vignette mais je suis en règle, la voici... En ce qui concerne l’outrage à agent, c’est involontaire de ma part et d’ailleurs je vous présente mes sincères excuses. Si je vous ai offensé, je vous jure que je ne l’ai pas fait exprès…. Mais 300€… vous ne pouvez pas… Wahhhh ! Snifff ! Snifff ! Wahhhh !!! Snifff !!! Wahhh ! En plus, j’ai des problèmes au travail ! Wahhhh ! Snifff !!! Snifff !!! Wahhh ! En plus, je vais avoir 30 ans dans trois mois….et je n’ai pas de mecs…Wahhhh ! Snifff ! Wahhhh ! Snifff !...
Oui, je vais me calmer ! Merci, vous êtes gentil ! Mais, vous vous êtes, déjà, mouché dedans. Comment ? Ah je ne savais pas ! Si, j’ai une ampoule dans ma voiture, je n’ai pas d’amende ?!… Je pense avoir ça ! Mon père m’en avait mise une, dans ma boîte à gant, la dernière fois… Non ! Je ne me fiche pas de vous !... C’est une ampoule pour lampe !... Snifff ! Snifff ! Wahhhh !!! Snifff !!! Wahhh !... En plus je n’ai pas de sous et je ne sais même pas comment je vais faire pour payer mon amende, à cause du Flash de tout à l’heure… Heu ! Non, c’est quelqu’un qui roulait super vite sur le périph et je crois qu’à cause de lui, j’ai été flashé…Je n’ai pas de chance ! Wahhhh !!! Snifff !!! Wahhh !...
C’est vrai, je n’ai pas d’amende !… Ah ! Merci, Monsieur l’agent, je vous en suis très reconnaissante. Je peux aller tout droit, c’est vraiment sympa ! Vous savez, moi, j’aime beaucoup la police de notre pays. Vous faîtes un excellent travail. Grâce à vous, les citoyens de notre pays sont rassurés et n’ont plus peur de sortir de chez eux…. Merci ! Au revoir… Non ! Je n’ai pas de numéro de téléphone… ».

Je continue de rouler tout droit et profite de mon arrêt au feu rouge pour téléphoner à Steph afin de la prévenir de mon retard. Mais quoi encore !!! La police qui me fait signe !!!! J’ouvre ma fenêtre.
« Oui, je sais parfaitement que nous n’avons pas le droit de téléphoner au volant mais comme vous pouvez le constater, je suis arrêter et à l’arrêt, on a le droit… non je ne me fiche pas de vous ! Non ! Pas ça ! Pas amende ! Pas amende ! »

Faut que je pleure comme talleur… les larmes ne veulent pas sortir… allez, force toi un peu… « Snifff ! Snifff ! Wahhhh !!! Snifff !!! Wahhh !... »
Quelle connace !!! Elle me la, quand même, mise… 35€.
Bon ! Si j’analyse bien toutes les galères qui m’arrivent depuis tout à l’heure, je crois que ça veut dire « retourne chez ta mère !».
J’annule ma sortie et m’excuse auprès de Steph. Là ! C’est bon ! J’en peux plus !

Sur la route du retour, je tente de trouver une solution à toutes mes amendes… Et si, je disais à ma mère que demain, c’est l’Aïd, peut être…
Lorsque nous étions enfant, nous n’avions pas droit à l’argent de poche et la souris ne passait jamais quand on perdait une dent. D’après maman, c’était parce qu’elle ne venait pas chez les gens propres. La seule fois où nous pouvions, donc, espérer recevoir du fric, c’était le jour de l’Aid… Des fois, on arrivait à obtenir jusqu’à 10 francs !
Nannn ! Je ne peux pas lui fais croire ça, elle finira tôt ou tard par découvrir la vérité. Pis de toute façon, il ne faut pas mentir à ses parents. Je vais bien trouver une autre solution…

Enfin, j’arrive chez moi. Qu’est ce que c’est bon d’être à la maison !
« Non ! J’ai décidé de ne pas dormir chez Steph, tu me manquais trop… Tu sais, je suis vraiment heureuse d’être ta fille…. T’es une mère formidable… Tu sais quoi ? Et ben, ma copine Steph, elle a dit que plus tard, elle enverrait ses parents dans une maison de retraite…. Tu sais, moi, ta fille, je ne ferai jamais un truc pareil. Jamais, au grand jamais, je ne vous enverrai, papa et toi, là bas ! Jamais ! Aibaidène !... Comment tu sais ?... 100€ mais je te les rendrai…je t’explique c’est parce que…heu, en fait, vaut mieux pas que tu saches… »

Papa a récupéré le courrier et il est très en colère. Il brandit, en hurlant, le courrier du Trésor Public qui m’est destinée. C’est surement l’amende que je devais intercepter. J’avais été flashée, à 85 km/h, sur le périph, limité à 80km/h, du côté de Porte de Champerret.
« Qu’est ce que tu as fait ? » me dit ma mère, énervée. Même si maman ne sait ni lire, ni écrire, elle reconnaît le logo du Ministère des finances.
Je pourrais, éventuellement, leur écrire pour leur soumettre de retirer la bande « bleu, blanc, rouge » et la Marianne. Si je leur explique gentiment, le gouvernement devrait comprendre. Ainsi, la prochaine fois, ma mère n’y verra que du feu.

A cause de cette lettre, j’ai de nouveau droit au topo habituel. Mes parents sont arrivés, en France, il y a plus de 40 ans. Et, comme, ils ne cessent de me le répéter, ils ont toujours respectés la loi. Ils sont toujours restés discrets devant les Autorités françaises. Maintenant, à cause de moi, notre nom est fiché au Ministère de l’Intérieur. Il est donc, urgent de me retirer du livret de famille.
Mes parents ont souvent tendance à faire d’un petit problème, une affaire d’état avec, en prime, un haussement de voix, pour me faire peurrrr.
Ainsi, ils ont trouvé la solution à notre problème. C’est simple ! M’attribuer un nouveau nom. Dorénavant, on m’appellera : Léon ! J’ai conduit comme un camionneur… N’importe quoi ! Stop ! On arrête !

J’ouvre lentement ma lettre pour faire durer le suspens !!!! Mes parents s’impatientent. Quel est le montant de l’amende ? Ils s’inquiètent ! Déjà, que leur petite fille chérie (de 29 ans quand même !!!), n’est pas riche, alors si, en plus elle doit payer l’Etat, pour rien.
J’ouvre la lettre, lentement, très lentement et encore plus lentement… cette fois-ci, c’est pour les stresser car ils m’agacent ! Oh ! Génial !!!! Ce sont les impôts qui me remboursent un trop perçu. Alors ? ! On s’emballe ! On voulait me renier… Brusque changement comportemental de la partie adverse. Je redeviens la fille géniale, la jeune fille respectueuse et idéale. J’en suis heureuse.

Je retourne dans ma chambre mais une question me tourmente. L’amende, que je vais bientôt recevoir, comment vais-je faire ?
Après, une demi-journée de réflexion, je décide de mettre tous mes espoirs sur lui !!!! Oui ! Lui, il devrait pouvoir m’aider…Je me lance.
Monsieur le Président de la République,…m’appeler pour me prévenir….vie en danger… mon numéro de tel…Melle K

Ma copine Steph m’a expliqué que dans leur mariage, le couple de mariés place toujours les célibataires, ensemble, pour permettre, éventuellement, la création de nouveaux couples. Je trouve cela génial mais, malheureusement, inappropriés pour nos fêtes.

Bien que les mentalités aient évoluées, la possibilité de mettre les célibataires entre eux serait scandaleuse. La jeunesse ne devrait-elle pas songer à se rebeller ?

Heureusement que, nous, les filles, nous avons plus d’un tour dans notre sac. Pour se faire repérer d’un mec, lors d’événements qui nous rassemblent tous, nous avons réussi à développer une stratégie de rencontre. D’ailleurs, ce soir, pour le mariage de Lila, j’ai bien l’intention de suivre les différentes étapes du stratagème. Vu mon âge bien avancé, ce soir, je ne peux pas prendre le risque, de laisser passer la chance de ma vie.

Première étape. Faire un brushing. Eh ! Oui ! Une jeune fille ne montre jamais sa vraie texture de cheveux, surtout s’ils sont frisés… beurk. C’est qu’une fois mariée, qu’elle peut, au grand désespoir de son mari.
Comme toutes mes concurrentes, je me fais coiffer par Malika D., c’est la seule à pouvoir apprivoiser nos cheveux crépus.

Seconde étape. Mettre une robe qui prouve ses origines. Une robe qui dit au mec : « je viens de ton pays, plus exactement de ta région et mieux encore, de ta ville. Je suis donc celle que ta mère recherche ».
Pour ce soir, je mets, donc, la robe achetée au marché d’Argenteuil et judicieusement choisie pour le repérage.

Troisième étape. Mettre les bijoux en or. Les bijoux sont destinés à la future belle-mère, ça veut dire : « t’as vu, chui un bon parti, moi. Tu peux parler de moi, à ton fils, n’hésite surtout pas ! »
Je mets, donc, la ceinture en or, offerte par maman quand j’avais atteint l’âge de raison.

Ca y est. Avec ma mère, nous sommes fin prêtes à aller me faire draguer. Mais où ai-je mis Tartaga. Ma copine Steph appelle sa voiture, titine. La mienne, mes parents l’ont baptisée, Tartaga. On pourrait traduire ça par « P’tite crotte ». J’aime bien !

Arrivé devant la salle de fête, ma mère m’indique, une place de parking libre… heu… créneau… ché pas faire ça, moi ! J’arrive quand même à nous trouver un coin, certes hyper loin, mais où je peux me garer facilement.
Avant de descendre de voiture, je vérifie mes cheveux, ma robe, mon maquillage, c’est bon ! Tout est dans l’ordre pour que je puisse effectuer une entrée triomphale.

Dans la salle, ma mère repère l’emplacement « des femmes » ainsi que la table de sa copine. Je la suis et accomplis la cinquième étape : montrer qu’on est une fille de bonne famille en respectant les règles de savoir vivre.
1) s’asseoir à côté de sa mère
2) Ne pas bouger de sa place même si on a envie de faire pipi
3) Ne jamais regarder du côté des hommes, toujours regarder vers la piste de danse
4) Ne jamais danser sur une autre musique que celle de sa ville d’origine (pour dire, aux mecs, je suis originaire de là-bas, c’est moi la bonne !)

Le DJ, nous passe différents types de musiques mais pas celle qui me donne le droit de me lever. Je n’en peux plus d’attendre….Tiens, cet air me dit quelque chose, je le connais… Je cours sur la piste... Il faut impérativement que je cartonne, tous les regards sont pointés par ici, je le sais !
Je me donne, alors à fond, et pour frimer j’accomplis, le pas de danse favoris des maghrébines. Celui que mon frère appelle « la tremblote des épaules ». Je tente tant bien que mal de faire mieux que ma voisine en faisant gaffe de ne pas me déboiter quelque chose… Je sens que je cartonne !
Ma mère fait, alors, le youyou.
Ce cri de joie, incompris des européens, exprime, simplement, sa gaité et, par la même occasion, transmet un message aux autres mères de famille :
« C’est ma fille qui danse, ce n’est pas la fille d’une autre, c’est la mienne donc si toi, tu la veux pour ton fils, c’est moi que tu devras venir voir. Mais, surtout, quand tu te décideras à venir, n’oublie pas le plus important, la « bata patiss’rie ».
Pour une demande en mariage, un jeune homme doit, toujours venir accompagner de ses parents et d’une boîte de gâteaux. Attention ! Pas avec des fleurs…
Quoique ! Depuis quelque temps, il y a de grands changements, grâce en partie, à la nouvelle génération… C’est bien les jeunes, émancipez vous !… Continuez ! Ne lâchez pas le combat !

Je continue de danser, en regardant du côté des hommes. Sur la piste de danse, on a le droit de mater. Je sais. Ca paraît bizarre, mais c’est comme ça.
Wahou ! C’est qui lui ? Wahou ! Beau gosse ! Beau gosse ! Faut absolument qu’il me remarque ! Que dois-je faire pour me distinguer des autres ?

Deuxième youyous de maman. Destiné, surement, aux retardataires. Ahhhhhhh ! La musique se termine. Non !!! Je n’ai pas fini…Eh ! DJ, steplait, mets en une autre… Déconne pas, steplait, je n’ai pas envie d’aller m’asseoir ! En plus, je n’ai pas eu le temps de le séduire, j’ai juste eu le temps de le repérer, steplait, steplait, steplait…Je vois dans le regard de ma mère qu’il est temps pour moi de la rejoindre. Fffff….
Pourquoi est-ce, aussi, compliqué ? Je pourrais essayer d’aller le voir et discuter. On apprendrait à se connaître. Pourquoi est-ce, aussi, compliqué ?
La fête se termine. Je rentre chez moi, une nouvelle fois, bredouille et frustrée.
Pas grave, pour me consoler, demain, j’irai m’acheter une « bata patiss’rie » que je mangerai avec ma maman…

Il ya quelques semaines de cela, je me suis inscrite sur un site de rencontre arabo-musulman. L’avantage de ce type de sites c’est de pouvoir, presque, trouver le mec parfait.

Ma copine Steph m’a proposée un autre site, beaucoup moins ciblé, pour élargir mes recherches et augmenter mes chances de rencontres, mais, pour moi, l’homme de ma vie, doit être musulman et si possible arabe, alors pas de perte de temps avec les autres. Effectivement, ça restreint mon champ d’action, mais je ne peux me résoudre à modifier mes choix.
Au bout de plusieurs heures de recherches acharnées et de « sélection naturelle » (terme donné par les scientifiques pour dire que, seuls, les meilleurs l’emportent), je fini par sympathiser avec Abdel.
Après plusieurs semaines de Tchat et de discussion téléphonique, je suis enfin rassurée et prête à le rencontrer. Pour notre premier rendez-vous, nous avons choisi de nous habiller en rouge afin de nous reconnaître. Le rouge est la couleur préférée d’Abdel, je le sais !

Ca y est, c’est jour J. Comment dire à ma mère que cet après midi, je ne peux pas faire les courses avec elle. Ah ! Si ! Je sais ! Pour me libérer et aller au rendez-vous, je lui donne « l’excuse bidon ».
« L’excuse bidon » est un gros baratin qui marche à tous les coups. Grâce à elle, non seulement ma mère n’est pas inquiète de me voir partir mais, mieux encore, elle me prend pour une intellectuelle. Eh ! Oui ! Je me vois mal lui expliquer que j’ai rencart avec un mec, rencontré sur Internet. Ce n’est pas possible ! Je m’appelle Malika, pas Stéphanie.

Je me prépare pour aller à la rencontre de l’homme de ma vie. Si ça se passe bien, logiquement, il me fera tout plein d’enfants.
Allez, il me faut du rouge et que du rouge ! Je mets, alors, un serre-tête rouge, un rouge à lèvre rouge, du fard à joue rouge, un pullover rouge, du vernis à ongles rouge, un pantalon rouge et des « sabattes » rouges. Impossible de me louper !!!

Non, maman, je n’y vais pas à pied… je sais, c’est à côté mais je préfère prendre ma voiture. Bon à talleur. Je t’aime !
(Heu ! Petite précision, quand même ! Je t’aime, je le dis dans ma tête parce qu’on n’a pas l’habitude de se le dire oralement. C’est honteux, je crois. C’est vrai que c’est bête mais c’est comme ça !!!!)

Ca fait plus d’une heure que j’attends.
Abdel n’est toujours pas arrivé et son portable est sur messagerie. Je m’inquiète. Peut-être a-t-il eu un empêchement ? Peut-être, lui est-il arrivé quelque chose de grave. Ou bien… Han ! Hannn ! Il m’a vu, je ne lui ai pas plu et il s’est barré ! Ah ! Les hommes, tous des lâches ! Pourtant, je ne suis pas moche. Qu’est ce qui ne va pas chez moi ?
Il a peut-être été effrayé par ma teinture rouge ?
Pourquoi, quand Edith Piaf chante qu’elle ferait n’importe quoi pour l’homme qu’elle aime ; qu’elle pourrait se teindre en blonde pour lui, tout le monde trouve ça romantique et lorsque, moi, je mets en application ce qu’elle dit, je fais peur ?

De toute façon, je m’en fiche ! Sur Internet, ya tout plein de mecs qui crèvent d’envie de me connaître. Dis de cette façon, je n’y crois pas du tout ! En insistant sur le « è » de « crève », peut être, vais-je réussir à m’en persuader. Redis-le pour voir… Ya tout plein de mecs qui crèèèèèèèèèèvent d’envie de me connaître. Non ! Je n’y crois pas ! Peut être, qu’avec l’accent canadien…tout plein d’meks, lo, qui krève d’envie de m’Ka-o-naître, lo !... Bof

Oh lolo C’est la grosse déprime ! Bon ! J’attends encore, dix minutes… plus d’espoir, il ne viendra pas, il est temps de rentrer à ma maison. Chui tellement déprimée que mes parents me manquent ! Eux, c’est sûr, ils m’aiment… un peu trop des fois… Je suis triste… snif …J’ai trop envie de voir ma mère, tout lui raconter, même si ça reste dans ma tête.
Oh ! Maman, si tu savais comme c’est dur de subir « la sélection naturelle »… Vivement que j’arrive chez moi.

Je roule tranquillement lorsque ma voiture s’arrête brutalement. Panne d’essence. Aie ! Ca craint ! La prochaine station est à cinq kms. Peux pas y aller à pied, c’est trop loin. Peux pas faire du stop, c’est trop dangereux. Peux pas appeler une dépanneuse, plus de sous à la banque. Ah ! Bah oui ! J’appelle ma copine Steph ! Son numéro, je le connais par cœur… Salut, c’est Malika, chui en panne vers Bobigny, tu peux… t’es pas à la bibliothèque ?...Je raccroche ! Marde, j’ai appelé chez moi. Quelle conne ! Mais quelle conne ! Le téléphone sonne… C’est ma mère ! Peux pas lui répondre… je suis à la bibliothèque et, moi, je respecte les gens qui bossent.
Bon ! Pas de panique, je vais courir les cinq kms, ramener de l’essence et réfléchir sur ce que je vais pouvoir dire... La bibliothèque a déménagé. Non, ça ne passera jamais, ça ! J’ai été appelé au travail, pas possible, j’ai dit Bobigny….

Elle est vraiment trop bizarre ma vie. Il y cinq minutes, j’avais hâte de rentrer chez moi et là, j’en ai plus trop envie, du tout…

Ma copine, Steph, a invité tous ses amis à un diner. Je ne connais pas tous les convives mais je m’intègre rapidement. C’est facile !
Dans ce genre de soirée, en règle générale, je suis la seule jeune fille, un peu colorée. Comme je suscite la curiosité, je suis, alors, interrogée sur mes origines. Ca me fait toujours plaisir de parler de ce que je ne connais pas. J’invente, alors, une histoire génialissime sur mes ancêtres.
Mon nom de famille a été donné à mon arrière arrière arrière arrière grand père par l’armée française et cela signifie « courageux » et tatati et tatata. Mon arrière arrière grand père était consul, mon arrière grand père, médecin et il soignait tout le village de mes parents. Mon père, quant à lui, avait une superbe situation, au Pays. Un métier qui n’existe pas en France et c’est la raison pour laquelle, ici, il fut ouvrier. Mais j’insiste ! Au village, il avait un métier formidable.
La plupart des convives sont les fils de… Ce n’est pas que j’ai honte du métier que papa a exercé toute sa vie, mais j’adapte toujours mon discours en fonction de mes interlocuteurs. Donc, pour ce public, tous mes ancêtres devaient avoir un métier plus que merveilleux et papa aussi !

Les heures passent et Christophe me saoule à vouloir me démontrer qu’il n’est pas raciste. J’ai compris ! T’es un p’tit bourgeois, plein de pognon, qui n’a jamais voté Le Pen. T’es un citoyen du Monde et tout le monde devrait être des citoyens du Monde. Tu es un gentil qui n’aime pas les méchants. En attendant, il est quatre heures du mat et, moi, j’ai des parents qui m’attendent. Je suis pâle, c’est normal. Non, je ne suis pas malade, je suis flippée. Malheureusement, je ne peux pas t’expliquer les raisons de cette pâleur. Tu ne pourras jamais comprendre, pourquoi une jeune fille de mon âge, habite toujours chez ses parents et pourquoi elle accepte qu’on lui impose des horaires de sortie. Pour pouvoir comprendre ça, il faut être arabe !

D’accord les amis, on reparlera de, comment refaire le monde mais demain parce que ce soir, c’est plus possible, je dois partir. Je quitte la soirée, en excusant un travail à rendre impérativement pour le lendemain… Oui ! Vous avez raison, c’est vrai, mon responsable m’exploite alors que vos parents sont des patrons super cools avec leurs salariés… Peace and love…Allez on se fait la bise et je me casse…Yes ! I love you, too !!!

Je monte dans ma voiture. Je roule vite, voir même très vite car il vaut mieux arriver en retard que très très en retard. Non ! Pas ça ! Pas feu rouge ! Pas feu rouge ! Pourquoi, lorsqu’on est à la bourre, on se tape, toujours, tous les feux rouges de la ville ?
J’arrive, enfin, chez moi. Sur le palier, devant la porte, je retire mes chaussures pour éviter de faire du bruit. J’enfonce doucement la clé, ouvre discrètement la porte et rentre calmement.
Ahhhhhh ! Mes parents ! Ils sont dans la cuisine à m’attendre. Je leur avais, pourtant dit que je rentrerai tard ! Ils passent, devant moi, sans dire un mot et me jette « le regard de la mort » avant de rejoindre leur chambre.
Ouf ! Ils ne m’ont rien dit… Mais ce regard là, il me dit quelque chose… Il voulait dire quoi, ce regard ? Pourquoi, est-ce qu’ils m’ont regardé comme ça ? Pourtant, ils savent que ce regard m’empêche de dormir. C’est presque le même regard que la dernière fois à peu de choses près. Quel message veulent-ils me faire passer, avec ce regard ?...
Ffffffffff !!!! Ca m’énerve !!! En tout cas, la prochaine fois, je leur dirai « tapez moi, mais ne me regardez pas comme ça !!! »

Ma mère tape sur sa tête, avec son index, et me dit : « flichitte !!!».

Flichitte est la forme conjuguée du verbe réfléchir à la première personne du passé composé algérien, c'est-à-dire « j’ai réfléchi ». Ce verbe, au féminin, se décline de la façon suivante : flichitte, flichi, flichette, flichina, flichitou, flichihent.
Ma mère a donc flichi toute la nuit sur la vie de Najet, la femme d’Omar. Ce couple, marié depuis 10 ans, n’arrive pas à avoir d’enfants. Bien qu’Omar aime, à mourir, Najet, celle-ci est détestée par Zoubida, sa belle mère. Omar devait se marier avec sa cousine. Bref, d’après les réflexions de ma maman, Najet, devrait tomber enceinte, aujourd’hui.

Trente minutes se sont écoulées et effectivement, Najet faillit avoir un enfant qu’elle perdit à cause d’un événement terrible, un truc bizarre.
Voilà ! C’était le dernier épisode de la saison quatorze.
La production tourne actuellement, la nouvelle saison qui sera diffusée sur la parabole dans trois mois. Heureusement, la chaîne algérienne ne laisse jamais en plan ses fidèles téléspectateurs. A partir de demain, reprendra l’autre feuilleton qui en est à la saison 16 et où Najet, cette fois ci, est la fille de Zoubida mais n’est pas la sœur d’Omar puisque, lui, est le fils d’une autre.
J’ai un peu de mal à comprendre ces séries télévisées. D’après maman, c’est dû à un manque cruel d’acteurs, mais ça ne la perturbe pas plus que ça, bien au contraire. Il ne faut surtout pas changer les comédiens. Ceux là, jouent tellement bien !!!! C’est vrai qu’ils leur arrivent, parfois de pleurer sans larmes... C’est vrai que le caméraman bouge un peu trop sa caméra, à en donner le tournis… C’est vrai qu’il y a, par rapport aux films européens, plein de défauts mais maman s’en fiche parce que ces feuilletons…ils la font flichir et c’est le principal !!!!