Connectez-vous S'inscrire

Liberia: la tâche s'annonce rude pour Ellen Johnson-Sirleaf  23/11/2005

La tâche s'annonce rude pour Ellen Johnson-Sirleaf, la nouvelle présidente du Liberia et première Africaine élue à la tête d'un Etat, proclamée officiellement vainqueur de l'élection présidentielle dans un pays ravagé par des années de guerre civile.

Lors d'une cérémonie à Monrovia, la présidente de la Commission nationale électorale, Frances Johnson-Morris, a publié les résultats officiels du second tour, le 8 novembre, du scrutin présidentiel.

L'ancienne ministre des Finances, qui est âgée de 67 ans et est surnommée "la dame de Fer du Liberia", a recueilli 59,4% des suffrages exprimés, contre 40,6% à son challenger, l'ancienne vedette de football George Weah, 39 ans.

Ce dernier a fait savoir, par l'intermédiaire de son parti, le Congrès pour le changement démocratique (CDC), qu'il continuerait à contester le résultat, truqué à ses yeux, de la consultation.

Certains diplomates et analystes craignent que les anciens chefs de guerre qui avaient soutenu par opportunisme la candidature de l'ancien attaquant-vedette du PSG et de l'AC Milan ne provoquent des troubles en cas de défaite de leur "poulain".

Deux anciens chefs de guerre, Prince Johnson et Sekou Conneh, ont toutefois lancé mercredi un appel à George Weah pour qu'il accepte sa défaite.

La semaine dernière, de jeunes partisans de "Mister George" étaient descendus dans les rues de Monrovia pour protester contre la victoire annoncée de "Mama Ellen", provoquant des heurts avec la police.

"Nous avons demandé à tous nos partisans de rester calmes, le temps d'épuiser tous les recours légaux", a expliqué Cole Bangaloe, président du CDC.

"RETOURNE A l'ECOLE !"

Dans le camp de l'ancienne économiste formée à Harvard et ancien cadre à la Banque mondiale et à la Citybank, on a célébré bruyamment la victoire d'Ellen Johnson-Sirleaf au cri de "Retourne à l'école et arrête de jouer au football !" - allusion à l'absence d'éducation de Weah, un gamin des faubourgs de Monrovia qui a dû son ascension sociale grâce à ses seuls talents footballistiques, ainsi qu'à son manque total d'expérience politique.

Des casques bleus de la Mission des Nations unies au Liberia (Minul), appuyés par des véhicules blindés, protégeaient les points névralgiques de la capitale au moment de la proclamation des résultats.

Alan Doss, chef de la Minul, qui compte 15.000 casques bleus et policiers internationaux, a estimé que la victoire d'Ellen Johnson-Sirleaf constituait "un moment historique non seulement pour le Liberia mais pour le continent africain dans son ensemble".

Il a ajouté: "La route qui s'annonce ne sera pas aisée mais elle entame son mandat avec le soutien du peuple libérien et la bonne volonté de la communauté internationale".

"Je suis heureuse d'avoir été élue et je remercie le peuple libérien pour son soutien", a pour sa part déclaré aux journalistes la nouvelle élue, qui a promis d'utiliser ses talents pour reconstruire le pays et réconcilier son peuple.

Le Liberia, première République indépendante d'Afrique subsaharienne fondée en 1847 par des descendants d'esclaves américains affranchis, a été ruiné par 14 années d'une guerre civile qui a fait 250.000 morts et dévasté ses infrastructures.

"Ellen est confrontée à une mission difficile et devra travailler dur", estime Dorothy Kolubah, une commerçante du marché de Monrovia. "Elle doit satisfaire les besoins de ses quelque trois millions d'enfants, qui ont faim et attendent d'elle qu'elle leur donne de la nourriture."

La nouvelle présidente, qui symbolise l'élite américanisée d'un des pays les plus pauvres au monde malgré son potentiel économique (diamants, bois, fer), avait un moment soutenu le président Charles Taylor, aujourd'hui déchu et en exil, avant de se désolidariser de son régime autocratique et brutal.