C'est à eux que le promoteur du microcrédit fait la leçon. "Je ne connaissais rien à la banque. J'ai vite compris qu'il faut faire exactement l'inverse de ce qu'elles font. Elles s'adressent aux riches, aux urbains, aux hommes ; elles exigent des garanties, emploient des armadas de juristes et font signer des contrats compliqués. Moi, je vais vers les pauvres et je privilégie les femmes. Aucune garantie demandée, pas de délais contraignants de remboursement. Et ma banque, Grameen, n'emploie pas de juristes : nos contrats tiennent en quelques lignes."
Quand trois millions d'emprunteurs immobiliers et un million sur carte bancaire sont insolvables aux Etats-Unis, l'affirmation de M. Yunus selon laquelle, chez Grameen, "le taux de remboursement dépasse 99 %" fait mouche. D'ailleurs, son impact est tel qu'il a ouvert, en juillet 2008, une succursale... au coeur de New York, dans le quartier du Queens. Il y a envoyé un de ses vieux cadres bangladais, Shah Newaz, pour former du personnel américain. La crise ou le monde à l'envers.
Depuis son installation, cette succursale a distribué 474 prêts. Montant moyen : 2 200 dollars (1 700 euros). Les bénéficiaires doivent être en situation régulière et avoir des revenus inférieurs au seuil de pauvreté. Ce sont, à 100 %, des femmes, "immensément plus fiables que les hommes pour un banquier", a expliqué M. Yunus aux étudiants ahuris. Finalité habituelle des prêts : garderie d'enfants, santé, coiffure-manucure, etc. Taux dégressif, le contraire même des subprimes : 15 % au départ, 7 % à la fin. Délai moyen de remboursement : un an. Aucune pénalité en cas de défaut. Taux de respect des délais : 99,5 %.
M. Yunus avait soutenu une initiative bancaire de ce genre, dans l'Arkansas, en 1985, lancée par un gouverneur nommé Bill Clinton. Un échec. Beaucoup, aux Etats-Unis, y compris parmi les militants associatifs, sont dubitatifs, jugeant le microcrédit "inadapté" à la mentalité américaine. Pas M. Yunus : ""Ça ne marchera pas" : j'entends cet argument depuis la première agence dans un village bangladais. N'écoutez pas les banquiers et les spécialistes de la finance. Leur mentalité est bornée. Demandez plutôt aux bénéficiaires."
Le 4 février, il a rencontré Ben Bernanke, le président de la Réserve fédérale, qui a promis de soutenir sa requête : obtenir le statut de coopérative de crédit aux Etats-Unis, l'autorisant à y détenir des dépôts. "C'est le bon moment pour le faire", lui aurait dit le patron de la Fed. Grameen projette de s'installer en Californie, en Floride, en Louisiane, dans l'Arkansas et le Nebraska. "Puis partout ailleurs", dit Nora Shams, sa porte-parole.
Sylvain Cypel
Article paru dans l'édition du 07.02.09.
Source : Le Monde
Quand trois millions d'emprunteurs immobiliers et un million sur carte bancaire sont insolvables aux Etats-Unis, l'affirmation de M. Yunus selon laquelle, chez Grameen, "le taux de remboursement dépasse 99 %" fait mouche. D'ailleurs, son impact est tel qu'il a ouvert, en juillet 2008, une succursale... au coeur de New York, dans le quartier du Queens. Il y a envoyé un de ses vieux cadres bangladais, Shah Newaz, pour former du personnel américain. La crise ou le monde à l'envers.
Depuis son installation, cette succursale a distribué 474 prêts. Montant moyen : 2 200 dollars (1 700 euros). Les bénéficiaires doivent être en situation régulière et avoir des revenus inférieurs au seuil de pauvreté. Ce sont, à 100 %, des femmes, "immensément plus fiables que les hommes pour un banquier", a expliqué M. Yunus aux étudiants ahuris. Finalité habituelle des prêts : garderie d'enfants, santé, coiffure-manucure, etc. Taux dégressif, le contraire même des subprimes : 15 % au départ, 7 % à la fin. Délai moyen de remboursement : un an. Aucune pénalité en cas de défaut. Taux de respect des délais : 99,5 %.
M. Yunus avait soutenu une initiative bancaire de ce genre, dans l'Arkansas, en 1985, lancée par un gouverneur nommé Bill Clinton. Un échec. Beaucoup, aux Etats-Unis, y compris parmi les militants associatifs, sont dubitatifs, jugeant le microcrédit "inadapté" à la mentalité américaine. Pas M. Yunus : ""Ça ne marchera pas" : j'entends cet argument depuis la première agence dans un village bangladais. N'écoutez pas les banquiers et les spécialistes de la finance. Leur mentalité est bornée. Demandez plutôt aux bénéficiaires."
Le 4 février, il a rencontré Ben Bernanke, le président de la Réserve fédérale, qui a promis de soutenir sa requête : obtenir le statut de coopérative de crédit aux Etats-Unis, l'autorisant à y détenir des dépôts. "C'est le bon moment pour le faire", lui aurait dit le patron de la Fed. Grameen projette de s'installer en Californie, en Floride, en Louisiane, dans l'Arkansas et le Nebraska. "Puis partout ailleurs", dit Nora Shams, sa porte-parole.
Sylvain Cypel
Article paru dans l'édition du 07.02.09.
Source : Le Monde