Le personnel administratif et enseignant du lycée Henri-Wallon d'Aubervillier a décidé d'interdire dès lundi l'accès au lycée aux deux soeurs voilées. Convoquées vendredi soir en conseil de discipline, instance pour réprimer la non observation des règlements intérieurs, Alma et Lila, ont finalement été définitivement exclues un mois après la rentrée scolaire. Une mesure plus que discutable au regard du Conseil d'Etat et de la chartre européenne des Droits de l'Homme. Au nom du respect du principe de laïcité, les dirigeants politiques de gauche comme de droite ont approuvé ces exclusions. De leurs côtés, les associations s'inquiètent du processus d'exclusion qui conduirait à une exclusion à plus grande échelle.
Bref rappel des faits
Alma et Lila, deux soeurs de 16 et 18 ans ont décidé de porter le voile contre l'avis de leur père, avocat du MRAP qui se décrit comme un 'juif athée'. Quelques jours après la rentrée scolaire de septembre, les deux lycéennes ont été exclues à titre provisoire pour 'port de voile' jugé ostentatoire. Depuis le 24 septembre, elles ne sont pas retournées en cours. La décision d'exclusion définitive a été prononcée alors qu'aucun problème d'ordre pédagogique prosélytique n'avait été avéré.
Le PS et le gouvernement approuvent l'exclusion
Le premier secrétaire du parti socialiste, François Holllande, a totalement approuvé cette décision en marge du Conseil national du PS à la Mutualité à Paris: 'la décision qui a été prise par le conseil de l'établissement était la seule possible, c'est-à-dire l'exclusion'. M. Hollande a dénoncé 'l'utilisation du voile à des fins de prosélytisme' et a jugé l'exclusion comme 'une décision bonne' en réaction au port du voile des jeunes filles 'provoquant' et 'prosélyte'. 'La loi doit s'appliquer' a-t-il lancé, en ajoutant 'nous sommes dans un pays laïc, le voile n'est pas autorisé dans les salles de classe'.
De son côté, l'ancien ministre de l'éducation nationale met en avant la fermeté quant à la question du port du foulard. L'exclusion des deux jeunes filles est l'occasion, selon Jack Lang, de mettre au point une loi, un texte simple, interdisant le port du voile à l'école : 'Cette décision montre une fois de plus la nécessité de faire voter au plus vite un texte simple, clair, qui donne aux professeurs et aux équipes pédagogiques une instruction précise: il est interdit d'arborer un signe distinctif d'appartenance à une religion, à un parti politique ou à une philosophie dans l'enceinte même de l'école. C'est une exigence de neutralité'
La décision d'exclusion jugée comme un 'aparttheid scolaire' par Laurent Lévy, le père des jeunes filles est, selon M.Sarkozy, ministre de l'Intérieur, une décision juste en accord avec la laïcité : 'Les règles de la laïcité, c'est le refus du prosélytisme et le refus du caractère ostentatoire du voile', a-t-il déclaré lors d'un déplacement dans les Ardennes.
Un recul de la liberté religieuse
Cette décision met visiblement en cause la liberté religieuse pronée par les sociétés occidentales. Selon Irène Jami, Anne-Sophie Perriaux, Yves Sintomer et Gilbert Wasserman qui s'exprimaient mercredi dans Libération : 'La liberté religieuse constitue un acquis fondamental des sociétés occidentales. Elle implique la possibilité de manifester publiquement sa foi, y compris dans les lieux publics. elle figure en bonne place dans les programmes d'histoire et d'éducation civique' Ils décrivent la position du gouvernement comme un véritable 'fondamentalisme laïque' : 'la laïcité est invoquée de façon bien unilatérale : jamais un élève n'a été exclu pour le port de la croix ou de la kippa, et ceux-là même qui sont pour l'interdiction ne s'indignent pas que Noël, Pâques ou l'Ascension soient des jours fériés. Le fondamentalisme laïque cache au fond un véritable communautarisme d'Etat'
Les associations s'inquiètent
L'exclusion et l'interdiction du droit à l'éducation pour les deux jeunes filles risquent d'accentuer les crispations et les frustrations des musulmans de France qui commencent à s'organiser. Selon Mouloud Aounit, président du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), cette décision sera un exemple pour les chefs d'établissements qui ne privilégeront plus le dialogue au profit de la fermeté dans 'les histoires de voile'. Il redoute 'un raidissement de la population musulmane qui pourrait se sentir blessée par cette décision, qui peut être aussi humiliante'.
Samedi soir, dans son communiqué rendu public à la fin de la seconde session ordinaire, le Conseil français du Culte Musulmna (CFCM) a demandé 'avec force l'application du principe de laïcité et l'avis du conseil d'Etat de 1989' qui prévoit que le seul port du voile ne peut être un motif d'exclusion.
Devant la commission Stasi, l'Union des Organisation Islamique en France (UOIF), longtemps silencieuse sur la question, a développé vendredi sa conception de la laïcité qui n'a guère convaincu. Son secrétaire général, Fouad Alaoui, a rapellé que le voile était une prescription religieuse, et que son port dépendait de «la liberté individuelle de la femme». Car en islam, «c'est la foi qui est salvatrice et non la pratique». Depuis les premières affaires de voiles en 1989, l'UOIF a toujours apporté un soutien jurudique aux jeunes filles exclues de leurs établissements : «Quand une jeune femme a décidé librement de porter le foulard, nous la défendons. C'est une question de liberté personnelle» a précisé Fouad Alaoui. Le discours de l'UOIF a toujours attiré des suspicions. Trop souvent taxé de fondamentalisme religieux, il n'a pas réussi à convaincre certains mouvements comme celui de Fadela Amara présidente de l'association 'ni putes ni soumises' qui a qualifié le voile comme une signe religieux imposé aux jeunes filles 'contre leur volonté'
Il démeure que l'exclusion des deux jeunes filles est vécue comme une discrimination 'qui a en outre consisté à refuser de leur fournir un service – et qui plus est un service public – correspondant à une liberté jugée à plusieurs reprises fondamentale' selon le pères des deux jeunes filles. Leur avocat entend bien contester la décision de l'administration du lycée devant la justice.