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Société

Avignon : un cimetière « laissé à l’abandon » indigne les musulmans, retour sur la polémique

Rédigé par | Mercredi 2 Juin 2021 à 12:55

           

A Avignon, des images du carré musulman du cimetière de Montfavet ont suscité colère et indignation ces derniers jours parmi les musulmans. En cause, l’état déplorable du lieu « laissé à l’abandon ». Mais les tombes musulmanes et leurs alentours sont-elles les seuls espaces du cimetière concernés par ce laisser-aller ? Comment expliquer l'état déplorable du cimetière ? Depuis, qu'a-t-il été fait pour remédier au problème ? Explications.



Au cimetière de Montfavet, à Avignon, les habitants déplore de l'état du site, ici dans le carré musulman en date du mardi 1er juin.
Au cimetière de Montfavet, à Avignon, les habitants déplore de l'état du site, ici dans le carré musulman en date du mardi 1er juin.
L’alerte a été lancée samedi 29 mai sur les réseaux sociaux. Un internaute s’est ému publiquement de « l’état des tombes de nos frères et sœurs laissées complètement à l’abandon » au cimetière de Montfavet, à Avignon, alors qu’il partait se recueillir sur la tombe d’un proche au carré musulman. Il y partageait des photos témoignant de l’état du site, avant de montrer d’autres photos « à titre de comparaison » avec d’autres parties du cimetière, « où sont enterrés les non musulmans », présentées par l’internaute comme mieux entretenues.

Les herbes folles ont effectivement pris possession des lieux, à tel point qu’il est parfois impossible de distinguer les stèles et les tombes. « À mon sens, la situation n’est pas acceptable. Et cette situation est irrespectueuse. Nous nous devons de soutenir les familles qui ont perdu un être cher et qui souhaite se recueillir », a signifié l’internaute.

Sans tarder, les réactions émues et indignées se sont multipliées pour s’émouvoir de la situation, à l’image de l’ancien élu d’Avignon, Karim Zeribi, qui a dénoncé, dimanche 30 mai, « l’état lamentable du cimetière » où est enterrée sa grand-mère. « Quelle déception de voir l’état lamentable du cimetière. HONTE à la mairie d’Avignon qui ne respecte pas nos morts », a écrit sur Twitter l’ex-eurodéputé.

Le carré musulman est-il le seul site du cimetière à ne pas être entretenu ?

De nombreux internautes ont aussi dénoncé un présumé deux poids, deux mesures dans la gestion municipale des morts selon leur confession. Qu’en est-il vraiment sur ce point ? Le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Mohammed Moussaoui, sur ses terres à Avignon, se trouve être le secrétaire général du Conseil départemental du culte musulman (CDCM) du Vaucluse.

Face à la polémique naissante, il insiste pour dire, dans un esprit d’apaisement, que le problème d’entretien n’est pas cantonné au seul carré musulman du cimetière. Il est observé un peu partout sur le site, sauf dans les allées bétonnées se situant de ce fait hors du carré musulman. « Des tombes chrétiennes sont aussi couvertes de végétation », déplore Mohammed Moussaoui, comme en témoigne l’image à droite.

Le problème, en tout point, demeure inacceptable, d’autant qu’il est récurrent ces dernières années. « Ce n’est pas nouveau mais là, c’est trop ! », s’est indigné Aïssa Mohamed, président de l’Association culturelle musulmane de Vaucluse, qui a lancé un appel aux bonnes âmes à venir nettoyer le cimetière lundi 31 mai en attendant la prise en charge de ce travail par les services municipaux. « J’ai téléphoné à la mairie pour leur demander de venir nettoyer. Ils m’ont dit : non, c’est prévu en juin. Alors, on va le faire nous-même », a-t-il déclaré au Dauphiné Libéré, indiquant lui aussi au passage que le carré musulman n’est pas le seul concerné par le problème.

Comment expliquer le laisser-aller ?

Depuis, des bénévoles ont donc bien débroussaillé une partie du site. Néanmoins, selon des constats faits mardi 1er juin (à droite), il reste encore tant à faire. Contactée par la rédaction, la mairie d’Avignon n’a pas répondu à nos questions à ce stade mais Mohammed Moussaoui a indiqué auprès de Saphirnews avoir pu échanger sur le dossier avec elle.

Ce laisser-aller est « le fruit d’un concours de circonstances. L’équipe municipale (en charge de l’entretien du site) est en sous-effectif ces derniers temps car beaucoup ont été cas Covid ou cas contact », rapporte-t-il. Néanmoins, les images de cette végétation envahissant les sépultures au point de les recouvrir ne sont-elles pas le signe d’une absence d’entretien sur une long durée ? « Il a beaucoup plu dernièrement et le gazon, je peux en témoigner, pousse très vite en deux ou trois semaines », signifie Mohammed Moussaoui.

En réponse à la colère, la municipalité a assuré au Dauphiné Libéré ne pas négliger le cimetière. « Il y a un entretien régulier avec plusieurs interventions dans l’année assurées par une association » a déclaré David Fournier, adjoint au maire en charge de la gestion des cimetières, précisant que l’association Espelido a été missionnée par la municipalité pour assainir les allées et les entre-tombes tandis qu’il revient aux familles d’assurer la propreté des tombes. Il souligne toutefois que les sépultures « en pleine terre favorisent la pousse des herbes ». Une intervention est programmée pour les prochains jours.

La responsabilité des familles comme de la mairie engagée

Mohammed Moussaoui a salué, pour sa part, le travail engagé par les bénévoles musulmans. Le problème n’est pas réglé pour autant, « il va se poser à nouveau ». Depuis 2017, l’utilisation des désherbants chimiques est interdite dans les espaces publics. Si de nombreuses communes ont aussi décidé d’appliquer cette interdiction aux cimetières, celle-ci a été officiellement étendue à ces espaces depuis janvier, ce qui oblige les mairies à conduire très régulièrement des interventions qui sont loin d’être faciles.

« Pour que le cimetière soit désherbé, il faut passer tous les deux à trois semaines, ce que les équipes municipales ne peuvent pas toujours faire », assure Mohammed Moussaoui, favorable à voir des bénévoles intervenir en renfort, « dans le respect du cadre légal ». Car la loi est claire : personne d’autre que les familles n’ont le droit de toucher aux tombes, y compris celles qui semblent être abandonnées.

Mohammed Moussaoui invite les imams de la région à lancer un appel auprès des familles afin qu’elles aillent rendre des visites régulières sur les tombes de leurs proches et leur éviter toute mauvaise surprise, à l’heure où les cimetières français sont au bord de la saturation. Enfin, parce que l’entretien des allées et des entre-tombes incombe d’abord à la mairie, celle-ci doit revoir le nombre d'agents et d’opérations à la hausse.

Pour ne plus avoir à constater de telles images de désolation du cimetière de Montfavet, « on va s'asseoir autour d'une table pour définir ce qui peut être fait », assure Mohammed Moussaoui, qui espère, avec le CDCM, travailler de concert avec le collectif de bénévoles formé autour d’Aïssa Mohamed. « Il faut protéger les bénévoles, même quand ils sont de bonne volonté. Si une famille se plaint… autant éviter les polémiques inutiles. »

C’est dans le cimetière de Montfavet où l’inhumation de défunts musulmans dans des cuves en béton avec fond avait un temps été imposée en 2012 par la mairie, avant qu’elle ne rétropédale face à l’indignation des musulmans. Aujourd’hui, le carré musulman, qui compte plusieurs centaines de tombes, fait face à un manque de places. Son extension a été annoncée ; le nouvel espace devrait voir le jour en 2022.

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Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur



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