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Bières sans alcool : le nouveau «must» des brasseurs ?

Rédigé par Sandrine Vandendooren | Mardi 24 Mai 2011 à 10:07

           


Jupiler Force, Hoegaarden 0,0 % d'alcool, une kriek halal... En quelques mois à peine, trois bières ou boissons maltées sans alcool, dont deux lancées par le leader AB InBev, ont fait leur apparition sur le marché belge. Nouvelle mode ou vraie tendance de fond pour augmenter les volumes sur un marché en déclin ?

Chez AB InBev, le lancement de ce nouveau soda brassé avec du malt et d'une blanche au citron sans alcool est, dit-on, justifié par une demande des consommateurs. «Nous avons mené des études de marché qui démontrent que le consommateur souhaite consommer des boissons rafraîchissantes non alcoolisées, en ce compris dans la catégorie bière, à tout moment de la journée», explique Karen Couck, la responsable de la communication du groupe en Belgique. Pour le numéro un de la bière, ces innovations non alcoolisées sont aussi et surtout un moyen d'essayer de maintenir voire d'augmenter ses volumes dans un marché belge et européen qui ne cesse de s'éroder.

Problème de qualité gustative

La tendance est européenne. Avec la multiplication des campagnes contre la consommation d'alcool, les ténors du secteur - comme Heineken le fait avec sa Buckler sans alcool, son panaché de la marque Panach ou encore la Maes Zéro en Belgique - sont en train de redynamiser le créneau des bières sans alcool ou pauvres en alcool, jadis boudé à cause de leur qualité gustative décevante. «Nous constatons une offre croissante de la variété de bières par l'ensemble des brasseurs à travers l'Europe, en ce compris le segment sans alcool qui a gagné en qualité, note Pierre-Olivier Bergeron, le secrétaire général des Brewers of Europe, la fédération européenne des brasseurs. Cela correspond aux attentes des consommateurs qui souhaitent déterminer leur choix en fonction de leur goût, de leurs attentes et des circonstances dans lesquelles ils consomment.»

En Belgique, les blondes NA ou sans alcool (contenant moins d'un degré d'alcool) ont toujours existé en Belgique mais elles n'ont jamais pesé bien lourd, observe Théo Vervloet, le président des Brasseurs belges qui évalue, faute de statistiques précises, leurs volumes à 0,5 % à peine du marché total. Les pils NA ont toutefois représenté jusqu'à 4 % du marché total, au milieu des années 1990 lorsque le gouvernement Dehaene a fixé le taux d'alcoolémie maximal au volant à 0,5 %.

Aujourd'hui, les références dans ce domaine demeurent la Jupiler NA (reconnaissable à son étiquette verte et qui contient 0,5 % d'alcool) - «un produit de niche dont les ventes sont stables depuis plusieurs années», affirme-t-on chez AB InBev - ; la Maes Zéro, qui aux dires de ses propriétaires, «connaît une belle croissance» depuis sa relance en mars et la Tourtel, la marque de Kronenbourg (Carlsberg). «Pour améliorer l'image du secteur de la bière, il est bon d'avoir dans son portefeuille des bières qui constituent une alternative à l'alcool pour des occasions où l'on ne veut pas boire d'alcool», estime Pascal Gilet, le directeur général de Maes.

Au même titre qu'il y a une demande de fond pour des produits plus sains (sans additifs, certifiés bio, sans gluten, etc.), ce type de bière a sa place sur le marché. «Pour enrayer la baisse de la consommation de pils, les brasseurs essayent d'être créatifs. Mais ce n'est guère évident en Belgique car la tendance est à boire moins mais mieux. D'où le succès des bières spéciales, par nature plus alcoolisées», relève Théo Vervloet.

L'Espagne, championne d'Europe

C'est en Espagne que les bières non alcoolisées (NA) sont le plus prisées. «Si cette catégorie a considérablement crû sur ce marché ces dernières années - passant de 8 à 15 % entre 2005 et aujourd'hui - c'est notamment dû aux campagnes des brasseurs menées en partenariat avec les autorités de sécurité routière, explique-t-il. Celles-ci visent à encourager la consommation de bière sans alcool si, avant de prendre le volant, les consommateurs choisissent de boire de la bière.» En Allemagne et en République tchèque, les deux plus gros marchés d'Europe, ce créneau atteint les 3 % de la consommation totale de bières, en relative progression depuis deux ou trois ans. Il pèse 1,5 % en Autriche, 1 % au Royaume-Uni - mais, indique-t-on à la fédération des brasseurs européens, c'est le segment du marché qui a grandi le plus vite en 2010 - et 0,5 % aux Pays-Bas alors qu'il y a 15 ans, il frôlait les 10 %.

Si les brasseurs développent cette catégorie de blonde, c'est aussi pour répondre aux attaques fréquentes de la Commission européenne, plus particulièrement, de sa Direction générale Santé et Protection des Consommateurs (SANCO). Celle-ci, selon Théo Vervloet, reproche en effet aux groupes brassicoles de ne pas offrir sur le marché assez de boissons non alcoolisées, depuis qu'ils se sont délestés de leurs eaux et autres limonades.

Chez Duvel Moortgat, on suit cette évolution de près. «Nous avons lancé une marque de bière non alcoolisée en République tchèque il y a quatre ans via notre filiale Bernard (Ndlr, dont il détient 50 % du capital). Il s'agit de la Bernard Free qui se décline en blonde, brune, aux prunes et aux cerises. Ses ventes sont en forte croissance», détaille Bernard Krug, le numéro deux du groupe. En Belgique, le brasseur n'a, dit-il, pas de projet en ce sens pour le moment. Mais, ajoute-t-il, «les bières NA ont leur raison d'être à certaines occasions de consommation où l'on recherche le côté désaltérant de la bière sans vouloir consommer de l'alcool.»

L'étiquette halal, un autre débouché en plein essor

En lançant la première kriek halal, la Sultane, en février dernier dans les magasins Carrefour du pays, la Brasserie Caulier de Péruwelz (à ne pas confondre avec la Maison Caulier, connue pour sa bière sans sucre) cible en priorité la population musulmane, laquelle ne peut boire de l'alcool selon les préceptes du Coran. «La Sultane est une boisson maltée au goût de cerise qui n'a pas été fermentée mais qui est présentée comme une kriek, précise Roger Caulier, le propriétaire de la boisson. Les volumes présentent des perspectives intéressantes. La Sultane sera bientôt mise en vente dans 110 hypermarchés Auchan en France. Mais c'est un produit qui se destine surtout à l'exportation, poursuit le patron de la PME hennuyère. Nous avons une belle carte à jouer en mêlant le label du savoir-faire belge brassicole et la certification halal dans les pays musulmans comme l'Arabie Saoudite, la Turquie, les Emirats, etc.» Pour l'heure, ce sont en effet essentiellement des marques allemandes ou suisses qui sont commercialisées dans ces contrées, comme la Moussy, une marque NA qui appartient au groupe Carlsberg.

Roger Caulier songe également à lancer un produit NA adapté au marché belge et européen car, estime-t-il, la tendance à consommer des boissons moins alcoolisées est une réalité. Et si le numéro un belge et mondial du secteur montre l'exemple, estime-t-il, c'est qu'il y a quelque chose qui se passe...


Source: Trends.be : l'actualité économique en temps réel





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