« Ce serait un précédent grave aux conséquences incontrôlables qui verra le CRCM perdre toute crédibilité et verra par conséquent son fonctionnement durablement perturbé » écrit Mourad Zerfaoui dans une lettre adressée aux 495 délégués participant au scrutin qu’il a largement gagné, dimanche 19 juin 2005.
Match a deux mi-temps
Depuis ce premier tour, l’alliance annoncée contre lui s’est progressivement confirmée. Même si les trois autres têtes de listes continuent de répondre séparément aux sollicitations de la liste indépendante : « ils exigent que la présidence leur revienne comme si les élections se limitaient au seul premier tour. Je leur ai répondu qu’il s’agit d’un match dont ils n’ont gagné que la première mi-temps » explique Abderrahmane Ghoul(GMP). Bien placé pour accéder à la tête du futur CRCM, ce dernier déroule déjà son programme de gouvernement : « « notre volonté est de donner un exemple aux vingt-cinq conseils régionaux de France en ouvrant une ère de paix et de dialogue entre les musulmans et avec tous les autres interlocuteurs publics et sociaux ». Vice-président sortant qui est sûr d’être reconduit, Mohamed Moussaoui (apparenté FNMF) ne dit pas autre chose : « il ne s’agit pas de contrer une liste ou un individu. Mais personne ne veut revivre l’expérience qui vient de se terminer où la gestion du CRCM n’a pas été exemplaire ». Farid Amri, tête de liste de l’UOIF et ancien allié des indépendants, est plus réservé face à des négociations qui ne viseraient que le seul pouvoir : « Moi, je n’ai pas fait de campagne. Je n’ai pris le délégué de personne et je n’ai contrôlé la mosquée de personne. Ma voix n’est pas incontournable : elle appartient et ira aux musulmans ». Toutefois, il n’a ni moyen ni raison, dit-il, de briser tout accord final. Du reste Lhadj Thami Breze, président de l’UOIF, a déjà plaidé en vain la cause de Mourad Zerfaoui auprès de la délégation régionale de son organisation. Même réception de Mohamed Moussaoui avec lequel il partage, entre autres affinités, ses origines marocaines.
Grande mosquée dans un tiroir
Quant à la lettre du vainqueur, elle semble avoir eu un effet boomerang : « c’est une menace irresponsable qui a été très mal reçue. Moi, je ne l’ai pas reçue, mais nos délégués, qui ont eu cet honneur, l’ont très mal pris. Cela montre bien cet esprit que nous ne voulons plus au CRCM». Une émotion bien relayée par le téléphone arabe : « Les indépendants ne parlent et ne veulent que de la présidence. Jamais ils n’évoquent autre chose sur l’avenir de la communauté musulmane ou ses intérêts. Et toujours avec arrogance, médisance et provocation ». Les futurs « alliés » se tiennent mutuellement informés de leurs négociations et du périple des indépendants dont la détermination les interpelle: « ils ont démarché tous les conseillers à Paris, sollicité Dalil Boubekeur et Chemseddine Hafiz, respectivement président et délégué général du CFCM et dirigeants de la GMP». Peine perdue, selon eux, car l’alternance leur apparaît comme un cas de force majeure au regard de leur expérience du « joug » de Mourad Zerfaoui au sein du CRCM sortant. Le mandat de ce dernier prend dans leur bouche les allures d’un cauchemar où « l’abus d’autorité » s’est aggravé par « l’arrogance » chronique.
Pourtant des questions demeurent posées : comment les indépendants ont-ils pu appeler à une liste commune de tous les musulmans en ayant un tel passif ? Pourquoi la GMPet FNMF négocient-elles séparément avec eux si de telles rencontres n’ont aucune chance d’aboutir ? Pourquoi le président de l’UOIF leur est-il favorable ?. Enfin, ont-ils tort, tous ceux qui pensent que cette alliance répond aux vœux de certaines autorités publiques ? Ne se dit-il pas que la mairie de Marseille va « casser le bail du CRCM si Mourad Zerfaoui est réélu », et que « le dossier de la grande mosquée restera dans un tiroir » ?