Abderrahmane Dahmane, organisateur de la rencontre, doctorant en socio civilisation à Paris VIII et préparant un CAPES d'anglais à Jussieu
Saphirnews : Pouvez-vous vous présenter ?
Abderrahmane Dahmane : J’habite à Corbeil-Essonnes depuis près de 25 ans, et depuis 3 ans je m’investis au sein de l’association. Nous avons créé l’association juste après la construction de la mosquée de Corbeil-Essonnes qui est située au sein même du quartier des Tarterêts. On essaye de s’investir et de mettre en place certaines activités, rencontres ou autres manifestations. Aujourd’hui nous avons mis en place un congrès, et c’est la deuxième édition qui a lieu cette année.
Faites-vous partie du bureau de l’association ?
A. D. : Pas du tout ! Ce qui s’est passé en fait, c’est que nous faisons partie d’un collectif un peu en retrait du conseil d’administration. Pourquoi ? Parce que cela nous permet de mieux nous organiser et d’être un peu à l’écart et d’essayer de produire autre chose et d’être indépendant. C’est réellement pour cette dernière raison qu’on essaye de rester à l’écart du conseil d’administration. C’est un petit groupe de soeurs et de frères constitué de manière tout à fait spontanée, mais il faut préciser que le responsable de ce collectif fait partie du conseil d’administration, de manière à ce que la mosquée soit impliquée. Le conseil d’administration, c’est la gestion du culte, de la mosquée, de l’aspect financier également, alors que ce que nous essayons de faire, bien sûr avec l’aide de la mosquée, c’est de mettre en place des instances sociales, comme cette rencontre par exemple ou encore la fête de l’aïd destinée aux enfants. On sent qu’on s’inscrit dans une certaine pérennité.
Pour en revenir à la rencontre, comment est-elle née ?
A. D. : Ce qui s’est passé c’est que dans un premier temps, après la construction de la mosquée, on s’est rendus compte que cette construction n’évoquait pas forcément la construction des êtres, et qu’il fallait mettre en place une structure qui permettrait d’élever et d’améliorer les gens, les faire vivre intérieurement. Et l’aspect physique de la mosquée n’apporte pas ça, c’est l’esprit qu’on y met. On s’est donc dit construisons une communauté, pas seulement des mosquées. On est alors arrivés à cette idée-là de rencontre. On parlait à l’époque de « mini Bourget ». Oui, on s’en est plus ou moins inspirés. On s’est dit pourquoi ne pas faire un « Bourget » à notre niveau.
Y a-t-il eu des retours par rapport à votre rencontre, de la part de visiteurs ?
A. D. : A partir du moment où on organise ce genre de manifestation, on met en place un certain nombre d’objectifs. A la fin, on se rend compte qu’on n’a pas réellement rempli ces objectifs. La question est de se dire : est-ce que les gens ont été satisfaits dans l’ensemble ? La communauté s’inscrit dans une certaine dynamique. La rencontre de cette année, nous n’étions pas sûrs de l’organiser. Ce qui s’est passé c’est que les gens sont venus nous voir pour nous dire qu’il fallait le refaire parce que cela crée du lien entre croyants et cela permet de rester en contact avec une certaine actualité spirituelle ou religieuse. Et les gens en ressentent le besoin. Donc est-ce qu’on a rempli notre mission ? Sincèrement je ne sais pas, mais ce qui est certain c’est que les gens apprécient et en redemandent.
Mosquée de la Paix à Corbeil-Essonnes
Pensez-vous que l'attrait suscité par le côté neuf et esthétique de la mosquée joue ?
A. D. : Oui bien sûr. C’est aussi d’une certaine manière notre carte de visite. Après ce n’est pas spécialement ce qu’on recherche, parce que ce que l’on doit rechercher avant tout en tant que croyant, en tant que musulmans, c’est l’agrément de Dieu.
Et pourquoi avoir choisi le thème de l’Islam à travers son histoire et ses principes ?
A. D. : On s’est rendus compte que très souvent les conférences s’inscrivaient dans une démarche très très spirituelle ou dogmatiques. Et certains frères et soeurs se sont également rendus compte que très souvent on ne mettait pas le contexte historique le spirituel et l’aspect civilisationnel. On a eu de grands penseurs et on ne s’en rend pas forcément compte. Donc à travers ce réveil historique, ce qu’on voulait faire c’était conduire les gens à prendre conscience que les musulmans on eu leur âge d’or et qu’il fallait en être fier, se rendre compte de cela afin aussi de combattre tous les stéréotypes qu’on a aujourd’hui à travers les médias par rapport à l’islam. Quand on voit ce qui s’est passé avec les caricatures du Prophète, on se rend compte qu’il y a urgence et qu’il faut réellement parler de la vie du prophète Muhammad. Il faut que les gens prennent conscience de l’apport de la civilisation islamique à travers l’humanité. Donc on s’est dit que ce thème remplirait ce vide historique tout simplement.
Durant la campagne électorale pour les élections présidentielles, y a-t-il eu une sensibilisation des jeunes pour aller voter ?
A. D. : Ce qui est certain c’est qu’il n’y a pas eu d’intervention directe du conseil d’administration, que ce soit par le biais des prêches du vendredi ou des conférences. Ce qui s’est passé par contre, c’est qu’il y a eu une démarche individuelle. Pour en revenir au collectif, entre nous nous en avons discuté et cela a fait l’objet de débats pour savoir pour qui et pourquoi nous allions voter, et de quelle manière l’islam justifiait ou pas le vote. Par exemple, on s’est posé la question suivante : peut-on voter pour des femmes ? pour une personne soutenant les homosexuels ? etc. Même si parfois ces questions peuvent paraître stupides, cela nous a permis de générer en nous une certaine conscience politique. On vit en Europe, on vit en France, et il y a certaines questions qu’il ne faut pas et qu’on ne doit pas éviter. La politique est une sphère assez complexe et pour pouvoir y participer, il faut savoir comment elle se structure. Maintenant, un candidat est devenu président. Nous ne le rejetons pas. Nous acceptons le jeu démocratique. A partir du moment où il fera une chose qui ira à l’encontre de nos principes, d’une harmonie collective nationale, on descendra dans la rue pour manifester et pour pointer du doigt le dysfonctionnement qu’il aurait créé.
Justement comment voyez-vous l’avenir de la communauté sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy ?
A. D. : Personnellement, je reste optimiste parce que je le suis de nature. Même si je ne suis pas du tout d’accord avec le programme politique du nouveau président, on peut quand même lui attribuer une chose, c’est qu’il a réellement une vision et un projet de société. On peut être sûrs d’une chose c’est qu’il apportera du changement. Quel type de changement, ça c’est une autre histoire !
En ce qui concerne la communauté musulmane, je pars du principe que tout changement est intéressant, qu’il soit positif ou négatif. S’il était positif, cela nous permettrait d’évoluer, de se construire, de mûrir, spirituellement ou économiquement, et de sortir de nos ghettos. S’il est négatif, personnellement je ne vois pas en quoi il pourrait l’être au sein d’une population musulmane vivant au sein de quartiers plus ou moins refermés, des ghettos en clair. Je ne vois pas en quoi la situation pourrait être pire.
En ce qui concerne la communauté musulmane, je pars du principe que tout changement est intéressant, qu’il soit positif ou négatif. S’il était positif, cela nous permettrait d’évoluer, de se construire, de mûrir, spirituellement ou économiquement, et de sortir de nos ghettos. S’il est négatif, personnellement je ne vois pas en quoi il pourrait l’être au sein d’une population musulmane vivant au sein de quartiers plus ou moins refermés, des ghettos en clair. Je ne vois pas en quoi la situation pourrait être pire.