SaphirNet.info : Vous avez initié avec l’AFIP une enquête sur ce que veulent les minorités visibles pour parvenir à l’égalité professionnelle. Nous souhaiterions tout d’abord savoir ce qui motive une agence de communication telle que la votre à mener cette étude ?
Jean-Christophe Despres : En étudiant l’influence de l’origine des individus sur leurs comportements de consommation (alimentation halal, cosmétique pour peaux noires…), nous avons constaté 2 réalités fortes :
- une large majorité des personnes interrogées n’était pas embarrassée à l’idée de parler de sa culture d’origine
- au-delà de nos interrogations sur la consommation, notre travail nous a conduit à questionner la place des français issus des anciennes colonies dans une dimension plus large.
L’association AFIP au sein de laquelle je parraine des jeunes diplômés en recherche d’emploi noirs ou arabes (en tout cas, c’est à ce titre qu’ils ne trouvent pas de poste car leurs profils sont le plus souvent remarquables) m’a fait prendre conscience que les entreprises ne pouvaient engager une véritable politique de diversité sans outils de mesure. Nous avons donc mis en commun nos expériences pour apporter aux entreprises des pistes d’action reconnues par les principaux intéressés, c'est-à-dire ceux qui ont principalement victimes de discrimination.
- une large majorité des personnes interrogées n’était pas embarrassée à l’idée de parler de sa culture d’origine
- au-delà de nos interrogations sur la consommation, notre travail nous a conduit à questionner la place des français issus des anciennes colonies dans une dimension plus large.
L’association AFIP au sein de laquelle je parraine des jeunes diplômés en recherche d’emploi noirs ou arabes (en tout cas, c’est à ce titre qu’ils ne trouvent pas de poste car leurs profils sont le plus souvent remarquables) m’a fait prendre conscience que les entreprises ne pouvaient engager une véritable politique de diversité sans outils de mesure. Nous avons donc mis en commun nos expériences pour apporter aux entreprises des pistes d’action reconnues par les principaux intéressés, c'est-à-dire ceux qui ont principalement victimes de discrimination.
Quelles sont les premières conclusions que vous avez pu tirer ?
Nous en sommes en fait au milieu de cette enquête et attendons encore beaucoup de réponse sur www.france-diversite.com mais je peux d’ores et déjà dire qu’une large majorité se dessine en faveur de la discrimination positive avec de sensibles différences sur le contenu à donner à cette notion (cv anonyme, quotas…). Nous pouvons ainsi constater que si l’idée d’une opinion publique noire ou arabe relève du fantasme, la majorité des personnes interrogées réclame des actions rapides et concrètes.
Ne pouvons nous pas rapprocher les difficultés d’accéder à un emploi à celle de trouver un logement ? En effet, au-delà de la crise de logement, beaucoup de bailleurs sociaux au nom de la sacro sainte « mixité sociale » évitent de loger les gens d’origine sub-saharienne y compris dans les quartiers populaires. Et cela relève de la mission impossible pour accéder à un logement au cœur des centres urbains, y compris lorsque la personne de couleur a des revenus très élevés.
N’y a-t-il pas là un racisme larvé qui irrigue les rouages de nos institutions, et les mentalités de ceux qui participent à la décision ?
N’y a-t-il pas là un racisme larvé qui irrigue les rouages de nos institutions, et les mentalités de ceux qui participent à la décision ?
Racisme larvé est le mot car les représentations méprisantes de beaucoup de décideurs à l’égard de l’ancien empire français sont pour une large part inconscientes. Ils vous jurent la main sur le cœur, et on peut les croire d’une certaine manière, qu’ils ne sont pas racistes. Tout le monde c’est que le racisme, c’est mal…pour autant, face à la persistance des discriminations, beaucoup préfèrent jouer la politique de l’autruche et mettre cette réalité sur le compte des pesanteurs de la société voire de la fatalité. Soyons lucides, une grande majorité des décideurs ne bougera pas d’elle-même mais par et avec la pression de la société.
La discrimination à l’embauche est difficile à déceler. Le CV anonyme n’aurait il pas été une bonne solution pour multiplier les chances de décrocher un entretien à une offre d’emploi ?
Je n’aime pas beaucoup cette idée à titre personnel. D’abord parce que le nom de quelqu’un n’est pas une maladie honteuse ensuite parce que, le jour de l’entretien, le recruteur raciste qui aura recalé le cv de Karim ou Bouba, ne va pas se métamorphoser par miracle tant il faut que les préjugés négatifs soient ancrés en lui pour mettre un cv au panier sur la simple mention du nom du candidat. Cela dit, les personnes que nous avons interrogées semblent souhaiter la mise en place de cette mesure ; mon métier est de traduire ce qu’ils pensent pas de décider à leur place…
On constate que là où il y a le plus de relations interpersonnelles, notamment dans les PME/PMI il est plus difficile pour un candidat dit « d’origine maghrébine ou africaine » de trouver un emploi. Or, Les PME/PMI constituent un vivier d’emploi. Que faut il faire pour agir sur les mentalités ?
L’enseignement à l’école – il est à cet égard plutôt rassurant de voir la levée de boucliers d’un grand nombre de professeurs contre la loi du 23 février 2005 dont je ne sais s’il faut en rire ou en pleurer tellement elle révèle un abîme de stupidité – est la base de cette construction d’une identité sociale plurielle. Les médias doivent aussi jouer un rôle dans ce processus de déconstruction des stéréotypes, ce qu’ils commencent à faire de manière très contrastée. Soyons lucides, cette évolution de mentalités prendra au mieux 2 générations. A court terme, il faut donc constituer des réseaux, communautaires si nécessaire, car personne ne peut avancer sans solidarité.
Elle est encore loin la France multiculturelle ?
Elle est dans la rue dans nos écoles, en tout cas dans les grandes villes et à leur périphérie. Quant à l’assemblée nationale, aux grandes entreprises, aux médias, ça ne viendra pas tout seul. La liberté et la justice ne se sont jamais données à quiconque, il faut les conquérir.