Tibet, Lhassa, le 27 août 2010.

Arrivé au Tibet pendant le mois sacré du Ramadhan, je ne pensais pas partager mes repas de rupture du jeûne avec des musulmans tibétains. En réalité, je ne savais pas que Lhassa comptait une communaute musulmane significative, même si la plupart font partie de la communaute hui (musulmans chinois). En outre, je ne me doutais même pas que mon hôtel jouxtait la deuxième mosquée de Lhassa.

En effet, Lhassa héberge une communauté musulmane − ou devrais je dire des communautés qui se réclament de l'islam. Ainsi, parmi une minorité de Tibétains musulmans, dont l'arrivée date du règne du calife 'Umar Ibn Khattab (VIe siecle), vivant à Lhassa et plus globalement au Tibet, on trouve une majorite de Hui chinois venus de Chine afin de profiter des opportunités qu'offre cet eldorado qu'incarne le Tibet.

On compte egalement un certain nombre de Chinois Ouighours (partie turcophone de la Chine) ainsi qu'une poignée de Népalais et de Cachmiris musulmans.

Vu la composition ethnique de cette communauté musulmane, force était de constater que je ne pouvais passer inapercu. En outre, issue de communauté de rite hanbalite (école musulmane), je me fis immediatement remarquer lors de la formulation du « amine », que je dis à haute voix, contrairement à l'école hanbalite.


Iftar au Tibet : Des noodles pour tous
Heureusement, cela favorisa les rencontres et je me retrouvai très rapidement dans la salle des ablutions aménagée de manière à accueillir l'iftar (repas de rupture du jeûne du Ramadhan). Il est intéressant de constater que, malgré le très bas niveau économique de cette communauté, cette dernière parvient tout de même à proposer un iftar qui pourrait rendre jaloux certaines mosquées a travers le monde.

Au-delà des moyens financiers, je pense, pour ma part, que le réel moteur de ce genre d'initiative réside plutôt dans la capacité des membres de la communauté à se definir en tant que groupe et non en tant qu'individu, à l'instar de ce que vivent les musulmans occidentaux. De cette manière, cette communauté musulmane permet d'approcher cette dimension selon laquelle si le jeûne est un effort individuel, il reste soutenu par le groupe. On ressent en effet cette dimension collective lorsque l'on rompt le jeûne en groupe plutôt que chez soi.

J'ai eu la chance d'être convié à rompre le jeûne au sein de cette communauté aussi longtemps que je le voulais. Parfois, l'imam se joignait aux festivités et discutait simplement avec les membres de sa communauté.

Je pris cette occasion pour discuter et partager des moments uniques. Ils me parlaient du Tibet et de la situation difficile dans laquelle ils étaient. Certains évoquaient egalement l'animosité qu'il pouvait y avoir entre les différents groupes ethniques musulmans et ce malgré les appels insistants de l'imam pour apaiser les esprits.

D'autres évoquaient avec regrets l'écart relationnel entre la minorité tibétaine musulmane et la majorité tibétaine bouddhiste. Les uns se sentant envahis par des musulmans non tibétains au point de devenir une minorité au sein d'une minorité musulmane vivant au Tibet, les seconds rejetant tout simplement ce qui n'est pas de tradition tibétaine bouddhiste afin de préserver cette culture qui est la leur et qui est mise en danger par l'« envahisseur chinois ».

On trouve donc un sentiment de xénophobie naissant, mais force de la part des Tibétains bouddhistes ou musulmans, et ce, malgré la profonde bonté de ce peuple. Rousseau disait que l'être naît libre mais que c'est précisément le systeme qui le corrompt. À mediter donc...

Tachidela à tous.

Rédigé par Dahmane Mazouzi le Jeudi 6 Janvier 2011 | {0} Commentaires