Chine, Xian, le 9 août 2010
Après deux jours passés au sein de la ville forteresse de Pingyao, je reprends le train pour Xian. Cette ville est une étape majeure de mon tour du monde.
Alors seulement âgé de 10 ans, mon frère était venu un jour à la maison avec une image tirée d'un manuel scolaire. Elle présentait des soldats en terre cuite à la taille d’être humain et avaient été enterrés profondément dans le sol.
L'Histoire voulait que chacun des soldats en terre cuite, au nombre de plus de six mille, se distinguent les uns des autres. Ils devaient ainsi refléter la réelle armée de l'empereur. En d'autres termes, aucun soldat ne se ressemblait. Cela était la volonté de l'empereur chinois de l'époque, qui vécut il y a 2 000 ans et qui est à l'origine de l'unification de la Chine. Son désir était que ces soldats en pierre puissent être enterrés avec lui lors de sa mort. Il pensait que ces derniers le protègeraient pour l'éternité. De plus, il n’avait pas hésité à faire enterrer vivants avec lui les ouvriers qui avaient préparé le tombeau, afin que les secrets de sa construction ne soient pas divulgués, de même que ses 46 concubines vivantes.
Même si cela pouvait paraître macabre, je trouvais très intéressant d'étudier cela. Pourquoi un tel empereur avait-il choisi d'enterrer autant de statues de pierre ainsi que des êtres vivants ? Et quelle était sa relation à la mort et de qui avait-il peur ? En réalité, les sacrifices humains à la mort d'un empereur semblent avoir été fréquents dans la Chine de cette époque.
Après deux jours passés au sein de la ville forteresse de Pingyao, je reprends le train pour Xian. Cette ville est une étape majeure de mon tour du monde.
Alors seulement âgé de 10 ans, mon frère était venu un jour à la maison avec une image tirée d'un manuel scolaire. Elle présentait des soldats en terre cuite à la taille d’être humain et avaient été enterrés profondément dans le sol.
L'Histoire voulait que chacun des soldats en terre cuite, au nombre de plus de six mille, se distinguent les uns des autres. Ils devaient ainsi refléter la réelle armée de l'empereur. En d'autres termes, aucun soldat ne se ressemblait. Cela était la volonté de l'empereur chinois de l'époque, qui vécut il y a 2 000 ans et qui est à l'origine de l'unification de la Chine. Son désir était que ces soldats en pierre puissent être enterrés avec lui lors de sa mort. Il pensait que ces derniers le protègeraient pour l'éternité. De plus, il n’avait pas hésité à faire enterrer vivants avec lui les ouvriers qui avaient préparé le tombeau, afin que les secrets de sa construction ne soient pas divulgués, de même que ses 46 concubines vivantes.
Même si cela pouvait paraître macabre, je trouvais très intéressant d'étudier cela. Pourquoi un tel empereur avait-il choisi d'enterrer autant de statues de pierre ainsi que des êtres vivants ? Et quelle était sa relation à la mort et de qui avait-il peur ? En réalité, les sacrifices humains à la mort d'un empereur semblent avoir été fréquents dans la Chine de cette époque.
Xian, ville des Huis
Cependant, avant de penser à la mort, il fallait que je m'occupe du vivant. C'est également une autre raison pour laquelle je chérissais l'envie de venir à Xian. En effet, outre l'armée des soldats en terre cuite, la ville accueille une importante communauté musulmane chinoise. Désignée par le terme « Huis », cette population se distingue des Hans (la majorité chinoise) par leur appartenance à l'islam. Elle partage cependant avec les Hans plus ou moins la même culture et la même langue. À ne surtout pas confondre avec les Ouighours, qui sont des populations chinoises musulmanes de l'ouest de la Chine et d'origine turque.
En bref, les Huis ont donc découvert l'islam au travers de l'arrivée de commerçants arabes quelque temps après la mort du Prophète Muhammad. En effet, il est dit qu'un certain Abu Waqass − qui n'est autre que l'oncle du Prophète − avait accosté à Canton. Certains de ces musulmans s'établiront finalement en Chine et se marieront avec des Chinoises. De ce contact naquit la communauté hui. Aujourd'hui, on retrouve cette communauté à travers toute la Chine.
Ainsi, Xian offre l'occasion de plonger dans la vie de cette communauté assez atypique. En effet, depuis mon arrivée en Chine, je regrettais le fait de ne pas voir le type de chinois traditionnel vu et revu au cinéma. De surcroît, comme l'affirment les Chinois eux-mêmes, la révolution culturelle mise en place par Mao avait eu raison des pratiques et des valeurs chinoises traditionnelles. Mais, sans le savoir ,je devais retrouver à travers cette communauté des restes de la culture traditionnelle chinoise.
C'est comme si l'aspect religieux avait conduit les Huis à se protéger des influences culturelles locales ou même étrangères. Cette préservation de la culture traditionnelle chinoise par les Huis me sera confirmée par nombre de Chinois non musulmans. Certains allant même à les envier.
Pour ma part, je pense avoir eu l'occasion de découvrir plus qu'une simple communauté avec qui je pourrais tant partager.
Ils se montrèrent très enthousiastes à l’idée d'accueillir un « Fahagowa » (francais) musulman, je devais m'immerger profondément au sein de cette communauté et reçu donc la première « claque » de mon voyage.
En effet, même si beaucoup parmi nous aimons dire que nous sommes des citoyens du monde, force est de constater que devant certaines différences « culturelles », il est parfois difficile de se sentir proche de certaines populations. En outre, les stéréotypes aidant, il reste difficile de voir l'humanité chez certains individus. En résumé, nous nous sentons très différents de ce que nous ne sommes pas. Cependant, cette rencontre me permettra de confirmer que l'élément unificateur, au-delà de l'aspect culturel, est l'humanité profonde des êtres.
Cependant, avant de penser à la mort, il fallait que je m'occupe du vivant. C'est également une autre raison pour laquelle je chérissais l'envie de venir à Xian. En effet, outre l'armée des soldats en terre cuite, la ville accueille une importante communauté musulmane chinoise. Désignée par le terme « Huis », cette population se distingue des Hans (la majorité chinoise) par leur appartenance à l'islam. Elle partage cependant avec les Hans plus ou moins la même culture et la même langue. À ne surtout pas confondre avec les Ouighours, qui sont des populations chinoises musulmanes de l'ouest de la Chine et d'origine turque.
En bref, les Huis ont donc découvert l'islam au travers de l'arrivée de commerçants arabes quelque temps après la mort du Prophète Muhammad. En effet, il est dit qu'un certain Abu Waqass − qui n'est autre que l'oncle du Prophète − avait accosté à Canton. Certains de ces musulmans s'établiront finalement en Chine et se marieront avec des Chinoises. De ce contact naquit la communauté hui. Aujourd'hui, on retrouve cette communauté à travers toute la Chine.
Ainsi, Xian offre l'occasion de plonger dans la vie de cette communauté assez atypique. En effet, depuis mon arrivée en Chine, je regrettais le fait de ne pas voir le type de chinois traditionnel vu et revu au cinéma. De surcroît, comme l'affirment les Chinois eux-mêmes, la révolution culturelle mise en place par Mao avait eu raison des pratiques et des valeurs chinoises traditionnelles. Mais, sans le savoir ,je devais retrouver à travers cette communauté des restes de la culture traditionnelle chinoise.
C'est comme si l'aspect religieux avait conduit les Huis à se protéger des influences culturelles locales ou même étrangères. Cette préservation de la culture traditionnelle chinoise par les Huis me sera confirmée par nombre de Chinois non musulmans. Certains allant même à les envier.
Pour ma part, je pense avoir eu l'occasion de découvrir plus qu'une simple communauté avec qui je pourrais tant partager.
Ils se montrèrent très enthousiastes à l’idée d'accueillir un « Fahagowa » (francais) musulman, je devais m'immerger profondément au sein de cette communauté et reçu donc la première « claque » de mon voyage.
En effet, même si beaucoup parmi nous aimons dire que nous sommes des citoyens du monde, force est de constater que devant certaines différences « culturelles », il est parfois difficile de se sentir proche de certaines populations. En outre, les stéréotypes aidant, il reste difficile de voir l'humanité chez certains individus. En résumé, nous nous sentons très différents de ce que nous ne sommes pas. Cependant, cette rencontre me permettra de confirmer que l'élément unificateur, au-delà de l'aspect culturel, est l'humanité profonde des êtres.
Prière du vendredi à la Grande Mosquée de Xian
J'observais durant de longues journées ces « musulmans chinois » avec qui je partageais aussi bien des conversations sur les bienfaits de la spiritualité que sur la beauté des femmes françaises, même si ce dernier sujet les passionnait réellement. Nos pratiques religieuses communes me permettaient de mieux m'approcher d'eux et ainsi de gagner leur confiance.
Au bout de la cinquième journée, je sentais que je ne les regardais plus comme chinois mais simplement comme des êtres avec qui je pouvais partager certaines choses. J'avais déjà remarqué ce rapprochement avec mes hôtes de Pékin mais le manque de temps ainsi que de moments de partage ne nous avaient pas permis de révéler ce niveau d'humanité. Même si je pense que ces valeurs étaient présentes.
À titre d'exemple, mon premier contact avec la communauté hui de Xian se fit au sein de la Grande Mosquée de Xian lors de la prière du vendredi. À la suite de cette prière, un cercle spirituel se constitua et je fus invité à participer. Voyant bien que j'étais le seul étranger et vu la curiosité et le regard des Chinois envers les étrangers, il ne me fallut pas longtemps pour sortir mon arme absolue, à savoir mon suprême « ni hao » agrémenté d'un magnifique sourire.
Cela fit son effet comme d'habitude et une vingtaine de personnes vint me voir pour faire ma connaissance. Ils voulaient connaître la vie en Occident et la vie des musulmans en France. Ils me posaient également beaucoup de questions sur le monde arabe, africain et musulman. Ils étaient très fiers de pouvoir revendiquer à la fois leur appartenance au monde asiatique mais également à ce monde musulman avec toute sa complexité. Ils comprirent rapidement que j'aimais voyager et que je nourrissais une certaine curiosité à leur égard. Ils me proposèrent donc de rester auprès d'eux afin d'effectuer le jeûne du Ramadan.
Je dois avouer qu'il m'était très difficile de refuser au vu de leur insistance. Je dus donc leur expliquer que je comptais découvrir durant les mois à venir une partie du monde et qu'en raison de cela je ne pouvais accepter leur proposition. Ils me proposèrent donc de rester quelques jours avec eux, chose que je ne pus refuser malgré un retard important dans mon programme de voyage.
J'observais durant de longues journées ces « musulmans chinois » avec qui je partageais aussi bien des conversations sur les bienfaits de la spiritualité que sur la beauté des femmes françaises, même si ce dernier sujet les passionnait réellement. Nos pratiques religieuses communes me permettaient de mieux m'approcher d'eux et ainsi de gagner leur confiance.
Au bout de la cinquième journée, je sentais que je ne les regardais plus comme chinois mais simplement comme des êtres avec qui je pouvais partager certaines choses. J'avais déjà remarqué ce rapprochement avec mes hôtes de Pékin mais le manque de temps ainsi que de moments de partage ne nous avaient pas permis de révéler ce niveau d'humanité. Même si je pense que ces valeurs étaient présentes.
À titre d'exemple, mon premier contact avec la communauté hui de Xian se fit au sein de la Grande Mosquée de Xian lors de la prière du vendredi. À la suite de cette prière, un cercle spirituel se constitua et je fus invité à participer. Voyant bien que j'étais le seul étranger et vu la curiosité et le regard des Chinois envers les étrangers, il ne me fallut pas longtemps pour sortir mon arme absolue, à savoir mon suprême « ni hao » agrémenté d'un magnifique sourire.
Cela fit son effet comme d'habitude et une vingtaine de personnes vint me voir pour faire ma connaissance. Ils voulaient connaître la vie en Occident et la vie des musulmans en France. Ils me posaient également beaucoup de questions sur le monde arabe, africain et musulman. Ils étaient très fiers de pouvoir revendiquer à la fois leur appartenance au monde asiatique mais également à ce monde musulman avec toute sa complexité. Ils comprirent rapidement que j'aimais voyager et que je nourrissais une certaine curiosité à leur égard. Ils me proposèrent donc de rester auprès d'eux afin d'effectuer le jeûne du Ramadan.
Je dois avouer qu'il m'était très difficile de refuser au vu de leur insistance. Je dus donc leur expliquer que je comptais découvrir durant les mois à venir une partie du monde et qu'en raison de cela je ne pouvais accepter leur proposition. Ils me proposèrent donc de rester quelques jours avec eux, chose que je ne pus refuser malgré un retard important dans mon programme de voyage.
Une sadaqa inattendue
À ce moment-là, il se passa une chose étrange. Un des anciens du groupe me tendit une enveloppe en me signifiant le terme « sadaqa », qui désigne l'aumône en arabe. Et, oui, malheureusement, même chez ces musulmans chinois l'aspect capitaliste avait fait son effet. Je trouvais quand même cela culotté de me demander de participer à cette sadaqa alors que je venais juste d'arriver et que je ne savais même pas à quoi cette aumône allait servir.
Sincèrement, je fus profondément déçu et me résignais à ne rester que 2 jours. De manière très hypocrite, je sortis donc à contrecœur quelques billets du fond de mon porte-monnaie afin de les glisser dans cette fameuse enveloppe. Mes hôtes se regardèrent, ne comprenant pas ce que je faisais.
Je leur tendis donc l'enveloppe avec beaucoup de dégoût. L'un d'entre eux me rendit l'enveloppe, en me faisant comprendre que cette sadaqa m'était destinée. Je leur demandais pourquoi un tel honneur. Ils me dirent simplement qu'un tel voyage devait coûter beaucoup d'argent et que cette somme pourrait m'aider. Imaginez un peu ma réaction. Je tentai de leur expliquer que j'avais, je l'espère, assez d'argent pour réaliser ce voyage et que c'était plutôt à moi de leur faire l'aumône, car venant d'Occident.
Mais c'était peine perdue, ils n'entendirent rien. Cette communauté musulmane qui ne jouissait pas forcément d'un bon niveau social voulait simplement exprimer son plaisir d'accueillir un Fahagowa musulman.
Après cette fameuse affaire, je décidais donc de rester auprès de cette communauté durant 5 jours afin de mieux apprendre d'eux et du pays dans lequel ils vivent. Ils me permirent donc de mieux décrypter un pays, un peuple (même si on peut parler plutôt « des peuples chinois »), une culture ainsi que d'enrichir un peu mon vocabulaire chinois, car je sentais que mon « ni hao » commençait à être périmé.
À ce moment-là, il se passa une chose étrange. Un des anciens du groupe me tendit une enveloppe en me signifiant le terme « sadaqa », qui désigne l'aumône en arabe. Et, oui, malheureusement, même chez ces musulmans chinois l'aspect capitaliste avait fait son effet. Je trouvais quand même cela culotté de me demander de participer à cette sadaqa alors que je venais juste d'arriver et que je ne savais même pas à quoi cette aumône allait servir.
Sincèrement, je fus profondément déçu et me résignais à ne rester que 2 jours. De manière très hypocrite, je sortis donc à contrecœur quelques billets du fond de mon porte-monnaie afin de les glisser dans cette fameuse enveloppe. Mes hôtes se regardèrent, ne comprenant pas ce que je faisais.
Je leur tendis donc l'enveloppe avec beaucoup de dégoût. L'un d'entre eux me rendit l'enveloppe, en me faisant comprendre que cette sadaqa m'était destinée. Je leur demandais pourquoi un tel honneur. Ils me dirent simplement qu'un tel voyage devait coûter beaucoup d'argent et que cette somme pourrait m'aider. Imaginez un peu ma réaction. Je tentai de leur expliquer que j'avais, je l'espère, assez d'argent pour réaliser ce voyage et que c'était plutôt à moi de leur faire l'aumône, car venant d'Occident.
Mais c'était peine perdue, ils n'entendirent rien. Cette communauté musulmane qui ne jouissait pas forcément d'un bon niveau social voulait simplement exprimer son plaisir d'accueillir un Fahagowa musulman.
Après cette fameuse affaire, je décidais donc de rester auprès de cette communauté durant 5 jours afin de mieux apprendre d'eux et du pays dans lequel ils vivent. Ils me permirent donc de mieux décrypter un pays, un peuple (même si on peut parler plutôt « des peuples chinois »), une culture ainsi que d'enrichir un peu mon vocabulaire chinois, car je sentais que mon « ni hao » commençait à être périmé.
En route vers le Tibet
En écrivant ces quelques lignes, je me rends compte que lorsque je pris le train hier, en quittant Xian, je ne voyais plus les Chinois de la même manière. C'est comme si je voyais l'aspect culturel non plus comme une muraille infranchissable, mais plutôt comme une barrière à enjamber.
Qu'il est gratifiant et enrichissant de voir l'humanité des êtres au-delà de leurs appartenances culturelles !
Je quitte donc Xian, qui aura été une grande école de vie pour moi, afin de me diriger vers le sud de la Chine et me rapprocher du Tibet.
Prochaine arrêt : le Tibet.
Bon voyage et bon vent.
En écrivant ces quelques lignes, je me rends compte que lorsque je pris le train hier, en quittant Xian, je ne voyais plus les Chinois de la même manière. C'est comme si je voyais l'aspect culturel non plus comme une muraille infranchissable, mais plutôt comme une barrière à enjamber.
Qu'il est gratifiant et enrichissant de voir l'humanité des êtres au-delà de leurs appartenances culturelles !
Je quitte donc Xian, qui aura été une grande école de vie pour moi, afin de me diriger vers le sud de la Chine et me rapprocher du Tibet.
Prochaine arrêt : le Tibet.
Bon voyage et bon vent.
Rédigé par Dahmane Mazouzi le Mercredi 29 Décembre 2010
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