Peut-on parler de « musique noire » ? Si le qualificatif « noir » semble racialiser la vision du monde en définissant ainsi la musique créée par les Africains et les Afro-Américains, il renvoie surtout à la façon dont les natifs et les descendants du continent noir ont irrigué les musiques du monde.
« Cette notion panafricaine de la musique noire ne peut pas exister avant la rencontre coloniale. Avant l’arrivée des Blancs, les Africains ne se vivent pas comme Noirs. La pensée raciale binaire Blanc/ Noir est une notion moderne postérieure à cette rencontre. La musique noire est forcément née dans l’espace colonial de la plantation, avec sa pensée raciale. Ce qui compte ensuite, c’est de voir comment les musiciens noirs ont réussi à créer les plus belles musiques dans ce contexte », explique Emmanuel Parent, anthropologue et maître de conférences en musique à l’université de Rennes-II.
« Après quatre cents ans de servitude liée à l’une des plus grandes tragédies humaines, la terreur raciale a laissé place à une immense explosion de créativité et de liberté, que la musique depuis lors n’a eu de cesse d’exprimer. Ces musiques noires façonnent la culture populaire mondiale et transcendent toute conception ethniciste ou nationaliste », complète Marc Benaïche, fondateur de la revue Mondomix et commissaire de l’exposition.
« Great Black Music », tel est le nom de cette exposition qui se tient du 11 mars au 24 août 2014, à la Cité de la Musique (Paris 19e), propose de retracer l'épopée des « musiques noires » en immergeant le visiteur dans un foisonnant fonds documentaire : archives, vidéos, photos, films ethnographiques, extraits musicaux... Une expérience visuelle et sonore totale. Plus de 11 heures de contenus audiovisuels sont ainsi mis à disposition du visiteur. Bien sûr, il ne fera pas tout (sauf à revenir plusieurs fois voir l'expo !), mais il doit compter au moins 3 bonnes heures pour profiter à plein de cette magnifique proposition scénographique, dont l’idée directrice est de permettre une visite interactive personnalisée.
Écouteurs vissés dans les oreilles et smartphone à la main, le visiteur sélectionne ce qu’il a envie d’écouter au fur et à mesure de sa déambulation dans l’espace immersif de 800 m² ; il peut également sauvegarder sa playlist qu’il aura eu plaisir à compiler tout au long de ses découvertes.
« Cette notion panafricaine de la musique noire ne peut pas exister avant la rencontre coloniale. Avant l’arrivée des Blancs, les Africains ne se vivent pas comme Noirs. La pensée raciale binaire Blanc/ Noir est une notion moderne postérieure à cette rencontre. La musique noire est forcément née dans l’espace colonial de la plantation, avec sa pensée raciale. Ce qui compte ensuite, c’est de voir comment les musiciens noirs ont réussi à créer les plus belles musiques dans ce contexte », explique Emmanuel Parent, anthropologue et maître de conférences en musique à l’université de Rennes-II.
« Après quatre cents ans de servitude liée à l’une des plus grandes tragédies humaines, la terreur raciale a laissé place à une immense explosion de créativité et de liberté, que la musique depuis lors n’a eu de cesse d’exprimer. Ces musiques noires façonnent la culture populaire mondiale et transcendent toute conception ethniciste ou nationaliste », complète Marc Benaïche, fondateur de la revue Mondomix et commissaire de l’exposition.
« Great Black Music », tel est le nom de cette exposition qui se tient du 11 mars au 24 août 2014, à la Cité de la Musique (Paris 19e), propose de retracer l'épopée des « musiques noires » en immergeant le visiteur dans un foisonnant fonds documentaire : archives, vidéos, photos, films ethnographiques, extraits musicaux... Une expérience visuelle et sonore totale. Plus de 11 heures de contenus audiovisuels sont ainsi mis à disposition du visiteur. Bien sûr, il ne fera pas tout (sauf à revenir plusieurs fois voir l'expo !), mais il doit compter au moins 3 bonnes heures pour profiter à plein de cette magnifique proposition scénographique, dont l’idée directrice est de permettre une visite interactive personnalisée.
Écouteurs vissés dans les oreilles et smartphone à la main, le visiteur sélectionne ce qu’il a envie d’écouter au fur et à mesure de sa déambulation dans l’espace immersif de 800 m² ; il peut également sauvegarder sa playlist qu’il aura eu plaisir à compiler tout au long de ses découvertes.
Un parcours muséographique en six temps
Après une première salle « Les légendes de l’Afrique noire » comprenant une vingtaine de plots vidéos présentant de courts documentaires sur les figures qui ont éminemment marqué les XXe et XXIe siècles (Nina Simone , Fela Kuti, Michael Jackson, Bob Marley, Kassav…), la deuxième salle « Mama Africa » plonge dans les racines africaines.
Cinq grands écrans nous font parcourir l’Afrique centrale, de l’Est, de l’Ouest, du Nord et du Sud, depuis les soufis de Mauritanie ou du Mozambique jusqu’au soul makossa de Manu Dibango, le rock zulu de Johnny Clegg & Savukka ou la kora épurée de Ballaké Sissoko. Le visiteur peut aisément rester scotché une heure durant à regarder l’ensemble de ces films documentaires, tellement leur richesse nous montre le brassage des musiques dites traditionnelles aux courants plus modernes : blues, jazz, funk, soul, rumba, reggae... Le cœur balance d’un écran à l’autre, le corps déjà s’imprègne des rythmes africains.
Le dispositif de la troisième salle « Rythmes et rites sacrés » se veut plus sensoriel. Il nous rappelle combien la musique, la danse et la religion – cultures immatérielles – ont joué un rôle essentiel dans la réappropriation de soi et de l'identité, puisque c’est « à nu que les Africains victimes de la traite négrière furent débarqués dans le Nouveau Monde, dépouillés des objets et des liens sociaux leur permettant de faire culture ».
La quatrième étape est celle qui nous a le plus accroché. Au cours d’une longue fresque graphique, depuis l’Égypte ancienne où la civilisation négro-africaine puise ses origines selon l’africaniste Cheikh Anta Diop jusqu’au rap protestataire des printemps arabes qui ont destitué les dictateurs, le visiteur peut tout à la fois découvrir les grands moments historiques et politiques (ancien empire du Mali, déportation, première révolte d’esclaves en Haïti, ségrégation raciale aux États-Unis…) qu’ont traversé les musiques noires et écouter les extraits musicaux qui viennent illustrer ces moments de la vie intellectuelle et artistique.
On y apprend, par exemple, que les chants gospels (littéralement « évangile ») afro-américains sont davantage tournés vers le Nouveau Testament que les negro-spirituals du XIXe siècle qui puisent dans les images de l’Ancien Testament. À partir des années 1940, aux États-Unis, plusieurs musiciens noirs américains se convertissent à l’islam, tels les jazzmen Yusef Lateef ou Art Blakey (Abdullah Ibn Buhaina).
L’art musical est bien souvent au service du message politique. Contre la ségrégation et le racisme, de nombreux jazzmen s’expriment musicalement, dont le bassiste et chef d’orchestre Charles Mingus (1922-1979). Alors qu’un attachement fort à Israël était présent à travers la figure de Moïse, considéré par certains africanistes comme un prophète noir, la guerre des Six Jours (1967) entre Israël et l’Égypte signe la rupture dans l’identification des Noirs avec le destin des Juifs. La guerre du Vietnam (1955-1975) a également drainé forte une mobilisation politique des artistes (Jimi Hendrix, Marvin Gaye…).
Les cinquième et sixième salles sont de nouveau l’occasion de visionner quantité de vidéos et d’écouter des extraits de concerts : salsa, jazz, rock, rap… (espace « Les Amériques noires ») jusqu’aux rythmes électroniques et la culture numérique qui s’incrustent désormais (« Global Mix »).
L’expo s’achève sur trois cabines de danse où l’on peut apprendre à danser pas à pas le chacha, la salsa, le disco et le hip-hop. Les apprenants sont filmés en direct, mais foin de la timidité : le délire est à se taper à plusieurs visiteurs et les fous rires sont garantis.
Cinq grands écrans nous font parcourir l’Afrique centrale, de l’Est, de l’Ouest, du Nord et du Sud, depuis les soufis de Mauritanie ou du Mozambique jusqu’au soul makossa de Manu Dibango, le rock zulu de Johnny Clegg & Savukka ou la kora épurée de Ballaké Sissoko. Le visiteur peut aisément rester scotché une heure durant à regarder l’ensemble de ces films documentaires, tellement leur richesse nous montre le brassage des musiques dites traditionnelles aux courants plus modernes : blues, jazz, funk, soul, rumba, reggae... Le cœur balance d’un écran à l’autre, le corps déjà s’imprègne des rythmes africains.
Le dispositif de la troisième salle « Rythmes et rites sacrés » se veut plus sensoriel. Il nous rappelle combien la musique, la danse et la religion – cultures immatérielles – ont joué un rôle essentiel dans la réappropriation de soi et de l'identité, puisque c’est « à nu que les Africains victimes de la traite négrière furent débarqués dans le Nouveau Monde, dépouillés des objets et des liens sociaux leur permettant de faire culture ».
La quatrième étape est celle qui nous a le plus accroché. Au cours d’une longue fresque graphique, depuis l’Égypte ancienne où la civilisation négro-africaine puise ses origines selon l’africaniste Cheikh Anta Diop jusqu’au rap protestataire des printemps arabes qui ont destitué les dictateurs, le visiteur peut tout à la fois découvrir les grands moments historiques et politiques (ancien empire du Mali, déportation, première révolte d’esclaves en Haïti, ségrégation raciale aux États-Unis…) qu’ont traversé les musiques noires et écouter les extraits musicaux qui viennent illustrer ces moments de la vie intellectuelle et artistique.
On y apprend, par exemple, que les chants gospels (littéralement « évangile ») afro-américains sont davantage tournés vers le Nouveau Testament que les negro-spirituals du XIXe siècle qui puisent dans les images de l’Ancien Testament. À partir des années 1940, aux États-Unis, plusieurs musiciens noirs américains se convertissent à l’islam, tels les jazzmen Yusef Lateef ou Art Blakey (Abdullah Ibn Buhaina).
L’art musical est bien souvent au service du message politique. Contre la ségrégation et le racisme, de nombreux jazzmen s’expriment musicalement, dont le bassiste et chef d’orchestre Charles Mingus (1922-1979). Alors qu’un attachement fort à Israël était présent à travers la figure de Moïse, considéré par certains africanistes comme un prophète noir, la guerre des Six Jours (1967) entre Israël et l’Égypte signe la rupture dans l’identification des Noirs avec le destin des Juifs. La guerre du Vietnam (1955-1975) a également drainé forte une mobilisation politique des artistes (Jimi Hendrix, Marvin Gaye…).
Les cinquième et sixième salles sont de nouveau l’occasion de visionner quantité de vidéos et d’écouter des extraits de concerts : salsa, jazz, rock, rap… (espace « Les Amériques noires ») jusqu’aux rythmes électroniques et la culture numérique qui s’incrustent désormais (« Global Mix »).
L’expo s’achève sur trois cabines de danse où l’on peut apprendre à danser pas à pas le chacha, la salsa, le disco et le hip-hop. Les apprenants sont filmés en direct, mais foin de la timidité : le délire est à se taper à plusieurs visiteurs et les fous rires sont garantis.
Great Black Music
Exposition du 11 mars au 24 août 2014
Cité de la Musique : 221, avenue Jean-Jaurès – Paris 19e
En savoir plus : www.greatblackmusic.fr
Exposition du 11 mars au 24 août 2014
Cité de la Musique : 221, avenue Jean-Jaurès – Paris 19e
En savoir plus : www.greatblackmusic.fr
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