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L'Europe se cadenasse... sauf pour les cerveaux

Rédigé par princevaillant@ymail.com | Jeudi 4 Juin 2009 à 09:01

           

La « forteresse » Europe s'est nettement renforcée depuis cinq ans. Seuls les migrants très qualifiés sont les bienvenus. Parallèlement, l'Europe fragilise l'économie africaine...



Combien y a-t-il d'immigrés clandestins, aujourd'hui, dans l'Union européenne ? Entre 4 et... 8 millions, selon le Parlement de Strasbourg. Combien passent chaque année entre les mailles du filet ? Quelque 500 000, selon l'Office européen de police. Combien meurent en mer ? Plusieurs milliers par an, de source humanitaire.

Dans cette tragédie moderne, l'Europe a mis en place, depuis cinq ans, une véritable politique répressive unitaire : c'est même l'une des principales « avancées » du dernier mandat.

« Directive de la honte »

Dès octobre 2004, l'Union sort une arme lourde : Frontex, un organisme chargé de mener des opérations communes aux frontières. À partir d'août 2006, Frontex mène bataille au large des Canaries. Pour aider les Espagnols, les Portugais fournissent une corvette, les Italiens un avion et un patrouilleur... Des centres de rétention sont ouverts au Maroc et en Mauritanie. De 31 000 en 2006, les migrants arrivant aux Canaries ne sont plus que 17 000 en 2007 et 9 000 en 2008.

Les cayucos, les barques, partent désormais de plus loin, jusque de Dakar parfois, avec des risques décuplés. Bien des migrants, surtout, viennent en Libye grossir le flot des clandestins cherchant à joindre l'île de Lampedusa. Des centaines en meurent : 200, encore, le 29 mars dernier. L'Europe regrette cette hécatombe... et continue de renforcer ses défenses, créant en 2007 un fonds spécial d'1,8 milliard d'euros sur cinq ans.

2008 est carrément une année-phare. En juin, le Parlement, qui participe depuis trois ans aux décisions sur le sujet, adopte par 369 voix pour, 197 contre et 106 abstentions, une « directive retour » qualifée de « directive de la honte » par les défenseurs des migrants. Le clandestin arrêté peut rester jusqu'à dix-huit mois en centre de rétention (32 jours en France) et ne plus pouvoir revenir en Europe durant cinq ans.

Rideau de fer

Plus important encore : en octobre, la France de Nicolas Sarkozy obtient le plus net succès de ses six mois de présidence européenne. Les vingt-sept pays signent le Pacte européen sur l'immigration et l'asile. Fin des régularisations massives, sanctions contre les employeurs, renforcement de Frontex, lancement des visas biométriques en janvier 2012, et un credo : « l'immigration choisie ».

Quitte à être accusée de piller les cerveaux du Sud, l'Europe veut attirer les seuls migrants hautement qualifiés auxquels elle délivrera une carte bleue sur le modèle de la carte verte américaine.

Sur le flanc est, les ex-pays communistes entrés dans l'Union en 2004 ont rejoint dès la fin 2007 l'espace Schengen où l'on peut circuler librement.

Bien entendu, l'Europe leur a imposé de monter des murailles. Les visas ont chuté de moitié et l'amertume, voire la colère, est grande. Celle des Ukrainiens par exemple, à la frontière polonaise. « Cela ressemble à la création d'un nouveau Rideau de fer » accuse, le 11 mai, dans le journal Gazeta Wyborcza, la fondation polonaise Batory, qui oeuvre au rapprochement des peuples.

Une chose est sûre : cette politique a de grosses limites. L'économie recrute surtout des migrants non qualifiés comme l'a montré la grève des clandestins survenue en France en 2008. L'Europe des Vingt-Sept, qui vieillit, a besoin de quarante millions d'immigrés d'ici 2050 selon des experts. Et puis, elle crée elle-même des clandestins en creusant le fossé économique où s'enfonce l'Afrique, son agriculture, son coton, sa pêche... L'Europe bataille en effet pour que les pays dits ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique, 750 millions d'habitants) signent des « Accords de partenariat économique », en clair s'ouvrent davantage aux produits européens en partie subventionnés. Depuis 2007, ils résistent...


Auteur : Michel ROUGER - mardi 2 juin 2009
Source : Ouest France




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