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Points de vue

L'islamophobie de Nicolas Sarkozy

Rédigé par Amara BAMBA | Lundi 26 Novembre 2007 à 22:27

           

Le Président de la République serait islamophobe. Info ou intox ? Le quotidien Libération a jeté un galet dans la mare tranquille de l'islamophobie française. Un billet de Jean Quatremer, son correspondant auprès de l'Union Européenne, a créé la polémique. Mais curieusement, l'information en question apparaît d'abord sur le blog de Jean Quatremer, un petit bijou de la blogosphère, avant d'être reprise par Libé.



Ce qui s'est passé


L'affaire commence le 21 septembre. Nicolas Sarkozy reçoit Bertie Ahern, Premier ministre irlandais, pour préparer le sommet de Lisbonne (18-19 octobre). Puis le 3 octobre, le Président de la République reçoit le Premier ministre suédois, Fredrik Reinfeldt, pour les mêmes raisons. Jusque là, il s'agit d'entretiens entre hommes d'Etats européens pour traiter des questions de l'Union.

Jean Quatremer a laissé traîner ses oreilles dans les coulisses de l'UE. Quelque membre de l'une des délégations (suédoise ou irlandaise) a fini par lui rapporter que le Président de la République française s'est livré à une violente diatribe contre « le trop grand nombre des musulmans en Europe ».

De la Turquie dans l'Europe, Sarkozy n'en veut point. C'est une chose connue. Pour faire avancer sa ligne, le Président français doit convaincre ses pairs. Et l'on entend qu'il profite de ces rencontres à huis-clos pour s'ouvrir à eux.

Le confrère de Libé mène son enquête, croise ses sources et assoit sa conviction. Il décide de publier son information le mercredi 14 novembre. Mais trop tard, dit-il, l'édition du journal était bouclée. Pour se réserver la primeur du scoop, il lâche sa proie sur son blog sous le titre de « Sarkozy et les musulmans ». La réaction est immédiate. Le billet a reçu plus de trois cents posts.

Le buzz est tel que M. Quatremer revient sur son info dans Libé du 19 novembre. Il fait état de menaces et insultes qui lui sont adressées. Interrogé par l'Express il explique que le public ne comprend plus la méthode de travail des journalistes. Il publie alors un texte très intéressant sous le titre de « comment se fait l'information ».

Sarkozy et les musulmans, côté pile


Pour le musulman de France, les propos islamophobes attribués à notre Président sont une demi-surprise. Car la relation de Sarkozy avec les musulmans est à double face.

Du côté pile, l'on se souvient du ministre de l'Intérieur qui, le 19 avril 2003, à la tribune du congrès annuel de l'Union des organisations islamiques en France (UOIF) affirmait: « je suis venu ici en ami ». Un ministre de l'Intérieur au congrès de l'UOIF, ce fut une grande première. Car l'UOIF est taxée d'une réputation propre à effrayer de pieux musulmans. Sarkozy n'avait pas reculé pour autant. Plus tard, dans l'Express, il parlera de ce rendez-vous où il a pourtant été sifflé comme « l'un des plus grands moments de ma vie politique. »

L'on se souvient aussi du ministre Sarkozy, faisant des mains et des pieds pour doter les musulmans de France d'une organisation qui soit représentative de leur diversité. Malgré les refus, les démissions, le Conseil français du culte musulman (CFCM) a vu le jour. A son assemblée constituante, le 3 mai 2003, l'on se souvient d'un Sarkozy radieux déclarant « la fin de l'islam des caves et des garages ».

La même année, en pleine passion du « voile à l'école », le musulman de France se souvient des propos mesurés du ministre Sarkozy, expliquant à mi-voix qu'il était inutile de légiférer sur le voile à l'école. Une position courageuse dans le contexte d'islamophobie médiatique de l'époque. Il optait pour une meilleure application de la circulaire du Conseil d'Etat.

Sarkozy: l'islam et la République


Dans son livre d'entretiens avec Thibaud Collin et Phillippe Verdun, « La République, les religions, l'espérance » (Edition Cerf, 2004), l'on peut lire en page 60, la réponse de Nicolas Sarkozy à la question : L'islam est-il incompatible avec la République ?

« Il n'y a rien que je trouve plus irresponsable que la question posée par quelques-uns, avec l'arrogance propre à certains cercles d'experts: « l'islam est-il compatible avec la République? » Poser ainsi la question, c'est accepter l'idée que l'on puisse dire « non ». [...]
Or affirmer que l'islam n'est pas compatible avec les valeurs de la République, je pose la question à mon tour: « Doit-on expulser les cinq millions de musulmans qui vivent en France? » Ce projet est moralement inacceptable et techniquement irréalisable!
« Doit-on les convertir ? » Sans doute au nom de la liberté de penser ! Et les convertir à quoi ? Ce projet serait directement contraire à la liberté de conscience que la République protège avec constance.
« Doit-on les empêcher de croire? » Au nom sans doute de la liberté individuelle ! Qui ne voit pas la contradiction avec nos principes républicains, par ailleurs invoqués avec force? Les valeurs républicaines sont valables aussi quand il s'agit de défendre les droits des musulmans.
Quand Michèle Tribalat (ndr, démographe, auteur de « La République et l'islam. Entre crainte et aveuglement »; édition Gallimard, 2002) doute de la compatibilité de l'islam avec les valeurs de la République, elle fait part d'un point de vue qui ressemble à une forme de racisme, ni plus ni moins. Elle postule que, chez les musulmans, la foi et la pratique religieuse sont des actes dangereux pour la République. A mon tour de souligner et de m'étonner que l'on demande davantage aux musulmans qu'aux autres. Les musulmans ne sont pas au-dessus des lois, c'est vrai, mais prenons garde à ce qu'ils ne soient pas non plus en dessous! »

Cherchez de l'islamophobie !
Non, le Sarkozy côté pile n'a pas peur de l'islam. Il est même celui qui porte la très impopulaire idée de « discrimination positive » visant à briser le plafond de verre qui limite certaines catégories de citoyens qui n'ont pas la bonne couleur ou la bonne religion. Devenu Président de ma République, il nomme une Ramatoulaye, une Fadela et une Rachida en même temps. Personne n'avait prévu le coup, personne n'avait été aussi loin; islamophiles et islamophobes confondus.

Sarkozy et les musulmans, côté face


Côté face de M. Sarkozy, le musulman de France se souvient d'un Nicolas Sarkozy, face à Harlem Désir, en 1989. La première affaire du voile battait son plein. A l'époque, Nicolas Sarkozy soutenait l'interdiction du voile à l'école. Il y a aussi un ministre Sarkozy, ministre de la République française qui, le 30 décembre 2003, profite de ses vacances pour aller se faire prescrire une Fatwa sur mesure auprès du Cheikh Tantaoui, le Cairote, l'Egyptien d'Egypte, formé en Egypte et vivant en Egypte pour que vive l'islam de France; puisque M. Sarkozy rejette l'idée d'un « islam en France » et se prononce depuis longtemps pour un « islam de France ».

Le musulman de France se souvient de Sarkozy, ministre de l'Intérieur en fonction, faisant fi de son devoir de réserve pour sortir sa plume et prendre le parti de Charlie-Hebdo traduit en justice par des organisations musulmanes pour avoir recopié des caricatures d'un journal danois. Au diable l'impartialité ! Et comment oublier, le candidat Sarkozy du « mouton dans la baignoire »?

Sarkozy islamophobe ou Sarkozy islamophile ? Vu l'état de l'islam de France, c'est bonnet blanc, blanc bonnet. Car le musulman de France se souvient que Jacques Chirac n'était pas islamophobe, pourtant il a passé commande d'une loi antifoulard et proposé une discrète petite main de Fatma au cou pour remplacer l'affreux fichu sur le crâne ! Dans le genre «je suis mal conseillé sur l'islam», ce n'était vraiment pas mieux.





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