Larbi Benchetouya, responsable du service des dons du Secours Islamique France
Le 19 mai dernier, les Nations Unies avaient lancé un appel de fonds d’un
montant de 16 millions de dollars pour venir en aide à 3,6 millions de
personnes touchées par la crise. Cependant, “la réponse tardive des
donateurs aux appels des Nations Unies a eu pour conséquence d’aggraver
cette crise, entraînant une spectaculaire augmentation des coûts” avait
estimé James Morris, directeur du Programme Alimentaire Mondial (PAM) le 3
août dernier.
Désertification accélérée, sécheresse prolongée et invasions répétées de
criquets pèlerins ont entraîné des mauvaises récoltes et provoqué cette
crise alimentaire.
Larbi Benchetouya, le responsable du service des dons du Secours Islamique
France, s’est rendu sur place. Il a accepté de répondre à quelques questions.
P.H. : Quelles ont été vos missions?
L.B. : Mes missions ont été d’installer en priorité un bureau et les
infrastructures nécessaires à l’installation d’une équipe permanente.
D’autre part, je devais déterminer le degré d’urgence de la situation. Dans
un premier temps, je suis allé à la rencontre des responsables des autres
ONG pour évaluer l’aide déjà apportée et coordonner nos actions afin d’agir
de concert face à cette crise. Mon travail d’observation et d’évaluation
était très délicat car je devais être discret. Il ne fallait pas heurter les
populations locales. Je devais aller à leur rencontre afin d’estimer leur
manque tout en ne leur faisant pas sentir que j’étais là dans le but de
faire un état des lieux de leur “pauvreté”. Car malgré leur détresse, ils
n’ont jamais perdu leur noblesse d’âme ni leur dignité.
P.H. : Selon vous, les efforts fournis par l’ensemble des acteurs
internationaux permettront-ils d’aider le Niger à sortir de cette crise?
L.B. : Actuellement, il est clair que non. A l’issue de cette mission, j’ai
une vision plus précise de l’état d’urgence de la situation. Et une chose
est sûre : entre promesses de dons non tenues et retard dans celles tenues,
la situation ne cesse de s’aggraver. Plus vite l’aide internationale sera
disponible, plus les chances du Niger de sortir de cette crise seront
élevées. Il est dommage que toutes les crises ne suscitent pas le même
intérêt que celle du tsunami. Nous pensions, parmi les professionnels de
l’humanitaire, que la crise du tsunami allait peut-être changer le regard
des société civiles sur l’importance du travail humanitaire et surtout leur
faire prendre conscience des besoins nécessaires pour subvenir à des
populations en détresse. Cependant, elle a surtout révélé la capacité des
médias à pouvoir concentrer l’attention et porter l’intérêt sur un évènement
bien précis à l’instant “t”. Aujourd’hui, les efforts que nous pourrons
fournir, et ceux malgré le nombre d’ONG présentes au Niger, ne permettront
pas à l’ensemble de la population touchée par la famine de sortir de cette
crise.
P.H. : Quelles ont été vos impressions en arrivant sur place ?
L.B. : Une impression de désarroi. Lors de mes déplacements dans les rues de
la capitale, je voyais toujours les mêmes images. L’insalubrité des rues et
la pauvreté des familles nigériennes m’ont laissé sans voix. Je travaille
dans l’humanitaire depuis 1997, et cette mission au Niger n’était pas ma
première mission, mais elle fut de loin la plus éprouvante. Se retrouver
face à tous ces enfants, ces femmes et ces hommes démunis et qui espèrent
tellement que les puissants de ce monde s’intéressent enfin à leur sort,
vous renvoie violemment à votre responsabilité en tant que citoyen de ce
monde.
La famine qui sévit actuellement au Niger était annoncée par l’ONU depuis la
fin de l’année 2004 et c’est seulement depuis deux ou trois mois que les
gens ont commencé à réagir. Nous ne pouvons rester indifférents face au sort
de toutes ces personnes et il est de notre devoir d’interpeller les sociétés
civiles et de témoigner de la réalité de la situation.
Ce voyage, notamment mes rencontres, m’ont bouleversé. Mes premières
impressions étaient celles d’un professionnel de l’humanitaire cherchant
sans cesse à quantifier les besoins et les nécessités. Mes dernières
impressions étaient celles d’un homme humble quant à sa capacité d’action,
juste celles d’un homme qui finalement ne pouvait donner à son périple un
autre sens que celui du témoignage. En effet, la chose la plus efficace que
je puisse accomplir aujourd’hui pour venir en aide à ces hommes et femmes
qui m’ont accueillis, certes modestement mais toujours généreusement, est de
témoigner de leur force, de leur courage et de leur détermination face à
cette terrible épreuve qu’est la famine.
montant de 16 millions de dollars pour venir en aide à 3,6 millions de
personnes touchées par la crise. Cependant, “la réponse tardive des
donateurs aux appels des Nations Unies a eu pour conséquence d’aggraver
cette crise, entraînant une spectaculaire augmentation des coûts” avait
estimé James Morris, directeur du Programme Alimentaire Mondial (PAM) le 3
août dernier.
Désertification accélérée, sécheresse prolongée et invasions répétées de
criquets pèlerins ont entraîné des mauvaises récoltes et provoqué cette
crise alimentaire.
Larbi Benchetouya, le responsable du service des dons du Secours Islamique
France, s’est rendu sur place. Il a accepté de répondre à quelques questions.
P.H. : Quelles ont été vos missions?
L.B. : Mes missions ont été d’installer en priorité un bureau et les
infrastructures nécessaires à l’installation d’une équipe permanente.
D’autre part, je devais déterminer le degré d’urgence de la situation. Dans
un premier temps, je suis allé à la rencontre des responsables des autres
ONG pour évaluer l’aide déjà apportée et coordonner nos actions afin d’agir
de concert face à cette crise. Mon travail d’observation et d’évaluation
était très délicat car je devais être discret. Il ne fallait pas heurter les
populations locales. Je devais aller à leur rencontre afin d’estimer leur
manque tout en ne leur faisant pas sentir que j’étais là dans le but de
faire un état des lieux de leur “pauvreté”. Car malgré leur détresse, ils
n’ont jamais perdu leur noblesse d’âme ni leur dignité.
P.H. : Selon vous, les efforts fournis par l’ensemble des acteurs
internationaux permettront-ils d’aider le Niger à sortir de cette crise?
L.B. : Actuellement, il est clair que non. A l’issue de cette mission, j’ai
une vision plus précise de l’état d’urgence de la situation. Et une chose
est sûre : entre promesses de dons non tenues et retard dans celles tenues,
la situation ne cesse de s’aggraver. Plus vite l’aide internationale sera
disponible, plus les chances du Niger de sortir de cette crise seront
élevées. Il est dommage que toutes les crises ne suscitent pas le même
intérêt que celle du tsunami. Nous pensions, parmi les professionnels de
l’humanitaire, que la crise du tsunami allait peut-être changer le regard
des société civiles sur l’importance du travail humanitaire et surtout leur
faire prendre conscience des besoins nécessaires pour subvenir à des
populations en détresse. Cependant, elle a surtout révélé la capacité des
médias à pouvoir concentrer l’attention et porter l’intérêt sur un évènement
bien précis à l’instant “t”. Aujourd’hui, les efforts que nous pourrons
fournir, et ceux malgré le nombre d’ONG présentes au Niger, ne permettront
pas à l’ensemble de la population touchée par la famine de sortir de cette
crise.
P.H. : Quelles ont été vos impressions en arrivant sur place ?
L.B. : Une impression de désarroi. Lors de mes déplacements dans les rues de
la capitale, je voyais toujours les mêmes images. L’insalubrité des rues et
la pauvreté des familles nigériennes m’ont laissé sans voix. Je travaille
dans l’humanitaire depuis 1997, et cette mission au Niger n’était pas ma
première mission, mais elle fut de loin la plus éprouvante. Se retrouver
face à tous ces enfants, ces femmes et ces hommes démunis et qui espèrent
tellement que les puissants de ce monde s’intéressent enfin à leur sort,
vous renvoie violemment à votre responsabilité en tant que citoyen de ce
monde.
La famine qui sévit actuellement au Niger était annoncée par l’ONU depuis la
fin de l’année 2004 et c’est seulement depuis deux ou trois mois que les
gens ont commencé à réagir. Nous ne pouvons rester indifférents face au sort
de toutes ces personnes et il est de notre devoir d’interpeller les sociétés
civiles et de témoigner de la réalité de la situation.
Ce voyage, notamment mes rencontres, m’ont bouleversé. Mes premières
impressions étaient celles d’un professionnel de l’humanitaire cherchant
sans cesse à quantifier les besoins et les nécessités. Mes dernières
impressions étaient celles d’un homme humble quant à sa capacité d’action,
juste celles d’un homme qui finalement ne pouvait donner à son périple un
autre sens que celui du témoignage. En effet, la chose la plus efficace que
je puisse accomplir aujourd’hui pour venir en aide à ces hommes et femmes
qui m’ont accueillis, certes modestement mais toujours généreusement, est de
témoigner de leur force, de leur courage et de leur détermination face à
cette terrible épreuve qu’est la famine.