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Cinéma, DVD

« Mon fils » : pas facile d’être Arabe en Israël

Rédigé par | Mercredi 11 Février 2015 à 09:35

           


Pour Eran Riklis, réalisateur de « Mon fils », « Israël est un pays à la fois généreux et hostile, ouvert et craintif, accueillant et indifférent à l'égard de sa minorité arabe ». (Photo : © Pyramide Distribution)
Pour Eran Riklis, réalisateur de « Mon fils », « Israël est un pays à la fois généreux et hostile, ouvert et craintif, accueillant et indifférent à l'égard de sa minorité arabe ». (Photo : © Pyramide Distribution)
Inspiré de deux romans, Les Arabes dansent aussi et La Deuxième Personne, de Sayed Kashua, Arabe israélien né en 1975 dans un village de Galilée, le film Mon fils (Dancing Arabs) narre l’adolescence et l’entrée à l’âge adulte du jeune Iyad.

Salah, le père d'Iyad, est un ancien activiste que deux ans d'emprisonnement et un an de résidence surveillée ont tôt fait de lui faire cesser son cursus universitaire dans sa prime jeunesse et de le faire devenir simple cueilleur de fruits. Lui qui, en 1969, à 21 ans, espérait encore défendre un Etat palestinien, n'espère plus que juste « vivre dignement » et voit en son fils prodige Iyad l'espoir de sa vie.

Le film débute comme une comédie légère dans la famille d’Iyad, habitant une ville arabe d’Israël, où Iyad est entouré de toute l'affection de sa fratrie et en particulier celle de sa grand-mère : « Promets-moi, quand on viendra me laver à ma mort, que l'on mettra mon linceul de La Mecque et mes clés ». Les clés de la maison que toute famille palestinienne garde dans l'espoir vain de retrouver un jour leurs biens dont ils ont été expulsés...

Le film prend ensuite des allures plus dramatiques lorsque Iyad, adolescent surdoué, entre dans un internat juif prestigieux de Jérusalem, en étant le premier et le seul Arabe à y être admis. Iyad se rend bien vite compte qu'il n'est pas un élève comme les autres et joue le jeu de bien répéter les cours d'histoire selon les programmes officiels israéliens... Jusqu'à atteindre, les années passant, la maturité nécessaire pour pouvoir se permettre, en plein cours, de critiquer la littérature israélienne imbibée du fantasme de l'« Arabe vil ».

Avec en arrière-fond géopolitique la guerre du Liban en 1982 et la guerre du Golfe en 1991, Mon fils pointe la place des minorités arabes dans l’État hébreu : « Une minorité de 6 millions de personnes qui représentent 20 % de la population, mais dont le cinéma n’a encore presque jamais parlé », souligne le réalisateur Eran Riklis. Par petites touches, le cinéaste traite aussi de l’insoluble problématique de l’identité individuelle (qu’est-ce qu’être juif ? israélien ? musulman ? palestinien ?). Par là, il achève son film sur une vision pessimiste – mais sans doute fort réaliste – de l'intégration de la minorité arabe – composée de descendants de Palestiniens restés sur leurs terres après 1948 – dans la société israélienne.

Aussi, Sayed Kashua, dont l'histoire a inspiré le film d’Eran Riklis et qui en est le scénariste, a quitté définitivement Israël avec sa famille pour s'installer aux Etats-Unis à l’été 2014, déclarant à la presse qu’il ne lui était plus possible de vivre dans une société qui « ne reconnaît pas à l’Arabe le droit de vivre ». « Vingt-cinq ans pendant lesquels je n’ai pas eu beaucoup de raisons d’être optimiste mais j’ai continué à croire que c’était encore possible que, un jour, ce lieu où vivent des juifs et des Arabes puisse connaître une histoire qui ne nie pas l’histoire de l’autre. Qu’un jour les Israéliens cessent de nier la Nakba, l’occupation, et qu’ils cessent de fermer les yeux devant la souffrance du peuple palestinien. (…) Vingt-cinq ans que j’écris en hébreu, et rien n’a changé », avait-il signifié dans une tribune écrite après la vague de violences anti-palestiniennes qui avait suivi l’assassinat de trois colons fin juin.

Si Mon fils n’égale pas la force narrative et l’émotion bouleversante des Citronniers (2008), il est traversé par des personnages admirablement bien campés par Tawfeek Barhom (Iyad), Michael Moshonov (Yonatan, l’ami juif, rebelle, atteint d’une maladie héréditaire), Yaël Abecassis (superbe Edna, mère de Yonatan qui prend sous son aile Iyad) et Ali Suliman (Salah, le père), acteur fétiche d’Eran Riklis.


Mon fils (Dancing Arabs), film d'Eran Riklis (Israël, 2014, 1 h 44)
Avec Tawfeek Barhom, Yaël Abecassis, Michael Moshonov...
En salles le 11 février.

Piazza Grande au festival de Locarno 2014, Grand Prix au festival de Bastia 2014, Prix du public aux Rencontres de Cannes 2014.



Journaliste à Saphirnews.com ; rédactrice en chef de Salamnews En savoir plus sur cet auteur


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