Travailler dans une crèche en portant le voile
Rédigé par Dounia Bouzar le
Samedi 13 Novembre 2010
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Vous souhaitez travailler dans une crèche privée, du même type que celle de Baby Loup, alors que vous portez le foulard. Est-ce possible dans l’état du droit actuel ?
QUE DIT LA LOI ?
Dans une entreprise qui relève du droit privé, la liberté de convictions, dont fait partie la liberté de religion, est le principe général. Le principe de neutralité ne s’applique qu’aux services qui représentent l’État et qui sont de service public.
C’est pour cette raison que les convictions religieuses, vraies ou supposées, font partie des 18 motifs de discriminations punis par le Code pénal (225-1 à 225-4) et le Code du travail (L.1132-1). C’est aussi pour cela qu’un règlement intérieur ne peut comporter de dispositions discriminant les salariés « dans leur emploi ou leur travail, à capacité professionnelle égale en raison (…) de leurs convictions religieuses » (L.1321-3).
Étant donné que la liberté de conviction est un droit fondamental, le Code du travail précise qu’il est interdit d’« apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché » (L. 1121-1). Autrement dit, chaque cas doit être étudié selon la mission du salarié et son contexte : aucune interdiction ne peut être générale et absolue.
En revanche, cette liberté de conviction peut être réduite si elle entrave : les règles de sécurité et d’hygiène, la liberté de conviction des autres (autrement dit, faire du prosélytisme), l’organisation nécessaire à la mission, les aptitudes professionnelles nécessaires à la mission, et les impératifs commerciaux liés à l’intérêt de l’entreprise (encore faut-il que l’employeur prouve le lien de cause à effet).
Enfin, en ce qui concerne les associations qui s’occupent des mineurs, le Code de l’action sociale et des familles stipule clairement que « le projet éducatif définit les objectifs de l’action éducative ».
Dans une entreprise qui relève du droit privé, la liberté de convictions, dont fait partie la liberté de religion, est le principe général. Le principe de neutralité ne s’applique qu’aux services qui représentent l’État et qui sont de service public.
C’est pour cette raison que les convictions religieuses, vraies ou supposées, font partie des 18 motifs de discriminations punis par le Code pénal (225-1 à 225-4) et le Code du travail (L.1132-1). C’est aussi pour cela qu’un règlement intérieur ne peut comporter de dispositions discriminant les salariés « dans leur emploi ou leur travail, à capacité professionnelle égale en raison (…) de leurs convictions religieuses » (L.1321-3).
Étant donné que la liberté de conviction est un droit fondamental, le Code du travail précise qu’il est interdit d’« apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché » (L. 1121-1). Autrement dit, chaque cas doit être étudié selon la mission du salarié et son contexte : aucune interdiction ne peut être générale et absolue.
En revanche, cette liberté de conviction peut être réduite si elle entrave : les règles de sécurité et d’hygiène, la liberté de conviction des autres (autrement dit, faire du prosélytisme), l’organisation nécessaire à la mission, les aptitudes professionnelles nécessaires à la mission, et les impératifs commerciaux liés à l’intérêt de l’entreprise (encore faut-il que l’employeur prouve le lien de cause à effet).
Enfin, en ce qui concerne les associations qui s’occupent des mineurs, le Code de l’action sociale et des familles stipule clairement que « le projet éducatif définit les objectifs de l’action éducative ».
ÉLÉMENTS DU DÉBAT
La crèche privée ne peut pas licencier sa salariée voilée au motif que son règlement intérieur interdit les signes religieux, puisque ce dernier est illégal, dans la mesure où il pose une interdiction générale et absolue.
La crèche ne peut pas licencier sa salariée voilée au motif que cette dernière fait du prosélytisme puisque le Conseil d’État a reconnu que « le seul port du foulard ne constitue pas, par lui-même, en l’absence de toute autre circonstance, un acte de pression ou de prosélytisme » (Conseil d’État, 27 novembre 1996, Jeouit).
En revanche, dans le respect du droit, la bonne question de la crèche aurait pu être : est-ce que le « signe convictionnel » de la salariée entrave ses aptitudes à sa mission ?
Là, plusieurs éléments entrent en compte :
• le rôle exact de la salariée auprès des enfants : la réponse peut être différente s’il s’agit de la femme de ménage de passage, de la directrice occupée à l’administration (ce qui est le cas pour Baby Loup) ou d’une puéricultrice… ;
• le projet pédagogique de la crèche : s’agit-il d’une crèche confessionnelle, quelles valeurs le personnel s’engage-t-il à transmettre ?
• le « look » de la salariée : porter un foulard de couleur assorti à ses vêtements renvoie une image différente à des petits enfants que porter systématiquement un grand foulard noir…
La crèche privée ne peut pas licencier sa salariée voilée au motif que son règlement intérieur interdit les signes religieux, puisque ce dernier est illégal, dans la mesure où il pose une interdiction générale et absolue.
La crèche ne peut pas licencier sa salariée voilée au motif que cette dernière fait du prosélytisme puisque le Conseil d’État a reconnu que « le seul port du foulard ne constitue pas, par lui-même, en l’absence de toute autre circonstance, un acte de pression ou de prosélytisme » (Conseil d’État, 27 novembre 1996, Jeouit).
En revanche, dans le respect du droit, la bonne question de la crèche aurait pu être : est-ce que le « signe convictionnel » de la salariée entrave ses aptitudes à sa mission ?
Là, plusieurs éléments entrent en compte :
• le rôle exact de la salariée auprès des enfants : la réponse peut être différente s’il s’agit de la femme de ménage de passage, de la directrice occupée à l’administration (ce qui est le cas pour Baby Loup) ou d’une puéricultrice… ;
• le projet pédagogique de la crèche : s’agit-il d’une crèche confessionnelle, quelles valeurs le personnel s’engage-t-il à transmettre ?
• le « look » de la salariée : porter un foulard de couleur assorti à ses vêtements renvoie une image différente à des petits enfants que porter systématiquement un grand foulard noir…
QUE FAIRE SI VOUS SOUHAITEZ TRAVAILLER DANS UNE CRÈCHE SIMILAIRE ?
Pour les professionnels de la jeunesse fonctionnaires, on leur demande de ne pas afficher leurs convictions religieuses, philosophiques ou politiques, parce que, du point de vue de l'Histoire de France, on craint que l’usager reproche au service public de « faire des préférences ».
Pour les professionnels de la jeunesse non fonctionnaires, aucun texte n’exige leur neutralité.
Cependant, de nombreux projets éducatifs rappellent que la prise en charge d’enfants consiste notamment à leur transmettre les principes fondamentaux du vivre-ensemble, à leur apprendre à se forger une opinion propre et à les ouvrir à toutes les visions du monde. C’est ainsi que, pour exercer cette mission, de nombreuses structures s’appuient sur leur projet pédagogique pour demander une « certaine neutralité » à leurs salariés, de façon à ne pas influencer la conscience des enfants, ce qui est légal puisque cette exigence est liée aux aptitudes nécessaires à la mission de socialisation.
Mais « certaine neutralité » ne signifie pas, de notre point de vue, « montrer ses cheveux ».
Une animatrice peut être voilée (en couleur…) et transmettre des valeurs de laïcité et de « bien vivre ensemble » aux enfants dont elle a la charge.
Et une autre peut avoir les « cheveux aux vents » et ne pas être laïque : autrement dit, imposer sa propre vision du monde aux enfants…
Car être laïque, c’est avant tout accepter l’idée que l’on respecte toutes les visions du monde.
Dans une entreprise privée liée à la jeunesse, le débat ne porte donc pas sur « voilée ou pas voilée », mais bien sur la volonté de transmettre auprès des enfants le message que « toutes les visions du monde sont égales » et qu’ils ont le droit, progressivement, de choisir librement leurs propres références.
Pour les professionnels de la jeunesse fonctionnaires, on leur demande de ne pas afficher leurs convictions religieuses, philosophiques ou politiques, parce que, du point de vue de l'Histoire de France, on craint que l’usager reproche au service public de « faire des préférences ».
Pour les professionnels de la jeunesse non fonctionnaires, aucun texte n’exige leur neutralité.
Cependant, de nombreux projets éducatifs rappellent que la prise en charge d’enfants consiste notamment à leur transmettre les principes fondamentaux du vivre-ensemble, à leur apprendre à se forger une opinion propre et à les ouvrir à toutes les visions du monde. C’est ainsi que, pour exercer cette mission, de nombreuses structures s’appuient sur leur projet pédagogique pour demander une « certaine neutralité » à leurs salariés, de façon à ne pas influencer la conscience des enfants, ce qui est légal puisque cette exigence est liée aux aptitudes nécessaires à la mission de socialisation.
Mais « certaine neutralité » ne signifie pas, de notre point de vue, « montrer ses cheveux ».
Une animatrice peut être voilée (en couleur…) et transmettre des valeurs de laïcité et de « bien vivre ensemble » aux enfants dont elle a la charge.
Et une autre peut avoir les « cheveux aux vents » et ne pas être laïque : autrement dit, imposer sa propre vision du monde aux enfants…
Car être laïque, c’est avant tout accepter l’idée que l’on respecte toutes les visions du monde.
Dans une entreprise privée liée à la jeunesse, le débat ne porte donc pas sur « voilée ou pas voilée », mais bien sur la volonté de transmettre auprès des enfants le message que « toutes les visions du monde sont égales » et qu’ils ont le droit, progressivement, de choisir librement leurs propres références.
Ma foi, le droit et moi, c'est quoi ?
Dounia Bouzar
Vous avez vécu une situation de discrimination liée à votre religion dite « minoritaire » (protestante, bouddhiste, juive, sikh, musulmane…), et souhaitez poser une question sur vos droits et devoirs ? N’hésitez pas à proposer votre cas.
Ancienne éducatrice, docteur en anthropologie, expert européen sur les discriminations, Dounia Bouzar est l’auteure de plusieurs ouvrages liés à des enquêtes de terrain s’intéressant aux musulmans.
Dernière parution : Laïcité, mode d’emploi (Éd. Eyrolles, 2010), explicitant les repères légaux, historiques et psychologiques qui permettent de gérer la diversité religieuse et de mettre en œuvre le principe de laïcité dans les services publics et les entreprises.
Pour Saphirnews, Dounia Bouzar reprend ces situations tirées de son ouvrage, mais ici du point de vue de l’usager ou du salarié.
Alors, n’hésitez pas à la contacter, elle répondra à vos questions (anonymat préservé) :
Ancienne éducatrice, docteur en anthropologie, expert européen sur les discriminations, Dounia Bouzar est l’auteure de plusieurs ouvrages liés à des enquêtes de terrain s’intéressant aux musulmans.
Dernière parution : Laïcité, mode d’emploi (Éd. Eyrolles, 2010), explicitant les repères légaux, historiques et psychologiques qui permettent de gérer la diversité religieuse et de mettre en œuvre le principe de laïcité dans les services publics et les entreprises.
Pour Saphirnews, Dounia Bouzar reprend ces situations tirées de son ouvrage, mais ici du point de vue de l’usager ou du salarié.
Alors, n’hésitez pas à la contacter, elle répondra à vos questions (anonymat préservé) :
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