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Charlie Hebdo : « Non, les élèves de Seine-Saint-Denis ne sont pas pour les attentats »
Dans le val d'oise, à Villiers le bel
Je viens de terminer ma journée de travail qui a débuté à 8h30 et s'est terminé à 19h30, 12 heures de travail dans un collège en banlieue dit difficile, en territoires perdus de la République : ghettoïsation, misère sociale, misère culturelle. Misère tout court.
Je n'ai pas eu la possibilité de faire la minute de silence avec mes élèves, à midi ils étaient avec le professeur de sport qui s'est occupé de cet instant. Il m'a ensuite fait un retour. Les élèves avaient besoin de parler. Je les reprends à 14h mais pour une courte durée, je n'ai pas la possibilité de faire cours car je dois rapidement monter une exposition qui vient d'arriver.
J'accueille les élèves je leur demande de faire silence, tâche très ardue. Je leur dit je dois vous laisser dans 15 minutes (« oh non Madame, pourquoi vous partez ??? » ), je voudrais juste parler avec vous rapidement de ce qui s'est passé hier. Silence religieux dans la salle. Je présente mon point de vue en rappelant les faits et j'insiste sur quelques évidences : le refus de l'incitation à la haine raciale et religieuse, le droit à la vie en dépit de tous les erreurs que l'on peut commettre dans une vie car l'homme est perfectible, le refus de la violence, le respect absolu de toutes les religions qui constituent le patrimoine de l'humanité, le respect des individus car chaque personne sur la planète est une personne unique et en soi un miracle. Seul un idiot peut déchirer un livre : on est des êtres doués de raison on a besoin de lire.
On est dans un beau pays, ce pays est le vôtre et il faut en prendre soin, ne laissez personne le détruire. Nous avons une chance incroyable d'être dans un contexte multiculturel et je peux si je le souhaite en allant à Paris chercher n'importe quelle spécialité culinaire et la trouver qu'elle soit haïtienne, de Cayenne ou d'Asie.
Si tout ce la n'est pas important et que l'on peut tout faire, alors que l'on ne me demande pas de réguler ma classe et d'éduquer les élèves vers un meilleur comportement.
En montant en cours, un élève anxieux, avec un brin de provocation me dit « Madame moi je vais devenir islamiste, ils ont déchiré le Coran sur une place à Paris » Je lui réponds (car dans mon collège une bonne partie de mon travail consiste à accompagner les élèves dans leur parcours d'orientation) : « Islamiste ? Mais non il n'y a pas de débouchés, on manque cruellement de républicains dans ce pays » Sourire amusé de mon élève.
Plutôt dans la matinée, un élève était venue me voir pour son orientation mais surtout pour se libérer de son angoisse, elle est bouleversée par ce qui vient d'arriver. « Madame, franchement, je suis contente de pouvoir vous parler, vous êtes une des rares profs à vous préoccuper de nous, c'est rare, je voulais vous le dire ». Je suis émue, mon devoir de réserve vis-à-vis de la laïcité m'empêche de lui dire que je puise cette infatigable bienveillance de l'islam ma religion.
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