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Dati et Sarkozy en visite au Maroc

 bellakhdim
Lundi 22 Octobre 2007

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endredi 24 août 2007

La justice française lui donne raison, pas la justice marocaine
10 ans de procédures pour prouver qu’un enfant n’est pas sa fille


Un Creusotin de 42 ans d’origine marocaine, Mohamed Bellakhdim, a prouvé devant la justice française qu’il n’était pas le père de la fille de son ex-femme. La justice marocaine, elle, affirme le contraire. Explications.

La France a reconnu que je n’étais pas le père de cette fille. Au Maroc, tous les tribunaux m’ont condamné à verser une pension alimentaire. Là-bas, je suis son père.
Mohamed Bellakhdim est arrivé en France en 1988 pour poursuivre ses études et n’est jamais retourné dans son pays d’origine. En 1995, il obtient la nationalité française et se marie au Maroc avec une Franco-Marocaine. Un mariage écourté puisqu’il quitte le domicile conjugal le 11 novembre 1995 et entame une procédure de divorce.
Le tribunal de Mulhouse lui apprend qu’il est père.
Le divorce est prononcé le 2 février 1996. Mohamed Bellakhdim reprend une vie normale, loin de penser que cette union oubliée va ressurgir rapidement.
En juillet 1997, le tribunal de Mulhouse le convoque pour fixer le montant de la pension alimentaire qu’il devra verser pour un enfant né le 13 septembre 1996, que son ex-femme présente comme étant sa fille. « J’ai tout de suite contesté la paternité ». En novembre 1999, après de nombreux déboires, il obtient qu’une expertise de filiation soit effectuée et il se soumet à des tests comparatifs ADN. Le rapport est déposé au tribunal le 3 février 2000 : « Cette expertise vous est favorable puisque l’expert conclut à votre non-paternité », l’informe son avocat. Mohamed Bellakhdim n’est donc pas le père de cet enfant. Du moins en France.
Voyant que ça n’aboutira pas en France, son ex-femme saisit la justice marocaine. Le 10 juillet 2000, la fillette perd le nom de son prétendu père pour prendre celui de sa mère. M. Bellakhdim pense alors que les démarches lancées au Maroc seront rapidement terminées. « Parce qu’en voyant qu’elle n’allait pas obtenir de pension en France, mon ex-femme a saisi les tribunaux marocains avant même que les tests ADN ne soient effectués. C’était en juillet 1998 ». Une démarche normalement vaine puisqu’une convention lie la France et le Maroc et interdit qu’une affaire puisse être jugée à la fois dans l’un et l’autre pays. « La procédure marocaine était suspendue et le jugement français devait être revêtu de l’exequatur au Maroc ». Autrement dit, la justice marocaine devait, sans rejuger l’affaire, appliquer la décision du tribunal français.
La loi marocaine en décide autrement et Mohamed Bellakhdim devient à nouveau père. Malgré tout, il est jugé par le tribunal de première instance d’El Jadida et est condamné en mars 2002 à verser une pension alimentaire : « Les analyses ADN pour nier une filiation étaient contraires à la loi marocaine et à la tradition musulmane. Et la loi est ainsi faite qu’un homme est forcément le père de l’enfant de son ex-épouse si celui-ci est né dans le délai d’un an suivant la prononciation du divorce. Pourtant, une femme n’est enceinte que neuf mois. », martèle M. Bellakhdim. « Et la justice prend en compte la date du divorce et non pas celle de la séparation des corps ». Bref, il est père, mais fait appel.
2004 : la loi marocaine est réformée, il tente à nouveau. Cour d’appel du 24 juin 2003, la justice marocaine confirme la décision du tribunal de première instance. Cour Suprême (l’équivalent de la cour de Cassation) du 30 décembre 2004 : rien n’y change. Mais avant même que la cour Suprême ne rende ses conclusions, la loi marocaine, la Moudawana, évolue et le ministère de la Justice à Paris conseille alors à M. Bellakhdim de demander à nouveau l’exequatur qui ne peut plus, a priori, être contesté.
29 mars 2006 : le tribunal de première instance d’El Jadida, qualifie malgré tout la demande de M. Bellakhdim d’ « irrecevable », invoquant que le jugement français « est contraire à l’ordre public marocain ». Jugement confirmé en appel en février 2007.
M. Bellakhdim tentera une nouvelle fois la cour Suprême : « mon avocat dépose ses conclusions en septembre. Mais j’ai beaucoup de mal à faire confiance en la justice marocaine. Alors il reste la voie diplomatique. Je demande à ce que la France intervienne pour veiller à l’application de la convention franco-marocaine qui, selon Nicolas Sarkozy, pose des problèmes. En attendant, je ne suis pas fier d’être d’origine marocaine », conclut-il, amer, usé, mais néanmoins soutenu par sa nouvelle femme.
Éric Bouthray

La condamnation au Maroc
Mohamed Bellakhdim est condamné, au Maroc, à verser 400 dirhams de pension alimentaire par mois, auxquels s’ajoutent 100 dirhams de frais de garde, 50 dirhams pour frais d’allaitement, 400 dirhams pour chaque fête d’Aid Fitr et 600 dirhams pour chaque fête d’Aid Kebir (soit 680 euros par an environ). « Il doit aussi y avoir des frais de procréation qui s’élèvent à 1 000 dirhams, il semble me souvenir ». Mohamed Bellakhdim est condamné à payer mensuellement. Injustement à ses yeux, alors il ne paye pas. Mais le plus dur à assumer pour lui, c’est d’être officiellement le père d’un enfant qui n’est scientifiquement pas sa fille.
 bellakhdim
Vendredi 5 Septembre 2008

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Pour la deuxième fois devant la cour Suprême du Maroc
Treize ans pour prouver qu'un enfant n'est pas sa fille


Mohamed Bellakhdim est arrivé en France en 1988. D'origine marocaine, il obtient la nationalité française en 1995 et se marie la même année au Maroc avec une Franco-Marocaine. Mariage écourté qui ne dure que quelques semaines puisqu'il quitte le domicile conjugal en novembre 1995. Le divorce est prononcé le 2 février 1996 et M. Bellakhdim s'apprête à commencer une nouvelle vie.
Coup de théâtre. Le tribunal de Mulhouse le convoque en juillet 1997 pour fixer le montant de la pension alimentaire pour un enfant né le 13 septembre 1996, que son ex-femme présente comme sa fille. Mohamed Bellakhdim conteste la paternité et obtient qu'une expertise de filiation soit effectuée. Les résultats ADN sont formels : « Cette expertise vous est favorable puisqu'elle conclut à votre non-paternité » l'informe son avocat. M. Bellakhdim n'est donc pas le père de cet enfant. Enfin… en France.

13 ans de procédure qui pourraient se terminer en octobre;
L'ex-femme du Creusotin d'adoption saisit alors la justice marocaine. Une démarche normalement vaine puisqu'une convention lie les deux pays et interdit qu'une affaire puisse être jugée à la fois dans l'un et l'autre. Mais la justice marocaine en décide autrement et juge Mohamed Bellakhdim en première instance. Il redevient père et est condamné à verser une pension alimentaire (680 euros par an environ) à son ex-femme. « Les analyses ADN pour nier une filiation étaient contraires à la loi marocaine. Et la loi est ainsi faite qu'un homme est le père de l'enfant de son ex-épouse si celui-ci est né dans le délai d'un an suivant la prononciation du divorce », explique M. Bellakhdim.
Cour d'appel du 24 juin 2004, la décision du tribunal de première instance d'El Jadida est confirmée. M. Bellakhdim reste père. Cour Suprême (l'équivalent de la cour de Cassation) du 30 décembre 2004 : rien n'y change. Mais avant même que la cour Suprême ne rende ses conclusions, la Moudawana (loi marocaine) évolue et le ministère de la Justice à Paris conseille alors à M. Bellakhdim de demander à nouveau l'exequatur.
29 mars 2006 : le tribunal de première instance, qualifie, malgré la nouvelle loi, la demande de M. Bellakhdim d' « irrecevable », invoquant que le jugement français « est contraire à l'ordre public marocain ». Jugement confirmé en appel en février 2007.
Le 15 octobre prochain, Mohamed Bellakhdim ira pour la deuxième fois devant la cour Suprême après 13 ans de combat contre la justice marocaine. « C'est un procès entre les magistrats du Maroc qui n'aiment pas avoir tort et moi », explique M. Bellakhdim qui n'ira pas à son procès de peur, s'il est condamné, d'être emprisonné pour n'avoir jamais versé de pension alimentaire. « La loi au Maroc a évolué, pas les magistrats. Je déplore que cette convention franco-marocaine ne soit pas respectée et provoque de fait une insécurité juridique. J'ai consacré 13 ans de ma vie à ce combat absurde. Certains soirs, j'en pleure ». Comme pour se remonter un moral entamé par cette affaire interminable, M. Bellakhdim s'est adressé à de nombreuses personnalités politiques.

Des députés écrivent aux ministères, à l'Élysée;
Jean-Paul Anciaux, député de Saône-et-Loire, a écrit à Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères, qui lui a répondu que ce dossier était de la compétence du ministère de la Justice. Laurent Fabius, en sa qualité de député, a obtenu une autre réponse de M. Kouchner : « J'ai demandé à mes services d'examiner ce dossier avec la plus grande attention ».
Damien Meslot, député du territoire de Belfort, a demandé à Nicolas Sarkozy de bien vouloir intervenir auprès du roi du Maroc Mohamed VI. Réponse du chef de cabinet de l'Élysée : « (…) vous assurer de toute l'attention portée à ce dossier qui fait l'objet d'un examen bienveillant ». Le même chef de cabinet, dans un autre courrier adressé à M. Bellakhdim : « il a été pris attentivement connaissance de vos préoccupations avant de les signaler au ministre de la Justice ». Rachida Dati, écrit, elle, que « le principe de séparations des pouvoirs ne permet pas au ministre de la Justice d'intervenir dans les procédures judiciaires ». Arnaud Montebourg, alors député de Saône-et-Loire, écrivait lui aussi à la Garde des sceaux, tout comme Pierre Moscovici, pour attirer son attention sur l'affaire. Le maire du Creusot, ancien ministre, a écrit quant à lui au président pour dénoncer cette non-application de la convention de coopération judiciaire entre la France et le Maroc.
Grâce à tous ces soutiens politiques, Mohamed Bellakhdim espère enfin une issue favorable, le 15 octobre, à ce dossier. « La loi ne peut pas aller à l'encontre de la science » appuie-t-il avant de prévenir, qu'au cas où la cour Suprême du Maroc confirmait les précédentes décisions, il saisirait la cour européenne des Droits de l'Homme.
Eric Bouthray