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Les musulmans veillent sur la viande halal des hypermarchés  03/01/2006

Une initiative de Carrefour a provoqué, il y a quelques semaines, un certain désarroi chez les fidèles musulmans. Sur les ondes de Radio Orient et Beur FM et par voie d'affichage, cette enseigne leur propose, à l'occasion de l'Aïd el-adha, qui sera célébrée les 10, 11 et 12 janvier, un mouton entier livré sur le parking des magasins à un prix avantageux (150 euros pour un animal de 20 kg). Lors de cette fête, la plus importante du calendrier de l'islam, les moutons sont sacrifiés rituellement et ensuite consommés.

Règles strictes. Inquiets, les musulmans se sont alors tournés vers leurs représentants : la viande de Carrefour est-elle halal ? Pour être religieusement correct, l'abattage de l'animal obéit à des règles très strictes : le mouton doit être égorgé tourné vers La Mecque, et une formule religieuse prononcée. Se faisant l'écho de ces craintes, les trois présidents des conseils régionaux du culte musulman (CRCM) franciliens ont publié un communiqué dans lequel ils se «réjouissent de l'intérêt porté à ce marché prometteur par la grande distribution», mais «s'interrogent sérieusement sur le respect d'un certain nombre de règles». Règles sanitaires et respect du rite musulman, «notamment concernant l'heure d'abattage, qui ne doit intervenir qu'après la prière de l'Aïd (soit après 9 heures du matin).

«On trouve cette démarche prometteuse pour l'avenir mais les conditions dans lesquelles elle est lancée nous posent problème, précise Anouar Kbibech, président du CRCM Ile-de-France Est. D'après les informations dont nous disposons, les moutons [seraient] abattus en Grande-Bretagne, Pologne... Nous avons écrit aux directions de ces différentes chaînes, mais nous n'avons pas eu de réponse ferme.»

Carte commerciale. Khalil Merroun, recteur de la grande mosquée d'Evry (Essonne), a longuement discuté avec le directeur de l'hypermarché Carrefour de la commune. «Pas mal de fidèles musulmans y travaillent. Ils sont venus me voir pour me demander de vérifier que le mouton allait bien être sacrifié selon le rite musulman.» Le directeur du magasin l'a tranquillisé : Les moutons seront importés de Grande-Bretagne et abattus dans les règles de l'art. «J'ai donné quelques conseils aux gens de Carrefour, ajoute Khalil Merroun. J'ai dit : "On égorge après 9 h 30", ils m'ont dit "d'accord" ; j'ai dit aussi qu'il faut que la personne qui réserve chez eux donne son nom pour que l'on puisse sacrifier l'agneau à son nom. Et, à partir du moment où j'ai été rassuré, j'ai donné ma bénédiction.»

Si Carrefour se lance ainsi dans le commerce du mouton de l'Aïd, c'est que le pouvoir d'achat des fidèles de l'Islam l'intéresse évidemment. Mais cette initiative pourrait également aller dans le sens de l'intérêt des musulmans. En contribuant à résoudre une réelle difficulté.

Chaque année, la fête de l'Aïd provoque les piaillements de la fondation Brigitte Bardot. En France, lors de cette fête, 150 000 à 180 000 moutons sont égorgés en quelques jours. Un chiffre qui excède largement les capacités des abattoirs. Par défaut ­ ou par tradition ­, certains musulmans procèdent eux-mêmes au sacrifice, au risque de se voir infliger une contravention, l'abattage individuel étant interdit.

Les jeunes générations répugnant à manier le couteau, et s'approvisionnant comme tout le monde dans les hypermarchés, la grande distribution a compris qu'elle avait une bonne carte commerciale à jouer.