Comme il l’avait annoncé, Le président Taylor a quitté Monrovia (capitale du Libéria) hier lundi pour un exil au Nigeria. Avant de quitter son pays, M. Taylor a prononcé un discours de démission dans lequel il a expliqué son choix de l’exil mais a promis de revenir. Le départ de M. Taylor tourne une des pages les plus sanglantes de l’histoire du Libéria. En s’exilant au Nigeria avec les membres de sa famille, il reste l’objet d’une poursuite pour crime contre l’humanité pour son rôle dans la guerre civile en Sierra Léone voisine. Conformément à la constitution du Libéria, les rênes sont désormais entre les mains du vice-président en exercice M. Moses Blah.
Un départ qui fait l’unanimité
Depuis trois semaines, Charles Taylor était poussé dans ses retranchements par l’opposition armée à son pouvoir. Les troupes du LURD (Libériens Unis pour la Réconciliation et la Démocratie) et les hommes du MODEL (Mouvement pour la Démocratie au Libéria) ont fini par avoir raison de l’armée nationale fidèle à Taylor. M. Sekou Fofana, un des chefs du Lurd avait laissé entendre qu’il cessait les combats dès que Taylor quittait le pays. Washington a depuis longtemps laissé entendre qu’il n’envisageait aucune action tant que Taylor restait au pouvoir.
M. Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU a déclaré, que ce départ ' pourra enfin marquer le début de la fin du long cauchemar du peuple libérien '.
Il a demandé aux membres des Nations Unis de ' fournir toute l'assistance qu'ils peuvent au peuple libérien pour rétablir la paix et la sécurité. '
La Commission Européenne avait dépêché une commission d’experts communautaires pour évaluer la situation au Libéria avant de décider des actions à envisager. Dans l’attente du rapport des experts prévu pour hier lundi, le porte-parole de l’exécutif de la Commission européenne a déclaré que le départ de Taylor : ' est une décision qui paraît aller dans le bon sens pour arrêter les violences et arriver à une solution au Liberia '
Dans un communiqué officiel diffusé hier lundi, le Canada a qualifié le départ de Charles Taylor de ' signe d'espoir pour le Liberia, ses habitants et l'ensemble de sa région '.
Moses Blah, un homme dans l’ombre de Taylor
Le président intérimaire du Libéria est trilingue. En plus de l’anglais et du français, il parle parfaitement la langue arabe. Il fait ses études à l’Académie Militaire de Tadjoura (Libye), de 1985 à 1989, en même temps que M. Charles Taylor. Lorsque Charles Taylor est élu Président de la République en 1997, il nomme M. Blah ambassadeur en Libye. Un poste clé en raison du soutien important que représente alors le Colonel Kadhafi pour le régime libérien.
A partir de 2000, M. Blah est vice-président de la République. Un poste passif en raison de la forte présence du président Taylor. Pourtant, le 4 juin dernier, Charles Taylor échappe de justesse à une arrestation à Accra où il participait à un sommet ouest africain sur la crise au Liberia : un mandat d’arrêt international venait d’être lancé contre lui par la Sierra Léone. Les soupçons pèsent sur M. Blah qui, dans ces circonstances, devenait Président de la République comme le prévoit la constitution.
Taylor a qualifié l’anecdote de ' coup d'Etat ' et a ' accepté ' la démission du vice-président Moses Blah. Placé en résidence surveillée pendant une dizaine de jours, M Blah sera rétabli dans ses fonctions sans autres formes d’explications. Originaire du Nord du Libéria, M Blah est un homme contesté par la rébellion qui voit en lui une pièce relais de M. Taylor sur l’échiquier politique libérien. Le nouveau chef d’Etat s’est dit prêt à tendre la main aux rebelles.
En devenant le 22e Président de l’Histoire du Libéria, M. Blah fait aussi de Charles Taylor le premier président, dans l’Histoire moderne du pays, à quitter le pouvoir en restant en vie.