Plus de vingt ans que le 17 décembre est un triste anniversaire pour ma génération de musulmans en France : la dernière génération d'étudiants de Muhammad Hamidullah (1908-2002). Son décès le 17 décembre 2002 laisse un vide qui nous remplit de regrets. Peu d'entre nous avions conscience du monument de sciences et d'islam qu'il était. Nous avons connu un vieil homme énergique et érudit. Quand il tombait malade, des commères annonçaient sa mort. Deux ou trois fois, il a fallu démentir la rumeur. Ces non-événements, paradoxalement, m'ont montré que nous étions nombreux à aimer ce vieil homme solitaire qui a passé sa vie au service de l'islam de France.
Mais la mort est notre destin commun. La vie de Hamidullah est un roman qui traverse le XXe siècle. Elle suit une voie qui ne semble pas être toujours à l'endroit. Il faut s'accrocher pour le suivre. Mais deux choses rempliront sa vie : la recherche scientifique et l'enseignement de l'islam.
Lire aussi : Muhammad Hamidullah, homme de foi, de science et du vivre-ensemble
Il commence son enseignement en Inde. Dieu voulut qu'il s'épanouisse scientifiquement en France, au CNRS, notre sanctuaire de la recherche scientifique. De 1948 à 1996, il vit à Paris, au 4, rue de Tournon, là où vécut Alphonse de Lamartine (1790-1869). Malgré la fatigue de l'âge et une santé devenue fragile, Hamidullah refuse de changer d'adresse. « Parce que les gens savent que je suis ici, ils peuvent me trouver », disait-il. On lui écrivait des lettres ou on allait le voir chez lui pour lui poser des questions d'islam. C'était un rôle qu'il avait choisi. Un rôle qu'il n'a pas inventé mais qu'il savait bien jouer. Pour le comprendre, il faut retourner sur ses pas, dans la principauté d'Hyderabad où il vient au monde le 19 février 1908.
Mais la mort est notre destin commun. La vie de Hamidullah est un roman qui traverse le XXe siècle. Elle suit une voie qui ne semble pas être toujours à l'endroit. Il faut s'accrocher pour le suivre. Mais deux choses rempliront sa vie : la recherche scientifique et l'enseignement de l'islam.
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Il commence son enseignement en Inde. Dieu voulut qu'il s'épanouisse scientifiquement en France, au CNRS, notre sanctuaire de la recherche scientifique. De 1948 à 1996, il vit à Paris, au 4, rue de Tournon, là où vécut Alphonse de Lamartine (1790-1869). Malgré la fatigue de l'âge et une santé devenue fragile, Hamidullah refuse de changer d'adresse. « Parce que les gens savent que je suis ici, ils peuvent me trouver », disait-il. On lui écrivait des lettres ou on allait le voir chez lui pour lui poser des questions d'islam. C'était un rôle qu'il avait choisi. Un rôle qu'il n'a pas inventé mais qu'il savait bien jouer. Pour le comprendre, il faut retourner sur ses pas, dans la principauté d'Hyderabad où il vient au monde le 19 février 1908.
Une lignée prestigieuse
Il n'y a pas de « nom de famille » dans la culture indienne du professeur. Ils constituent une petite minorité qu'on désigne par les « Nouveaux venus » (Ahl Nawa'it) ; des Hachémites, de la tribu du Prophète de l'islam. Ils arrivent en Inde au 14e siècle et y trouvent leur place. Le plus connu et, peut-être le plus célèbre, est Makhdum Ali Mahimi (1372-1431), premier exégète du Coran en Inde. Son mausolée figure dans les bons guides touristiques de l'île de Mahim. Il est un lieu de prières et de recueillement annuel pour des millions de fidèles. Musulmans et hindous s'y rendent en ziyara pendant dix jours à cette occasion.
Ces Arabes, originaires de La Mecque, s'installent en Inde avec le projet explicite de porter l'islam. La famille de Hamidullah est du clan des Qazi ; les spécialistes du droit islamique. Ils étudient la loi coranique et le hadith (charia) et peuvent l'interpréter par la réflexion (ijtihad), par le raisonnement analogique (qiyas) pour parvenir à un consensus de savants (ijma) afin d'émettre des avis juridiques (fatwa). Une tradition veut que les membres du clan occupent des fonctions juridiques à différents niveaux de l'administration d’État. Ils n'oublient jamais leur projet de dawah.
Hamidullah n'était ni mufti ni jurisconsulte musulman dans l'administration française ; il en avait cependant la science et le profil. On pouvait s'y tromper surtout qu'à l'occasion, il endossait bien ce rôle pour dépanner des musulmans, des hommes d'affaires de passage à une époque où l'islam est confidentiel à Paris. Son dévouement au service de l'islam qui nous surprend à Paris est la norme dans la famille, encore aujourd'hui, à Hyderabad. La dawah comme identité familiale. Son père, sa mère comme ses frères et sœurs sont tous impliqués dans des travaux de recherches ou des activités de service autour l'islam avec une orientation vers le droit, la publication, l'enseignement.
Sous le colon anglais, le grand-père de Hamidullah, Qazi Badruddaula, est nommé Qazi al-Quzah (juge suprême), le grade le plus élevé de l'administration judiciaire. Il officie dans la région du sud, à Chennai, anciennement Madras. En 1851, il préside le conseil d'administration de la prestigieuse Madrash-e Azam, institution de référence pour l'enseignement islamique. Mais il va démissionner de son poste pour protester contre l'introduction de la langue anglaise dans l'éducation nationale. L'affaire fait grand bruit. Elle laisse un esprit de résistance en héritage dans la famille. Son geste a le soutien de ses disciples. Car le cheikh Badruddaula est un savant dont les disciples sont nombreux et dont les écrits font références.
À sa mort en 1863, il fut enterré à la mosquée Wallajahi de Madras ; un honneur rare réservé aux plus grands des maîtres. Avec ses publications en arabe, en persan et en ourdou, il confie son combat culturel à ses enfants dont le père de professeur Hamidullah. C'est pourquoi celui-ci ira à la Jamia Nizamia, autre bastion de résistance culturelle qui bannit la langue du colon de ses programmes. Aujourd'hui, la Jamia Nizamia a évolué, mais elle garde son âme. Elle garde son profil légendaire de défenseur des valeurs de sa tradition indienne de l'islam.
Ces Arabes, originaires de La Mecque, s'installent en Inde avec le projet explicite de porter l'islam. La famille de Hamidullah est du clan des Qazi ; les spécialistes du droit islamique. Ils étudient la loi coranique et le hadith (charia) et peuvent l'interpréter par la réflexion (ijtihad), par le raisonnement analogique (qiyas) pour parvenir à un consensus de savants (ijma) afin d'émettre des avis juridiques (fatwa). Une tradition veut que les membres du clan occupent des fonctions juridiques à différents niveaux de l'administration d’État. Ils n'oublient jamais leur projet de dawah.
Hamidullah n'était ni mufti ni jurisconsulte musulman dans l'administration française ; il en avait cependant la science et le profil. On pouvait s'y tromper surtout qu'à l'occasion, il endossait bien ce rôle pour dépanner des musulmans, des hommes d'affaires de passage à une époque où l'islam est confidentiel à Paris. Son dévouement au service de l'islam qui nous surprend à Paris est la norme dans la famille, encore aujourd'hui, à Hyderabad. La dawah comme identité familiale. Son père, sa mère comme ses frères et sœurs sont tous impliqués dans des travaux de recherches ou des activités de service autour l'islam avec une orientation vers le droit, la publication, l'enseignement.
Sous le colon anglais, le grand-père de Hamidullah, Qazi Badruddaula, est nommé Qazi al-Quzah (juge suprême), le grade le plus élevé de l'administration judiciaire. Il officie dans la région du sud, à Chennai, anciennement Madras. En 1851, il préside le conseil d'administration de la prestigieuse Madrash-e Azam, institution de référence pour l'enseignement islamique. Mais il va démissionner de son poste pour protester contre l'introduction de la langue anglaise dans l'éducation nationale. L'affaire fait grand bruit. Elle laisse un esprit de résistance en héritage dans la famille. Son geste a le soutien de ses disciples. Car le cheikh Badruddaula est un savant dont les disciples sont nombreux et dont les écrits font références.
À sa mort en 1863, il fut enterré à la mosquée Wallajahi de Madras ; un honneur rare réservé aux plus grands des maîtres. Avec ses publications en arabe, en persan et en ourdou, il confie son combat culturel à ses enfants dont le père de professeur Hamidullah. C'est pourquoi celui-ci ira à la Jamia Nizamia, autre bastion de résistance culturelle qui bannit la langue du colon de ses programmes. Aujourd'hui, la Jamia Nizamia a évolué, mais elle garde son âme. Elle garde son profil légendaire de défenseur des valeurs de sa tradition indienne de l'islam.
Un chemin qui le mène hors-piste
La Jamia Nizamia doit son âme à son fondateur, le cheikh Anwarulla Khan dont le nom complet est très indien : Muhammad Anwarullah Khan Bahadur Farooqui. Un grand maître de la Chishtiya, la confrérie soufie née au Xe siècle et qu'on identifie, un peu trop souvent, à la qawwali, le chant religieux où les disciples tirent l'inspiration. Parmi les confréries soufies, la Chishtiya se caractérise plutôt par une culture affirmée d'ouverture d’esprit, un détachement assumé des biens matériels et des cercles de pouvoir ainsi qu'un dédain certain des apparats sociaux.
Parler d'esprit monastique n'est pas du tout excessif. Pourtant, malgré ce penchant ascétique, le miracle de la Jamia Nizamia arrive par son fondateur, cheikh Anwarullah Khan. Par une chaîne de coïncidences, il aura le privilège d'assurer l'éducation spirituelle de trois générations de nizam, les souverains d'Hyderabad. En d'autres termes, il sera le guide spirituel de trois nizam successifs. Une bénédiction dont profite la Jamia Nizami quand on sait que le Nizam Osman Ali Khan, l'avant dernier Nizam, fut classé, en son temps, « homme le plus riche du monde ».
La surprise est générale, dans la famille, quand Muhammad Hamidullah apparaît dans le journal, à la tête du concours d'entrée à l'université de l'Osmania. Un sentiment partagé par les enseignants de Hamidullah qui ne préparent pas leurs élèves à ce concours prestigieux. Mais, surtout, le concours d'entrée à l'Osmania comporte un test d'anglais redouté de tous parce qu'il est éliminatoire et réputé difficile. Hamidullah franchit seul ces handicaps en cachette de sa famille. Dernier né d'une famille de sept enfants, sa trahison est une couleuvre publique que la famille doit avaler. Il est encore jeune, mais Hamidullah fait déjà du hors-piste ; un fils de mufti, un petit fils du Qazi Badruddaula, il est incontestablement doué mais il choisit de « gaspiller » ses talents à l'Osmania en étudiant des sciences profanes et des langues étrangères !
En vérité, les voies de Dieu sont insondables. C'est Dieu qui confie Moïse aux flots du Nil pour le porter au palais au moment où le Pharaon redoute Moïse. C'est Dieu qui sauve Joseph des fonds du puits pour l'envoyer en prison avant de l'élever en vizir, le plus haut poste de l’État après Pharaon. C'est aussi Dieu qui choisit un orphelin des Banu Hachem pour lui révéler le Coran, Son dernier message à l'humanité. Hamidullah « trahit » les siens en entrant à l'Osmania, mais Hamidullah brillera à l'Osmania dans ses études de droit. On se souvient de lui comme « le lauréat indétrônable » du prestigieux concours de plaidoirie de la faculté de droit. Quand il finit ses cycles, il commence des recherches en droit international comparé : droit occidental et droit islamique. Il bénéficie d'une bourse qui lui permet de faire un doctorat à Berlin et un autre à Paris. Puis il rentre à Hyderabad. Il enseigne une dizaine d'années à l'Osmania. Ça aurait pu en rester là, mais Dieu avait Ses plans.
Parler d'esprit monastique n'est pas du tout excessif. Pourtant, malgré ce penchant ascétique, le miracle de la Jamia Nizamia arrive par son fondateur, cheikh Anwarullah Khan. Par une chaîne de coïncidences, il aura le privilège d'assurer l'éducation spirituelle de trois générations de nizam, les souverains d'Hyderabad. En d'autres termes, il sera le guide spirituel de trois nizam successifs. Une bénédiction dont profite la Jamia Nizami quand on sait que le Nizam Osman Ali Khan, l'avant dernier Nizam, fut classé, en son temps, « homme le plus riche du monde ».
La surprise est générale, dans la famille, quand Muhammad Hamidullah apparaît dans le journal, à la tête du concours d'entrée à l'université de l'Osmania. Un sentiment partagé par les enseignants de Hamidullah qui ne préparent pas leurs élèves à ce concours prestigieux. Mais, surtout, le concours d'entrée à l'Osmania comporte un test d'anglais redouté de tous parce qu'il est éliminatoire et réputé difficile. Hamidullah franchit seul ces handicaps en cachette de sa famille. Dernier né d'une famille de sept enfants, sa trahison est une couleuvre publique que la famille doit avaler. Il est encore jeune, mais Hamidullah fait déjà du hors-piste ; un fils de mufti, un petit fils du Qazi Badruddaula, il est incontestablement doué mais il choisit de « gaspiller » ses talents à l'Osmania en étudiant des sciences profanes et des langues étrangères !
En vérité, les voies de Dieu sont insondables. C'est Dieu qui confie Moïse aux flots du Nil pour le porter au palais au moment où le Pharaon redoute Moïse. C'est Dieu qui sauve Joseph des fonds du puits pour l'envoyer en prison avant de l'élever en vizir, le plus haut poste de l’État après Pharaon. C'est aussi Dieu qui choisit un orphelin des Banu Hachem pour lui révéler le Coran, Son dernier message à l'humanité. Hamidullah « trahit » les siens en entrant à l'Osmania, mais Hamidullah brillera à l'Osmania dans ses études de droit. On se souvient de lui comme « le lauréat indétrônable » du prestigieux concours de plaidoirie de la faculté de droit. Quand il finit ses cycles, il commence des recherches en droit international comparé : droit occidental et droit islamique. Il bénéficie d'une bourse qui lui permet de faire un doctorat à Berlin et un autre à Paris. Puis il rentre à Hyderabad. Il enseigne une dizaine d'années à l'Osmania. Ça aurait pu en rester là, mais Dieu avait Ses plans.
Un apatride devenu un chercheur respecté au CNRS
La fin de la colonisation britannique ouvre une ère de confusion en août 1947. La partition finit par s'imposer entre l'Inde et le Pakistan, mais le conflit entre l'Inde et Hyderabad va traîner. Puis, du 13 au 18 septembre 1948, quand les troupes indiennes mènent « l'opération Polo » pour annexer Hyderabad, Hamidullah se trouve à Paris pour défendre Hyderabad devant le Conseil de sécurité de l'ONU. Sa mission fut un échec qui marque un tournant dans sa vie. Pour le reste de ses jours, il ne foulera plus les rives du Musi. Il s'installe en bord de Seine. Il engage sa lutte pour la libération d'Hyderabad. Il milite en politique jusqu'à son entrée au CNRS en 1952. Comme il ne lâche pas l'affaire, il revendique sa nationalité d'Hyderabad. Il devient citoyen d'un pays qui n'a plus d'existence administrative. Il devient apatride ; un ex-délégué du Nizam dans les rues de Paris, sans famille, sans travail. Il est pris en main par les cercles orientalistes où il compte des amis.
Louis Massignon et Gaudefroy-Demombynes, deux célébrités de l'orientalisme français, sont ravis d'avoir Hamidullah. Ils se battent comme des fauves pour lui ouvrir le portail du CNRS. Gaudefroy-Demombynes avait dirigé la thèse parisienne de Hamidullah. Mais il vit loin de Paris en raison de son âge et de sa santé. Louis Massignon, 24 ans de plus que Hamidullah, est très écouté, mais il reste un universitaire mystique, spécialiste de la mystique. « Le plus musulman des catholiques » pour les uns et « le plus catholique des musulmans » pour d’autres. Il était du jury de thèse de Hamidullah et leur complicité est sans faille. Massignon pèse de tout son poids auprès de la direction du CNRS pour trouver, fusse-t-il un strapontin à ce savant musulman, « un protégé de la Couronne britannique pour qui Paris, bien plus que Londres, est sa seconde patrie », écrit-il. Son regard sur Hamidullah, au sein du CNRS, est sans complexe. Hamidullah est « un initiateur, et un guide, pour nous, chercheurs orientalistes non musulmans », écrit-il, le 2 juin 1952, à sa direction.
À force de pressions et d'insistance, les barrières se lèvent pour donner naissance à l'orientaliste Muhammad Hamidullah, un orientaliste musulman ! À vol d'oiseau, ça se passe à 7 500 km d'Hyderabad où tout a commencé. Ce qui sera une aubaine pour l'islam de France est un naufrage pour la famille du professeur à Hyderabad. Mais ça fait déjà un moment que sa famille le connaît. Chacun a compris que ce petit-fils de Qazi Badruddaula, ne fait rien comme tout le monde !
Louis Massignon et Gaudefroy-Demombynes, deux célébrités de l'orientalisme français, sont ravis d'avoir Hamidullah. Ils se battent comme des fauves pour lui ouvrir le portail du CNRS. Gaudefroy-Demombynes avait dirigé la thèse parisienne de Hamidullah. Mais il vit loin de Paris en raison de son âge et de sa santé. Louis Massignon, 24 ans de plus que Hamidullah, est très écouté, mais il reste un universitaire mystique, spécialiste de la mystique. « Le plus musulman des catholiques » pour les uns et « le plus catholique des musulmans » pour d’autres. Il était du jury de thèse de Hamidullah et leur complicité est sans faille. Massignon pèse de tout son poids auprès de la direction du CNRS pour trouver, fusse-t-il un strapontin à ce savant musulman, « un protégé de la Couronne britannique pour qui Paris, bien plus que Londres, est sa seconde patrie », écrit-il. Son regard sur Hamidullah, au sein du CNRS, est sans complexe. Hamidullah est « un initiateur, et un guide, pour nous, chercheurs orientalistes non musulmans », écrit-il, le 2 juin 1952, à sa direction.
À force de pressions et d'insistance, les barrières se lèvent pour donner naissance à l'orientaliste Muhammad Hamidullah, un orientaliste musulman ! À vol d'oiseau, ça se passe à 7 500 km d'Hyderabad où tout a commencé. Ce qui sera une aubaine pour l'islam de France est un naufrage pour la famille du professeur à Hyderabad. Mais ça fait déjà un moment que sa famille le connaît. Chacun a compris que ce petit-fils de Qazi Badruddaula, ne fait rien comme tout le monde !
Son Coran en français, un cadeau à la France
S'il n'avait pas trahi les siens à Hyderabad, Hamidullah n'aurait certainement pas traduit le Coran en français. Il ne penserait pas à écrire sa monumentale biographie du Prophète de l'islam. Ce livre est en français parce que l'auteur l'écrit en cadeau à la France, le pays qui lui accorde l'hospitalité au moment où il avait tout perdu.
Hamidullah ne parle aucune langue indienne en dehors de l'ourdou. Cependant, il parle l'arabe, le perse, le français, l'anglais, l'allemand et le turc. Nous avons des raisons de penser qu'il connaissait aussi le russe. Cette passion des langues s'ajoute à sa passion pour la recherche scientifique pour le positionner à contre-courant de sa tradition familiale d'Hyderabad. Mais, pour l'islam de France et pour le CNRS, les deux passions du professeur sont des atouts précieux qui le placent dans la position du vent que sa famille fait souffler en Inde depuis le 14e siècle. Un petit-neveu de Hamidullah qui vit à Hyderabad et qui n'a jamais rencontré le professeur nous le résume bien : « Il a appris les langues d'Europe pour faire là-bas ce que la famille fait ici en Inde. »
Hamidullah cumule les qualités d'un universitaire en sciences sociales avec la sensibilité d'un savant traditionnel de l'islam. Sa traduction du Coran en français, publiée au Club français du livre, et sa biographie du Prophète, publiée aux Éditions Jean Vrin, paraissent en 1959. Il s'en suit un écho médiatique qui résonne dans les milieux orientalistes et dans les cercles savants de l'islam. Dans le milieu étudiant aussi. Progressivement, au début des années 1960, des étudiants se réunissent à la mosquée de Paris pour une « causerie du Prof. Hamidullah ». On se retrouve après la prière de vendredi et Hamidullah répond aux questions. Un cercle informel se forme dans un coin de la mosquée autour du professeur. Le rendez-vous devient régulier et attire du monde. Il en sortira le premier noyau de l'AEIF, l'Association des étudiants islamiques en France.
Hamidullah a pu réunir ces étudiants musulmans de tous bords, de toutes nationalités, de toutes tendances pour débattre d'islam sans laisser les divergences idéologiques devenir un problème. C'est pourquoi l'héritage de Hamidullah ne s'arrête pas à ses deux thèses de doctorat, ni au millier d'articles, ni à la centaine de livres qu'il écrit ou qu'il traduit dans diverses langues. Tout cela a son intérêt. Le plus important aux yeux de Hamidullah, lui-même, serait sa collection de « traductions du Coran dans toutes les langues ». Et pour nous, l'héritage de Muhammad Hamidullah est aussi humain. S'il n'a pas eu d'enfant biologique à éduquer, il a formé des esprits, suscité des passions et éveillé des talents. Il a aussi nourri des consciences que son souvenir continue d'inspirer.
Lire aussi :
Comment le Coran de Hamidullah, un classique de l'islam en France, a été falsifié (1/2)
Comment l'entreprise de falsification du Coran de Hamidullah a été rendue possible (2/2)
Muhammad Hamidullah, pour l'amour de la Turquie
Muhammad Hamidullah, l'islam en français
Hamidullah ne parle aucune langue indienne en dehors de l'ourdou. Cependant, il parle l'arabe, le perse, le français, l'anglais, l'allemand et le turc. Nous avons des raisons de penser qu'il connaissait aussi le russe. Cette passion des langues s'ajoute à sa passion pour la recherche scientifique pour le positionner à contre-courant de sa tradition familiale d'Hyderabad. Mais, pour l'islam de France et pour le CNRS, les deux passions du professeur sont des atouts précieux qui le placent dans la position du vent que sa famille fait souffler en Inde depuis le 14e siècle. Un petit-neveu de Hamidullah qui vit à Hyderabad et qui n'a jamais rencontré le professeur nous le résume bien : « Il a appris les langues d'Europe pour faire là-bas ce que la famille fait ici en Inde. »
Hamidullah cumule les qualités d'un universitaire en sciences sociales avec la sensibilité d'un savant traditionnel de l'islam. Sa traduction du Coran en français, publiée au Club français du livre, et sa biographie du Prophète, publiée aux Éditions Jean Vrin, paraissent en 1959. Il s'en suit un écho médiatique qui résonne dans les milieux orientalistes et dans les cercles savants de l'islam. Dans le milieu étudiant aussi. Progressivement, au début des années 1960, des étudiants se réunissent à la mosquée de Paris pour une « causerie du Prof. Hamidullah ». On se retrouve après la prière de vendredi et Hamidullah répond aux questions. Un cercle informel se forme dans un coin de la mosquée autour du professeur. Le rendez-vous devient régulier et attire du monde. Il en sortira le premier noyau de l'AEIF, l'Association des étudiants islamiques en France.
Hamidullah a pu réunir ces étudiants musulmans de tous bords, de toutes nationalités, de toutes tendances pour débattre d'islam sans laisser les divergences idéologiques devenir un problème. C'est pourquoi l'héritage de Hamidullah ne s'arrête pas à ses deux thèses de doctorat, ni au millier d'articles, ni à la centaine de livres qu'il écrit ou qu'il traduit dans diverses langues. Tout cela a son intérêt. Le plus important aux yeux de Hamidullah, lui-même, serait sa collection de « traductions du Coran dans toutes les langues ». Et pour nous, l'héritage de Muhammad Hamidullah est aussi humain. S'il n'a pas eu d'enfant biologique à éduquer, il a formé des esprits, suscité des passions et éveillé des talents. Il a aussi nourri des consciences que son souvenir continue d'inspirer.
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