Le ton monte au Cfcm. Son Conseil d’Administration a ' reporté ' sa réunion de ce mardi 21 septembre. Aucune nouvelle date n’a été annoncée pour ce report. La Grande mosquée de Paris, par voie de presse, menace de boycotter le renouvellement du Conseil au mois d’avril prochain. Elle revient sur les conditions électorales qu’elle a n’a eu cesse de dénoncer depuis deux ans. Fait nouveau, elle accuse la Fédération Nationale des Musulmans de France d’irresponsabilité.
L’Algérie affronte le Maroc à la tête du CFCM
Au mois de juin 2003, peu après son choix à la tête du Cfcm, M Dalil Boubaker avait menacé de démissionner. La raison de santé évoquée avait été accueillie avec scepticisme. Il est vrai que le président du Cfcm qui est aussi recteur de la grande mosquée de Paris a une santé fragile au regard de la masse de travail que ses responsabilités exigent. Il est vrai aussi qu’au sein du Cfcm, la Grande mosquée de Paris n’a pas les mains libres. Elle ne détient que six sièges face à l’Union des organisations islamiques en France (Uoif) qui en détient treize derrière la Fédération nationale des Musulmans de France (FNMF) qui occupe seize sièges. Il a fallu l’entêtement de M. Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, pour que M. Boubaker accepte de rester à la tête du jeune conseil à condition que ' les choses se passent loyalement '. Les assurances sur la bonne tenue de l’Uoif furent accordées. Mais un nouveau torchon brûle entre la Grande mosquée de Paris et la FNMF. C’est M. Bechari, président de la FNMF, qui ouvre les hostilités en rendant visite à Abassi Madani, fondateur du FIS, Front islamique du Salut, algérien aujourd’hui dissout.
Cette nouvelle crise du CFCM se présente comme un affrontement entre l’Algérie et le Maroc. M. Boubaker, de la Grande mosquée de Paris, est considéré très proche du pouvoir algérien tout comme M. Béchari est proche du pouvoir marocain. Une configuration qui tend à importer en France les rivalités régionales qui opposent les dirigeants de ces pays où la question musulmane est particulièrement importante. Ce schéma possède la particularité d’exempter l’Uoif, la plus puissante organisation islamique en France. Cette fédération n’est rattachée à aucune chancellerie étrangère spécifique. Ses responsables sont connus pour leurs affinités idéologiques avec la pensée des frères musulmans d’Egypte.
En reprochant à M. Béchari, la visite qu’il a rendue à Abassi Madani, le président du Cfcm dénonce cette proximité avec un ' ennemie juré du peuple algérien '. Mais il ne fait de doute que la montée d’audience médiatique de M. Béchari, inquiète la Grande mosquée pour la succession à la tête du Cfcm. Au contraire de M. Boubaker, l’affaire des deux otages français retenus en Irak, a propulsé M. Béchari à la une des journaux. Agé de seulement 36 ans, M. Béchari est très mobile. Il était déjà membre de la délégation du Cfcm qui s’est rendue à Bagdad pour expliquer la loi sur le Hijab. Cette initiative avait été largement médiatisée. Le voilà de retour, seul, dans la région. Et sa photo embrassant le chef historique du Front islamique du salut qui circule dans toutes les rédactions. Tout cela n’est pas du goût de ses adversaires. La Grande mosquée de Paris a certainement cru bon devoir réagir pour au moins arrêter M. Béchari dans son élan politico-médiatique. Elle qualifie sa démarche d''irresponsable'. L'intéressé présente sa visite comme fraternelle car M. Madani observe une grêve de la faim pour soutenir les otages dans leur épreuve.
L’avenir du CFCM n’est pas joué d’avance
L’actualité a tendance à réduire le Cfcm à ses mammouths. Mais les Musulmans de France savent que l’Uoif, la FNMF et la Grande mosquée de Paris ne sont pas les seules composantes de l’Islam en France. Hormis quelques responsables de mosquées sous son contrôle, peu de Musulmans se réclament de la Grande mosquée de Paris. Son éloignement du terrain et son caractère à forte coloration marocaine écarte la FNMF du leadership du Cfcm. Ainsi, des grosses pointures du Cfcm, seule l’Uoif semble se poser désormais comme challenger sérieux à la succession de M. Boubaker.
Avec son réseau structuré de près de 300 associations, l’Uoif quadrille le terrain associatif culturel et cultuel de France. Cet atout n’a pas échappé à M. Sarkozy qui s’est appuyé sur l’Uoif pour parvenir à bout du projet de Cfcm. La présence de l’organisation aux côtés des victimes de la loi antifoulard lui a donné un grand capital de sympathie auprès des Musulmans de France. Mais surtout sa capacité à la cohabitation politique avec ses paires moins présents sur le terrain associatif a fini par séduire. Le Conseil représentatif des organisations juives de France n’a pas ignoré cet effort et a amorcé un rapprochement avec l’Uoif.
En dehors de l’Uoif, de la FNMF et de la grande mosquée de Paris, le Cfcm doit aussi compter sur la présence en son sein de personnalités indépendantes. Elle doit s’apprêter, en outre, au mois d’avril prochain, à se prononcer sur l’intégration de mosquées dont l’absence contribue à discréditer la portée de ses actions. A ce titre, il reste totalement impensable que la mosquée Da’wah, la plus grande mosquée de Paris, dirigée par le Cheikh Larbi Kechat, ne soit pas entendue dans les discussions sur le culte musulman en France.