Pro et anti-caricatures se sont retrouvés à ce procès.
"Philippe, on est tous avec toi." Du fin fond du couloir du tribunal, un cri déchire l'assemblée. C'est la pause repas pour les protagonistes du procès des caricatures, et Philippe Val, le directeur de Charlie Hebdo, vient de faire sa sortie, salué par des militants, dans une nuée d'applaudissements.
Un peu plus loin, de jeunes femmes maghrébines engagés dans un bras de fer oral avec un vieil homme et un jeune étudiant, s'évertuent à défendre leur foi musulmane. "Les gens ont vraiment la haine contre les musulmans", disent-elles."Je n'ai jamais vu ça. Je suis ici depuis une heure et j'entends des choses horribles se dire. On est parti d'un dessin et voyez où on en arrive." "Parce qu'il y a de la passion et pas de raison dans ces choses là" lui rétorque l'étudiant. Les jeunes femmes sont émues. "On ne demande qu'à être respectés dans notre foi". La réponse ne tarde pas. "Oui, mais respectés sous la condition des lois de la république. Représenter le Prophète est un blasphème pour les musulmans, mais les lois de la république ne sont pas les lois de l'islam."
Un peu plus loin, de jeunes femmes maghrébines engagés dans un bras de fer oral avec un vieil homme et un jeune étudiant, s'évertuent à défendre leur foi musulmane. "Les gens ont vraiment la haine contre les musulmans", disent-elles."Je n'ai jamais vu ça. Je suis ici depuis une heure et j'entends des choses horribles se dire. On est parti d'un dessin et voyez où on en arrive." "Parce qu'il y a de la passion et pas de raison dans ces choses là" lui rétorque l'étudiant. Les jeunes femmes sont émues. "On ne demande qu'à être respectés dans notre foi". La réponse ne tarde pas. "Oui, mais respectés sous la condition des lois de la république. Représenter le Prophète est un blasphème pour les musulmans, mais les lois de la république ne sont pas les lois de l'islam."
Dieudonné estime n'avoir jamais été aussi loin dans ses sketches.
Sous le regard de Dieudonné
Voilà le genre de répliques que l'on pouvait entendre au cours de ce second procès, parallèle au premier, se déroulant juste en face de lui, et qui se tenait avec ses propres témoins et plaidoiries, sous le regard impassible des gendarmes, venus en nombre pour prévenir d'éventuels débordements.
Des répliques parfois dignes des tragédies les plus pathétiques de l'antiquité, auxquelles les frontons marbrés du tribunal, où sont inscrits les mots de "république française", ne cessaient de renvoyer. Avec, comme dans toute pièce de théâtre, ses premiers et ses seconds rôles. Très vite, au défilé des stars de la scène (Bayrou, Hollande et Sarkozy), venus jouer les Antigone de la laïcité, ont fait place les seconds rôle et leur cortège de figurants.
Très vite aussi, Dieudonné fait son apparition. "On invoque la liberté d'expression lorsqu'on insulte le musulman et lorsqu'il s'agit de toucher par exemple à Israël, là on est tout de suite taxé d'antisémitisme, alors qu'on ne fait simplement que défendre une opinion sur une question de politique étrangère et qu'il y a là une sorte de limite. C'est étonnant."
Entouré de journalistes, les questions fusent autour du comique paria et ex-candidat à l'élection présidentielle. Et les réponses pleuvent."Je suis passionné par ce qui se passe car d'un point de vue philosophique, un débat vient de s'ouvrir qui sera au coeur de l'élection présidentielle. D'ailleurs, le soutien de Sarkozy et de tous les autres montrent bien l'enjeu politique de ce procès. Ce débat va dans le sens de nos valeurs républicaines. Où commence la diffamation et l'injure ? Personnellement, je suis pour la liberté totale de la parole à condition qu'elle n'appelle pas à la violence physique."
Après ces quelques tirades, nous questionnons, à part, Dieudonné. Que pense-t'il de ce procès et du défilé d'hommes politiques venus soutenir Charlie Hebdo ? Le comique n'est pas en reste. "C'est intéressant. Je pense qu'ils sont en train de perdre les élections parce que Charlie Hebdo va être condamné. Et donc, ils auront soutenu une action raciste. Ce sera clair. Là est en train de se jouer une partie des élections présidentielles."
Et les caricatures ? "Moi, en tous cas, je n'ai jamais été aussi loin dans mes sketches, jamais. Je me suis toujours interdit l'injure au sacré.Maintenant, si c'est autorisé, laissez-moi faire. Je vais organisez moi même un concours de caricatures sur plein de sujets."
Dans un autre coin, plus discret, interviewé par une radio, Francis Szpiner, l'un des avocats des plaignants, est plus concis mais tout aussi caustique. " Je vois que monsieur Val, qui dit qu'il n'a rien fait, se croit obligé d'avoir treize témoins pour dire qu'il n'a rien fait. Il y a des évidence pour moi et manifestement pas pour lui."
Mais alors, que fait-on de la liberté de la presse, lui demande t'on. "La liberté de la presse est dictée par la loi et nous agissons dans le cadre de la loi. La liberté de la presse ne permet pas tout et notamment l'amalgame qui stigmatise une communauté et qui la présente comme terroriste. C'est une forme de racisme et en France, le racisme n'est pas une opinion, c'est un délit."
Des répliques parfois dignes des tragédies les plus pathétiques de l'antiquité, auxquelles les frontons marbrés du tribunal, où sont inscrits les mots de "république française", ne cessaient de renvoyer. Avec, comme dans toute pièce de théâtre, ses premiers et ses seconds rôles. Très vite, au défilé des stars de la scène (Bayrou, Hollande et Sarkozy), venus jouer les Antigone de la laïcité, ont fait place les seconds rôle et leur cortège de figurants.
Très vite aussi, Dieudonné fait son apparition. "On invoque la liberté d'expression lorsqu'on insulte le musulman et lorsqu'il s'agit de toucher par exemple à Israël, là on est tout de suite taxé d'antisémitisme, alors qu'on ne fait simplement que défendre une opinion sur une question de politique étrangère et qu'il y a là une sorte de limite. C'est étonnant."
Entouré de journalistes, les questions fusent autour du comique paria et ex-candidat à l'élection présidentielle. Et les réponses pleuvent."Je suis passionné par ce qui se passe car d'un point de vue philosophique, un débat vient de s'ouvrir qui sera au coeur de l'élection présidentielle. D'ailleurs, le soutien de Sarkozy et de tous les autres montrent bien l'enjeu politique de ce procès. Ce débat va dans le sens de nos valeurs républicaines. Où commence la diffamation et l'injure ? Personnellement, je suis pour la liberté totale de la parole à condition qu'elle n'appelle pas à la violence physique."
Après ces quelques tirades, nous questionnons, à part, Dieudonné. Que pense-t'il de ce procès et du défilé d'hommes politiques venus soutenir Charlie Hebdo ? Le comique n'est pas en reste. "C'est intéressant. Je pense qu'ils sont en train de perdre les élections parce que Charlie Hebdo va être condamné. Et donc, ils auront soutenu une action raciste. Ce sera clair. Là est en train de se jouer une partie des élections présidentielles."
Et les caricatures ? "Moi, en tous cas, je n'ai jamais été aussi loin dans mes sketches, jamais. Je me suis toujours interdit l'injure au sacré.Maintenant, si c'est autorisé, laissez-moi faire. Je vais organisez moi même un concours de caricatures sur plein de sujets."
Dans un autre coin, plus discret, interviewé par une radio, Francis Szpiner, l'un des avocats des plaignants, est plus concis mais tout aussi caustique. " Je vois que monsieur Val, qui dit qu'il n'a rien fait, se croit obligé d'avoir treize témoins pour dire qu'il n'a rien fait. Il y a des évidence pour moi et manifestement pas pour lui."
Mais alors, que fait-on de la liberté de la presse, lui demande t'on. "La liberté de la presse est dictée par la loi et nous agissons dans le cadre de la loi. La liberté de la presse ne permet pas tout et notamment l'amalgame qui stigmatise une communauté et qui la présente comme terroriste. C'est une forme de racisme et en France, le racisme n'est pas une opinion, c'est un délit."
L'islamophobie pour fond de commerce
Pour Saddek Selem, quinquagénaire et auteur de plusieurs ouvrages sur la question de l'islam, cette affaire de caricatures a été, avant toute chose, une aubaine financière pour la presse quotidienne française.
Un avis qu'il tente d'expliquer à une jeune femme française, d'origine grecque, venu défendre la liberté d'expression du journal satyrique.
"Charlie Hebdo comme Le Monde étaient en crise financière et France-Soir a connu une liquidation judiciaire. Ces trois journaux ont voulu vendre du papier en surfant sur l'islamophobie."
"Mais non, ce n'est pas de l'islamophobie."
"Vous étiez peut-être jeune au moment de l'affaire Ruschdie, c'était en 1989."
"Oui, j'avais trois ans."
"Le Monde a titré alors "Mille khomeynistes défilent à Paris". Hors, il n'y avait pas un seul khomeyniste. Ce livre (NDLR : il s'agit des Versets sataniques) a été financé par Jack Lang, alors ministre de la culture, qui est sorti de sa réserve, en ignorant la sensibilité de ces bougnoules."
"En ce qui me concerne, lui répond la jeune femme, j'ai du mal à parlé des gens comme d'une seule communauté et dire les musulmans ou les chrétiens."
"Justement, une affaire comme celle là crée du communautarisme."
"Non, mais je pense monsieur qu'il est très important de pratiquer l'auto-dérision, de savoir se regarder en face et de rire de soi-même. Visiblement, les musulmans ont du mal à se moquer d'eux-même."
Solennel, et au milieu du vacarme irrégulier des figurants, le dialogue inter-générationnel se poursuit.
Et c'est, probablement, ce qui restera le plus de ce procès, sa capacité à avoir créer le dialogue dans un espace relativement neutre, celui du tribunal, le seul peut-être où pouvait exister ces débats, par essence inachevés. En attendant le verdict...
Un avis qu'il tente d'expliquer à une jeune femme française, d'origine grecque, venu défendre la liberté d'expression du journal satyrique.
"Charlie Hebdo comme Le Monde étaient en crise financière et France-Soir a connu une liquidation judiciaire. Ces trois journaux ont voulu vendre du papier en surfant sur l'islamophobie."
"Mais non, ce n'est pas de l'islamophobie."
"Vous étiez peut-être jeune au moment de l'affaire Ruschdie, c'était en 1989."
"Oui, j'avais trois ans."
"Le Monde a titré alors "Mille khomeynistes défilent à Paris". Hors, il n'y avait pas un seul khomeyniste. Ce livre (NDLR : il s'agit des Versets sataniques) a été financé par Jack Lang, alors ministre de la culture, qui est sorti de sa réserve, en ignorant la sensibilité de ces bougnoules."
"En ce qui me concerne, lui répond la jeune femme, j'ai du mal à parlé des gens comme d'une seule communauté et dire les musulmans ou les chrétiens."
"Justement, une affaire comme celle là crée du communautarisme."
"Non, mais je pense monsieur qu'il est très important de pratiquer l'auto-dérision, de savoir se regarder en face et de rire de soi-même. Visiblement, les musulmans ont du mal à se moquer d'eux-même."
Solennel, et au milieu du vacarme irrégulier des figurants, le dialogue inter-générationnel se poursuit.
Et c'est, probablement, ce qui restera le plus de ce procès, sa capacité à avoir créer le dialogue dans un espace relativement neutre, celui du tribunal, le seul peut-être où pouvait exister ces débats, par essence inachevés. En attendant le verdict...