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Caricatures et chocolat chaud

Rédigé par Propos recueillis par Amara BAMBA | Vendredi 17 Février 2006 à 03:47

           

Fin de manif à Paris. Maria, Rajae et Saloua s'accordent une pause chocolat. Venues manifester à l'appel de l'Union des associations musulmanes du 93 ce samedi 11 février à Paris, les trois amies devisent librement sur cette «affaire des caricatures ». Entretien avec trois jeunes musulmanes qui ne manquent pas d'arguments.



Saphirnews.com: Qu'est ce qui vous a motivées à venir manifester?


Saloua: C'est que j'estime qu'il y a blasphème. Ce n'est pas seulement le Prophète, mais à travers lui j'estime qu'il s'agit de tous les musulmans. Or dans le monde nous sommes déjà diabolisés. Alors je dis « ça suffit ».

Rajae: Pour moi, c'est à cause de la provocation. Les caricatures posaient déjà problème et Charlie-Hebdo a quand même voulu les publier. Donc il ne s'agit pas de liberté de presse, il s'agit de provocation et c'est tout.

L'affaire est quand même née au Danemark. Elle a été intensifiée dans le monde Arabe. Maintenant elle mobilise en Europe. N'y a-t-il pas un effet de suivisme?

Maria: C'est vrai que la polémique a commencé au Danemark, donc en Europe. Mais il a fallu que l'affaire fasse du bruit dans le monde Arabe pour que le public en soit informé. Avant les violentes réactions dans le monde arabe, peu de gens étaient au courant de cette affaire. Pour moi cela veut simplement dire que les médias font mal leur boulot.

Saloua: Je crois que vous faites allusion à l'intégration de l'islam en Europe... Je pense qu'on ne sera jamais intégrés comme ils veulent. Pour eux, quand ils parlent d'intégration, ils veulent dire « assimilation ». Ce qui signifie, entre autre, délaisser notre religion, cesser d'être ce que nous sommes pour nous assimiler. Ce n'est pas possible, cette attente n'est pas honnête.

Avez-vous parlé de ces caricatures avec des amis non musulmans?

Saloua: Non, pas vraiment. Je n'en ai pas eu l'occasion.

Maria: Oui, j'en ai parlé avec un ami qui n'est pas musulman et il est d'accord avec moi. Dans la pensée de certains non musulmans, on peut rigoler de tout. Or quand vous regardez l'actualité internationale on nous dit que les musulmans sont des terroristes. Et ça c'est pas drôle du tout.

Aujourd'hui même les chansons sont accompgnées d'images. L'absence d'images du Prophète ne vous dérange-t-elle pas ?

Saloua: S'il y a un manque ? Non, ça ne me dérange pas. L'image n'est pas nécessaire et je n'éprouve pas le besoin de représenter le Prophète. De toute façon, même si quelqu'un voulait le dessiner aujourd'hui, il ne le pourra pas car il n'aura pas de modèle fiable.

Maria: C'est cela. Je pense que, quelle que soit la représentation du Prophète, elle ne sera jamais fidèle. Il n'y a pas d'image du Prophète. Et si quelqu'un devait le représenter, il est libre mais rien ne prouvera que son dessin est conforme à l'image du Prophète. Donc pour moi, cette absence d'image fait partie de l'image du Prophète.

Que pensez-vous des réactions de protestations dans le monde Arabe?

Maria: Si vous faites allusion aux drapeaux qui ont brûlé ainsi qu'à l'ambassade en Syrie, je trouve que c'est un peu exessif. Mais il faut savoir aussi que ce sont des réactions encouragées par les pouvoirs en place. Ceux-là se servent de cette affaire pour asseoire une légitimité qu'ils n'ont pas auprès de leurs peuples.

Saloua: C'est vrai. Mais en même temps, c'est parce qu'il y a eu de tels débordements que les gens on vu que c'était grave et qu'il y a eu des réactions dans le monde. Il y a comme un dilemme, je pense. Moi je suis pour le boycott. Ce n'est pas violent et c'est une action qui a fait ses effets. Cela montre combien les questions financières sont importantes.

N'est-ce pas injuste de boycotter tout un pays parce qu'un de ses nombreux journaux vous a offensée?

Maria: Du tout! C'est pas injuste parce qu'ils font pareil. Certains pays dont les Etats-unis parlent de couper les aides à la Palestine parce que le Hamas a gagné les élections démocratiques. J'estime que c'est comparable: ils n'aiment pas le Hamas alors ils sanctionnent tous les Palestiniens sans discernement. Eh bien nous pouvons agir de même. Et c'est un juste retour de bâton.

Que pensez-vous de la réaction du Conseil français du culte musulman (CFCM) ?

Saloua: le CFCM n'est pas représentatif. Je ne compte pas sur eux pour me défendre. Ils ne me représentent pas. Ils représentent eux-mêmes. Pas moi.

Maria: Pour moi, c'est simple: le CFCM c'est de la politique. Donc peu m'importent leurs réactions. On les a déjà vus dans d'autres affaires. Je n'ai pas voté pour eux, ils ne me représentent pas.

Vous deviez être très jeunes au moment de l'affaire Rushdie. C'était à propos d'un livre contre le Prophète. Croyez-vous que c'est comparable à cette affaire de caricatures?

Maria: C'est vrai que j'étais jeune au moment de l'affaire Rushdie, mais je connais quand même l'affaire des « versets sataniques ». Et je trouve qu'elle n'est pas comparable à l'affaire des caricatures. L'affaire Rushdie, c'est la révolte d'un musulman contre sa religion. Salman Rushdie est de culture musulmane même s'il a renoncé à l'islam. Mais surtout, l'affaire Rushdie s'est déroulée dans un contexte international différent. Aujourd'hui, nous sommes face à un contexte international déjà très chaud pour les musulmans. Rien que cela suffit à faire une différence.

Saloua: On ne peut pas les confondre. Déjà les supports ne sont pas les mêmes. Dans un cas il s'agit de dessins dans un journal que tout le monde peut lire. Et dans l'autre c'est un travail plus sérieux... Un livre demande plus de réflexion et plus de temps qu'un dessin. Mais quand on me parle de livres, je pense à d'autres écrivains comme Michel Houellebecq et Oriana Fallaci qui ont écrit des livres où ils insultent les musulmans. Il y a eu des procès mais ça n'a rien donné.

Maria: Sauf que ça a fait vendre leurs livres. De toute façon un sujet qui fait polémique est un sujet qui fait vendre. Et les journaux le savent. Les gens sont curieux. Nous sommes curieux!!







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