Le 17 décembre 2023 était le 21e anniversaire du décès de Muhammad Hamidullah. Que Dieu l'accueille dans Sa grâce et Sa miséricorde infinies. Qu'Il nous guide vers le meilleur de son œuvre de savant qui vécut et travailla pour servir l'islam en France non musulmane en refusant les propositions qui lui étaient adressées du Pakistan et de la Turquie, deux pays musulmans.
Muhammad Hamidullah consacre sa vie à la recherche scientifique et à l'enseignement de l'islam. La mort d'un tel maître n'est pas son absence physique ; la mort du maître est la disparition ou la corruption de son œuvre. Dans le cas du Professeur Hamidullah la graine de mort fut semée longtemps avant son décès. À dire vrai, il y a 20 ans, on se posait la question. Nous avons réagi en créant le Collectif Hamidullah, mais on n'a pas vu venir de sitôt. Les réseaux sociaux ont fait leur effet.
Muhammad Hamidullah consacre sa vie à la recherche scientifique et à l'enseignement de l'islam. La mort d'un tel maître n'est pas son absence physique ; la mort du maître est la disparition ou la corruption de son œuvre. Dans le cas du Professeur Hamidullah la graine de mort fut semée longtemps avant son décès. À dire vrai, il y a 20 ans, on se posait la question. Nous avons réagi en créant le Collectif Hamidullah, mais on n'a pas vu venir de sitôt. Les réseaux sociaux ont fait leur effet.
Les falsificateurs de son travail sont aussi musulmans
Le fait est que Hamidullah entretient un nuage flou autour de sa personne, fuyant les médias, « une vie d'ermite à Paris », loin des cercles de socialisation et entièrement consacrée à ses recherches, son enseignement. Un solitaire sans femme ni enfant qui parle du Prophète de l'islam mais ne parle pas de lui-même. Au final, l'œuvre de Hamidullah est devenue sans visage car ses recherches et son enseignement finissent par parler pour lui sans parler de lui. Des données observables peuvent ainsi devenir sources d'erreurs à moins de prendre le temps d'approcher le profil du personnage. La falsification du Coran en français de Hamidullah est de cet ordre.
Le sujet est délicat parce que les falsificateurs sont aussi musulmans. Il a fallu une bonne vingtaine d'années pour s'assurer qu'on pouvait en parler sans trahir la mémoire de Hamidullah lui-même. Car le professeur savait la situation ; il savait que son travail était perverti pour servir le wahhabisme et d'autres causes. Nous le lui avons dit, preuves à l'appui. Mais Hamidullah n'a jamais cédé à notre souhait de traduire les fauteurs en justice. Difficile donc de savoir ce que cachait le stoïcisme avec lequel il assistait au saccage de son travail. Le temps qui passe montre que Hamidullah s'est trompé. Aujourd'hui, si nous avons évité le mythe du professeur Hamidullah, nous risquons cependant de sombrer dans une caricature de la pensée de Hamidullah.
Connaître un savant à partir de son œuvre exige analyse. Un minimum de recul pour connaître l'homme dans sa réalité, son vécu. Dans le cas de Hamidullah, il importe de savoir comment il fut à la fois orientaliste et musulman en France dans les années 1950. Il importe de savoir pourquoi il choisit la France comme lieu de vie en étant « sujet de la couronne britannique ». Il peut être utile de connaître les raisons qui font que ce musulman, pieu et savant de l'islam, considère le catholique Louis Massignon comme son « maître ».
Dans le contexte français, il est aussi bon de se souvenir que Muhammad Hamidllah est certes né en terre d'islam, qu'il a étudié dans la tradition islamique mais que tout cela se déroule dans un contexte de minorité musulmane ; un islam autre, une société non arabe. C'est alors que l'on peut appréhender les archives des Renseignement généraux où certains journalistes paresseux puisent des données reprises par des chercheurs perroquets, confortés par le wahhabisme triomphant.
Lire aussi : Muhammad Hamidullah, homme de foi, de science et du vivre-ensemble : son fascinant parcours
Le sujet est délicat parce que les falsificateurs sont aussi musulmans. Il a fallu une bonne vingtaine d'années pour s'assurer qu'on pouvait en parler sans trahir la mémoire de Hamidullah lui-même. Car le professeur savait la situation ; il savait que son travail était perverti pour servir le wahhabisme et d'autres causes. Nous le lui avons dit, preuves à l'appui. Mais Hamidullah n'a jamais cédé à notre souhait de traduire les fauteurs en justice. Difficile donc de savoir ce que cachait le stoïcisme avec lequel il assistait au saccage de son travail. Le temps qui passe montre que Hamidullah s'est trompé. Aujourd'hui, si nous avons évité le mythe du professeur Hamidullah, nous risquons cependant de sombrer dans une caricature de la pensée de Hamidullah.
Connaître un savant à partir de son œuvre exige analyse. Un minimum de recul pour connaître l'homme dans sa réalité, son vécu. Dans le cas de Hamidullah, il importe de savoir comment il fut à la fois orientaliste et musulman en France dans les années 1950. Il importe de savoir pourquoi il choisit la France comme lieu de vie en étant « sujet de la couronne britannique ». Il peut être utile de connaître les raisons qui font que ce musulman, pieu et savant de l'islam, considère le catholique Louis Massignon comme son « maître ».
Dans le contexte français, il est aussi bon de se souvenir que Muhammad Hamidllah est certes né en terre d'islam, qu'il a étudié dans la tradition islamique mais que tout cela se déroule dans un contexte de minorité musulmane ; un islam autre, une société non arabe. C'est alors que l'on peut appréhender les archives des Renseignement généraux où certains journalistes paresseux puisent des données reprises par des chercheurs perroquets, confortés par le wahhabisme triomphant.
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Un profil aussi atypique que paradoxal
Rappelons Hamidullah n'a rien d'un cheikh de mosquée, bien au contraire. Il est un universitaire, un intellectuel engagé dans le débat politique. En cela, il se situe à l'opposé de sa tradition familiale, une tradition tribale qui arrive en Inde au 14e siècle et que l'on désigne comme les Ahl Nawaït, les nouveaux venus. Leurs origines sont arabes, de La Mecque, des Hachemites, le clan du Prophète de l'islam. Ils quittent l'Arabie conflictuelle pour trouver refuge en terre non musulmane où ils se consacrent à porter le message de l'islam.
En Inde, les Ahl Nawaït sont perçus comme une tribu de musulmans rigoristes, fermée, avec une forte tendance à l'endogamie et entièrement consacrée aux questions religieuses tant au niveau du culte, de l'enseignement que du droit. Ils sont les porteurs de l'islam, ses promoteurs et les gardiens d'une forme d'intégrité du culte religieux. Une culture clanique que l'on retrouve dans la famille de Hamidullah dont les grands-pères, le père, les frères et sœurs sont tous impliqués, à des niveaux variés, dans le « travail islamique » avec des recherches, des publications et des ouvrages importants tout comme dans l'enseignement. De là une tradition de résistance à la culture anglaise portée par la langue anglaise, taxée de menace à l'islam dans le contexte colonial.
La langue anglaise ne figure donc pas au programme de la Jamia Nizamia où Hamidullah fait ses années de lycée à Hyderabad. Cet institut est un séminaire qui forme l'élite musulmane locale. Il est le « Al Azhar indien » par comparaison à la célèbre université égyptienne. La Jamia Nizamia se veut alors un bastion de résistance islamique, le dernier rempart contre la « modernité » envahissante portée par la culture anglaise. C'est ainsi que le jeune Hamidullah apprend l'anglais seul pour présenter le test d'entrée à l'Université de l'Osmania. Sa famille apprend l'affaire par le journal qui annonce Hamidullah en tête du concours d'entrée à l'Osmania. La couleuvre fut ainsi avalée et la trahison consommée. Il devient « une exception atypique » tant pour les siens que dans les archives de la Jamia Nizamia où l'on ne trouve aucun autre départ vers l'Osmania.
En Inde, les Ahl Nawaït sont perçus comme une tribu de musulmans rigoristes, fermée, avec une forte tendance à l'endogamie et entièrement consacrée aux questions religieuses tant au niveau du culte, de l'enseignement que du droit. Ils sont les porteurs de l'islam, ses promoteurs et les gardiens d'une forme d'intégrité du culte religieux. Une culture clanique que l'on retrouve dans la famille de Hamidullah dont les grands-pères, le père, les frères et sœurs sont tous impliqués, à des niveaux variés, dans le « travail islamique » avec des recherches, des publications et des ouvrages importants tout comme dans l'enseignement. De là une tradition de résistance à la culture anglaise portée par la langue anglaise, taxée de menace à l'islam dans le contexte colonial.
La langue anglaise ne figure donc pas au programme de la Jamia Nizamia où Hamidullah fait ses années de lycée à Hyderabad. Cet institut est un séminaire qui forme l'élite musulmane locale. Il est le « Al Azhar indien » par comparaison à la célèbre université égyptienne. La Jamia Nizamia se veut alors un bastion de résistance islamique, le dernier rempart contre la « modernité » envahissante portée par la culture anglaise. C'est ainsi que le jeune Hamidullah apprend l'anglais seul pour présenter le test d'entrée à l'Université de l'Osmania. Sa famille apprend l'affaire par le journal qui annonce Hamidullah en tête du concours d'entrée à l'Osmania. La couleuvre fut ainsi avalée et la trahison consommée. Il devient « une exception atypique » tant pour les siens que dans les archives de la Jamia Nizamia où l'on ne trouve aucun autre départ vers l'Osmania.
Naturellement, son profil est aussi atypique au sein de l'Osmania où il étudie le droit. À la fin de son cycle, il s'intéresse au droit international comparé ; droit international islamique et droit international occidental. Il se rend en Égypte avec l'intention d'étudier à Al Azhar. Mais il trouve le système rigide de dogmes, trop traditionnel ; il se laisse tenter par le système européen.
Deux doctorats plus loin, en Allemagne et en France, sur la diplomatie du Prophète et des premiers califes, Hamidullah rentre à Hyderabad et enseigne dix ans à l'Osmania. Ce sont des années riches où il multiplie les traductions en tout genre selon la philosophie de son université. Il se spécialise sur les sources du droit islamique (usul fiqh), et commence une collection de « Traductions du Coran dans toutes les langues du monde » dont il tire quelques articles à partir de 1936. Il s'accorde une année sabbatique qu'il passe à Médine, à la Mosquée du Prophète, pour peaufiner son étude du Coran. Cette année est sanctionnée par un diplôme de « hafiz », gardien du Coran, dont il était fier, des décennies plus tard à Paris. De ce diplôme Hamidullah est « plus fier que tous les doctorats (qu'il) a soutenus », disait-il souvent.
Deux doctorats plus loin, en Allemagne et en France, sur la diplomatie du Prophète et des premiers califes, Hamidullah rentre à Hyderabad et enseigne dix ans à l'Osmania. Ce sont des années riches où il multiplie les traductions en tout genre selon la philosophie de son université. Il se spécialise sur les sources du droit islamique (usul fiqh), et commence une collection de « Traductions du Coran dans toutes les langues du monde » dont il tire quelques articles à partir de 1936. Il s'accorde une année sabbatique qu'il passe à Médine, à la Mosquée du Prophète, pour peaufiner son étude du Coran. Cette année est sanctionnée par un diplôme de « hafiz », gardien du Coran, dont il était fier, des décennies plus tard à Paris. De ce diplôme Hamidullah est « plus fier que tous les doctorats (qu'il) a soutenus », disait-il souvent.
Un kaléidoscope qui tient et travaille autour de Hamidullah
C'est avec ce profil déjà paradoxal que Muhammad Hamidullah entre au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) en 1952 sous le coparrainage de Maurice Gaudefroy Demombyns, son directeur de thèse, et Louis Massignon, son complice intellectuel qu'il appelle « cher maître ».
Ce Muhammad Hamidullah n'est plus en politique ; il est un « orientaliste » qui ne répond pas à la définition d'Edward Saïd. Car l'Orient de Hamidullah n'est ni imaginaire ni fantasmé ; il le porte en lui, dans son cœur autant que dans ses veines. Là où « l'orientaliste ordinaire » se rapproche pour coller à son sujet, Muhammad Hamidullah se dépouille pour prendre du recul afin d'observer son objet d'étude. Pour garder cette « distance scientifique » indispensable à l'analyse, il n'aura de cesse d'aller aux sources originales, les sources de première main. Ses étudiants turcs disent qu'il avait une « méthode d'archéologue » qui creuse dans les archives jusqu'à la source première, celle qui donne un savoir qu'on cite et qu'on répète de chercheur en chercheur tels des perroquets savants. Pour cela, Hamidullah avait l'avantage des langues. En plus de l'arabe et de l'ourdou, il avait le turc, le persan, l'anglais, l'allemand, le français, le russe et quelques autres qu'on lui prête mais qu'il ne signale pas lui-même. Mais il écrit qu'il lit l'espagnol et l'italien sans les parler couramment.
Pour rester libre des contraintes dogmatiques, Hamidullah refuse les propositions prestigieuses qui lui arrivent d'Orient. Il tient à rester en France où, malgré l'hostilité du milieu orientaliste, il jouit de sa liberté de chercheur. Liberté de penser, liberté de publier, liberté de choisir ses sujets et surtout la liberté de collaborer avec toutes les idéologies et opinions pour produire du savoir dans le cadre du CNRS. C'est ainsi que Muhammad Hamidullah vit en couple avec Ana Sfeir, de culture juive, pendant qu'il traduit le Coran en français, pendant qu'il rédige la biographie du Prophète de l'islam. C'est ainsi que Hamidullah s'investit avec Louis Massignon et l'écrivaine Yvonne Chauffin dans le dialogue islamo-chrétien en France. Ce Hamidullah se rend dans un couvent pour parler d'islam à des religieuses catholiques. Il accepte de débattre avec les étudiants communistes à l'université de Clermont-Ferrand, à une époque où l'athéisme soviétique est si tentant qu'il commence à infiltrer le discours des intellectuels musulmans.
En 1953, Hamidullah crée le Centre culturel islamique. Il organise des conférences en Sorbonne. Il distribue des cadeaux de Noël dans les banlieues défavorisées de Paris. Dix ans plus tard, il est à l'initiative de l'Association des étudiants islamiques de France (AEIF) qui accueille des étudiants de toutes origines, toutes tendances idéologiques confondues. Il y parvient en usant de son autorité pour imposer la diversité comme valeur et interdire le débat politique et les débats dogmatiques. On retrouve là des Frères musulmans ouvertement inscrits dans le panislamisme à côté de communistes musulmans qui prônent le panarabisme. L'AEIF compte aussi des piétistes du Tabligh, des chiites libanais et iraniens, des fidèles soufis de confréries diverses autant que des musulmans adeptes de cet « Islam noir » auquel Vincent Monteil a consacré un livre.
Ce Muhammad Hamidullah n'est plus en politique ; il est un « orientaliste » qui ne répond pas à la définition d'Edward Saïd. Car l'Orient de Hamidullah n'est ni imaginaire ni fantasmé ; il le porte en lui, dans son cœur autant que dans ses veines. Là où « l'orientaliste ordinaire » se rapproche pour coller à son sujet, Muhammad Hamidullah se dépouille pour prendre du recul afin d'observer son objet d'étude. Pour garder cette « distance scientifique » indispensable à l'analyse, il n'aura de cesse d'aller aux sources originales, les sources de première main. Ses étudiants turcs disent qu'il avait une « méthode d'archéologue » qui creuse dans les archives jusqu'à la source première, celle qui donne un savoir qu'on cite et qu'on répète de chercheur en chercheur tels des perroquets savants. Pour cela, Hamidullah avait l'avantage des langues. En plus de l'arabe et de l'ourdou, il avait le turc, le persan, l'anglais, l'allemand, le français, le russe et quelques autres qu'on lui prête mais qu'il ne signale pas lui-même. Mais il écrit qu'il lit l'espagnol et l'italien sans les parler couramment.
Pour rester libre des contraintes dogmatiques, Hamidullah refuse les propositions prestigieuses qui lui arrivent d'Orient. Il tient à rester en France où, malgré l'hostilité du milieu orientaliste, il jouit de sa liberté de chercheur. Liberté de penser, liberté de publier, liberté de choisir ses sujets et surtout la liberté de collaborer avec toutes les idéologies et opinions pour produire du savoir dans le cadre du CNRS. C'est ainsi que Muhammad Hamidullah vit en couple avec Ana Sfeir, de culture juive, pendant qu'il traduit le Coran en français, pendant qu'il rédige la biographie du Prophète de l'islam. C'est ainsi que Hamidullah s'investit avec Louis Massignon et l'écrivaine Yvonne Chauffin dans le dialogue islamo-chrétien en France. Ce Hamidullah se rend dans un couvent pour parler d'islam à des religieuses catholiques. Il accepte de débattre avec les étudiants communistes à l'université de Clermont-Ferrand, à une époque où l'athéisme soviétique est si tentant qu'il commence à infiltrer le discours des intellectuels musulmans.
En 1953, Hamidullah crée le Centre culturel islamique. Il organise des conférences en Sorbonne. Il distribue des cadeaux de Noël dans les banlieues défavorisées de Paris. Dix ans plus tard, il est à l'initiative de l'Association des étudiants islamiques de France (AEIF) qui accueille des étudiants de toutes origines, toutes tendances idéologiques confondues. Il y parvient en usant de son autorité pour imposer la diversité comme valeur et interdire le débat politique et les débats dogmatiques. On retrouve là des Frères musulmans ouvertement inscrits dans le panislamisme à côté de communistes musulmans qui prônent le panarabisme. L'AEIF compte aussi des piétistes du Tabligh, des chiites libanais et iraniens, des fidèles soufis de confréries diverses autant que des musulmans adeptes de cet « Islam noir » auquel Vincent Monteil a consacré un livre.
Un point de ralliement à l'islam en France
Ce kaléidoscope tient et travaille autour de Hamidullah. Il est une autorité intellectuelle pour certains, un Cheikh traditionnel pour d'autres, le conseiller en thèse de doctorat de certains autres. Tous sont déjà musulmans, chacun selon son histoire, ses origines et traditions, mais tous se côtoient à l'AEIF parce qu'ils y apprennent sur leur religion dans le cadre des « Causeries de Hamidullah ». Très peu resteront en France après leurs études.
Dans le 14e arrondissement de Paris, l'AEIF joue ainsi le rôle d'une pépinière de leaders musulmans francophones que l'on retrouve en Afrique comme en Asie avec « Professeur Hamidullah » comme point de ralliement à l'islam en France. Ils l'évoquent comme un ancien de l'Osmania, ou chercheur au CNRS mais aussi comme un enseignant de l'islam à l'université d'Istanbul. Car, tout au long de sa carrière au CNRS, Hamidullah enseigne à l'université turque en bravant le poids du kémalisme dominant.
Enseigner l'islam en Turquie dans les années 1950 est un acte militant risqué, un boulet que l'on met à sa carrière universitaire. Pour autant, Muhammad Hamidullah renoncera à des droits en France, il perdra des années de salaire, des annuités de cotisation de retraite, juste pour participer au retour des études islamiques dans l'université turque. L'islam est minoritaire à Hyderabad où il est né, l'islam est minoritaire en France où il vit. Or l'islam est majoritaire en Turquie. Certainement pour cette raison, Hamidullah apprécie la vie à Istanbul. Malgré les tracasseries administratives, le contrôle policier et l'autoritarisme militaire, il se rend chaque année en Turquie pour enseigner et sonder les fonds d'archives ottomanes, les nombreuses bibliothèques privées.
Lire aussi : Muhammad Hamidullah, pour l'amour de la Turquie
Savant sunnite, traducteur du Coran, Hamidullah siège cependant au comité de rédaction de la revue Pensée chiite éditée par le Centre iranien de formation islamique en Europe, débuts 1960. Il n'était pas Frère musulman mais on tient à le dire « proche des Frères musulmans » pour habiller un mensonge. Mais ça reste un mensonge que les Frères musulmans ne partagent pas. Car dès que la loi des associations étrangères fut levée en France le 9 octobre 1981, peu après l'élection de François Mitterrand, les Frères musulmans quittent l'AEIF et fondent leur propre association. Eux et les autres, ceux qui ont approché la complexité du personnage, tous ont su garder du respect pour celui qu'ils appellent « le professeur ». Quand on connaît les Frères musulmans et qu'on connaît Muhammad Hamidullah, il est difficile de leur trouver un air de famille sauf naïveté intellectuelle ou rationalité limitée.
Dans le 14e arrondissement de Paris, l'AEIF joue ainsi le rôle d'une pépinière de leaders musulmans francophones que l'on retrouve en Afrique comme en Asie avec « Professeur Hamidullah » comme point de ralliement à l'islam en France. Ils l'évoquent comme un ancien de l'Osmania, ou chercheur au CNRS mais aussi comme un enseignant de l'islam à l'université d'Istanbul. Car, tout au long de sa carrière au CNRS, Hamidullah enseigne à l'université turque en bravant le poids du kémalisme dominant.
Enseigner l'islam en Turquie dans les années 1950 est un acte militant risqué, un boulet que l'on met à sa carrière universitaire. Pour autant, Muhammad Hamidullah renoncera à des droits en France, il perdra des années de salaire, des annuités de cotisation de retraite, juste pour participer au retour des études islamiques dans l'université turque. L'islam est minoritaire à Hyderabad où il est né, l'islam est minoritaire en France où il vit. Or l'islam est majoritaire en Turquie. Certainement pour cette raison, Hamidullah apprécie la vie à Istanbul. Malgré les tracasseries administratives, le contrôle policier et l'autoritarisme militaire, il se rend chaque année en Turquie pour enseigner et sonder les fonds d'archives ottomanes, les nombreuses bibliothèques privées.
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Savant sunnite, traducteur du Coran, Hamidullah siège cependant au comité de rédaction de la revue Pensée chiite éditée par le Centre iranien de formation islamique en Europe, débuts 1960. Il n'était pas Frère musulman mais on tient à le dire « proche des Frères musulmans » pour habiller un mensonge. Mais ça reste un mensonge que les Frères musulmans ne partagent pas. Car dès que la loi des associations étrangères fut levée en France le 9 octobre 1981, peu après l'élection de François Mitterrand, les Frères musulmans quittent l'AEIF et fondent leur propre association. Eux et les autres, ceux qui ont approché la complexité du personnage, tous ont su garder du respect pour celui qu'ils appellent « le professeur ». Quand on connaît les Frères musulmans et qu'on connaît Muhammad Hamidullah, il est difficile de leur trouver un air de famille sauf naïveté intellectuelle ou rationalité limitée.
La corruption d'un travail de Hamidullah, une menace réelle
En tant que musulman sunnite, Hamidullah n'était ni malikite, ni chafiite ou hanafi. Il n'était surtout pas hanbalite comme les wahhabites saoudiens. Mais, pour des raisons que Dieu seul sait, de tout temps, il se trouve des esprits charitables pour dire que Hamidullah est un « jurisconsulte hanafite », sinon un « savant chafiite » ou un « soufi hanbalite ». Généralement, on se fonde sur des faits réels, des observations recevables mais toujours incomplètes. Le plus curieux est que personne ne dise que Hamidullah était malikite alors qu'il vivait à Paris, entouré de Maghrébins malikites ; ce qu’il n’était pas non plus.
Vouloir ranger Muhammad Hamidullah dans une case classique de polémiste de minbar est mission délicate car il abhorrait la polémique religieuse. Lorsqu'il se heurtait à un polémiste, le professeur avait l'habitude de dire : « J'ai pris note que vous n'êtes pas d'accord avec moi. » Et on en restait là. Il n'avait pas le souci d'avoir raison. Il avait le souci de faire connaître ses opinions, ses arguments et son raisonnement : « Présenter ce qui existe afin que chacun se fasse son opinion », dit-il. Et si sa logique et ses conclusions sont taxées « d'apologie de l'islam », il n'y voit pas de mal, il le prend comme un compliment. C'est pourquoi Hamidullah peut défendre quelqu'un d'autre, mais il ne se défend pas lui-même. Il ne défend pas sa personne, mais il défend ses idées, qu'elles soient exprimées par lui-même ou par une autre personne.
Hamidullah accorde à tour de bras son autorisation à ceux qui veulent rééditer ses livres. Quand on lui demande son accord, il propose souvent des corrections et compléments à la dernière édition de l'ouvrage. Il tenait ce type de document prêt, sous le coude. Quand on se passe de son autorisation, Hamidullah n'en fait pas un problème surtout si le livre est vendu à un prix abordable. Parce qu'il ne prend pas de droit d'auteur, il tient des propos sévères quand il trouve son livre cher. Mais jamais il ne s'attaque aux faussaires. C'est le cas de son livre le plus connu, le plus lu et le plus cité : sa traduction du Coran en français.
Cette corruption d'un travail de Hamidullah est une menace réelle. Une chose difficile à dénoncer en respectant la mémoire de l'intéressé. Mais quelques exemples suffisent à expliquer la situation. C'est ce que nous faisons dans la seconde partie (par ici).
Lire aussi :
Muhammad Hamidullah, pour l'amour de la Turquie
Muhammad Hamidullah, l'islam en français
Dialogue islamo-chrétien : Maurice Borrmans revivifie l’amitié entre Muhammad Hamidullah et Louis Massignon
Muhammad Hamidullah, homme de foi, de science et du vivre-ensemble
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Hamidullah accorde à tour de bras son autorisation à ceux qui veulent rééditer ses livres. Quand on lui demande son accord, il propose souvent des corrections et compléments à la dernière édition de l'ouvrage. Il tenait ce type de document prêt, sous le coude. Quand on se passe de son autorisation, Hamidullah n'en fait pas un problème surtout si le livre est vendu à un prix abordable. Parce qu'il ne prend pas de droit d'auteur, il tient des propos sévères quand il trouve son livre cher. Mais jamais il ne s'attaque aux faussaires. C'est le cas de son livre le plus connu, le plus lu et le plus cité : sa traduction du Coran en français.
Cette corruption d'un travail de Hamidullah est une menace réelle. Une chose difficile à dénoncer en respectant la mémoire de l'intéressé. Mais quelques exemples suffisent à expliquer la situation. C'est ce que nous faisons dans la seconde partie (par ici).
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