La marche #IAmAMuslimToo, protestant contre la politique anti-immigration de Donald Trump, a vu défiler plus d'un millier de manifestants dans les rues de New York, le 19 février. (photo ©imamuslimtoo)
NEW YORK. – Au lendemain des attentats de 2015, j'avais été invitée à intervenir aux États-Unis. De New York à Boston jusqu'a Washington, j'étais intervenue auprès d'étudiants de la New York University, de Brandeis, dans des synagogues, des mosquées, des groupes interreligieux. Et avais été à la rencontre de nombreuses personnalités musulmanes. Certains du monde académique, d autres religieux et certains militants.
Il y a deux ans, quand nous nous sommes rencontrées avec Linda Sarsour, ce n'était pas la star activiste qu'elle est aujourd'hui. Elle n'avait pas encore co-organisé la Marche des femmes au lendemain de l'élection de Trump, n'avait pas marché de New York jusqu'à Washington pour protester contre les violences policières, n'avait pas concouru à obtenir du maire Bill de Blasio des jours fériés pour les écoles publiques lors des deux Aïd.
Linda n'était pas encore tout cela. Elle était une femme avec qui j'ai eu plaisir à converser à moitié en anglais et à moitié en palestinien appris lors de mon année passée à Ramallah, entre autres. Nous avons parlé des musulmans aux États-Unis, de Brooklyn et des plateformes interreligieuses dans la lutte pour les droits civiques.
Aujourd'hui, Linda est clairement une des figures de proue du militantisme américain. Pour beaucoup un exemple aussi.
Il y a deux ans, quand nous nous sommes rencontrées avec Linda Sarsour, ce n'était pas la star activiste qu'elle est aujourd'hui. Elle n'avait pas encore co-organisé la Marche des femmes au lendemain de l'élection de Trump, n'avait pas marché de New York jusqu'à Washington pour protester contre les violences policières, n'avait pas concouru à obtenir du maire Bill de Blasio des jours fériés pour les écoles publiques lors des deux Aïd.
Linda n'était pas encore tout cela. Elle était une femme avec qui j'ai eu plaisir à converser à moitié en anglais et à moitié en palestinien appris lors de mon année passée à Ramallah, entre autres. Nous avons parlé des musulmans aux États-Unis, de Brooklyn et des plateformes interreligieuses dans la lutte pour les droits civiques.
Aujourd'hui, Linda est clairement une des figures de proue du militantisme américain. Pour beaucoup un exemple aussi.
Linda Sarsour et Samia Hathroubi.
Dimanche dernier, elle était entre autres aux côtés d'un rabbin et d'un imam new-yorkais avec le maire Bill de Blasio pour dire #IAmAMuslimToo. Dans l'Amérique de Trump, l'événement a fait mouche. Des milliers de personnes de toutes convictions ont répondu présent.
Il semblerait que tout soit devenu possible dans cette Amérique-là. Pour le pire et pour le meilleur.
La semaine passée a eu lieu une conférence de presse. Exercice presque banal pour le locataire du Bureau ovale. Exercice stratosphérique sous le mandat de Trump, qui offre un condensé de mépris et de dédain pour les journalistes américains souvent médusés face à ce 45e Président.
À un journaliste d’un média juif qui s’inquiétait des alertes attentats et des attaques contre les communautés juives, Trump, lui coupant la parole et le faisant se rasseoir, a ainsi déclaré : « Je suis la personne la moins antisémite que vous pourrez trouver sur terre. » De quoi surprendre…
Pourtant, dans l’Amérique de Trump, si la haine des musulmans est devenu doctrine d’État, la détestation du juif dans cette Amérique populiste se porte bien. Quelques jours après cette conférence de presse, 100 tombes juives ont été saccagées dans le cimetière Chesed Shel Emeth.
Et là encore, Linda a donné une leçon de militantisme et de solidarité à des milliers d’hommes et de femmes. Elle qui fut l’une des premières à rejoindre le mouvement des #BlackLivesMatter au nom de la justice sociale a lancé une collecte qui en moins de 3 heures récoltait 20 000 dollars pour réparer le cimetière. À l’heure où j’écris, la collecte a atteint cinq fois son but.
Il semblerait que tout soit devenu possible dans cette Amérique-là. Pour le pire et pour le meilleur.
La semaine passée a eu lieu une conférence de presse. Exercice presque banal pour le locataire du Bureau ovale. Exercice stratosphérique sous le mandat de Trump, qui offre un condensé de mépris et de dédain pour les journalistes américains souvent médusés face à ce 45e Président.
À un journaliste d’un média juif qui s’inquiétait des alertes attentats et des attaques contre les communautés juives, Trump, lui coupant la parole et le faisant se rasseoir, a ainsi déclaré : « Je suis la personne la moins antisémite que vous pourrez trouver sur terre. » De quoi surprendre…
Pourtant, dans l’Amérique de Trump, si la haine des musulmans est devenu doctrine d’État, la détestation du juif dans cette Amérique populiste se porte bien. Quelques jours après cette conférence de presse, 100 tombes juives ont été saccagées dans le cimetière Chesed Shel Emeth.
Et là encore, Linda a donné une leçon de militantisme et de solidarité à des milliers d’hommes et de femmes. Elle qui fut l’une des premières à rejoindre le mouvement des #BlackLivesMatter au nom de la justice sociale a lancé une collecte qui en moins de 3 heures récoltait 20 000 dollars pour réparer le cimetière. À l’heure où j’écris, la collecte a atteint cinq fois son but.
En France, certains, au nom d’inimités historiques, médiatiques et politiques, ne cessent de répéter que c’est impossible. Que c’est vain. Que chacun doit défendre son pré carré : l’antisémitisme d’un côté, l’islamophobie de l’autre, et nous au milieu.
En France, certains, au nom de la laïcité ou de la non-assignation identitaire, n’aiment pas que l’on puisse agir en société par le biais d’une de nos identités. C’est encore plus vrai quand il s’agit de juifs et de musulmans.
En France, on conjure nos haines dans des tribunaux ou sur des plateaux télévisés, où plus la phrase choque, plus elle fera du buzz.
Des Blancs devenus non désirables dans certaines luttes, aux intellectuels essentialistes à qui l’on doit l’antisémitisme congénital des tétons des mères musulmanes, aux racialistes New Age pour qui bamboulas et bicots sont des mots doux, la France vue d’ailleurs est devenue le théâtre des champs de bataille des uns contre les autres, et de la guerre de tous contre tous.
Pour reprendre les propos de Germaine Tillion, résistante contre le nazisme et insoumise face à la France en Algérie, nous vivons sous l’emprise des « ennemis complémentaires ».
Après quelques semaines du mandat catastrophique de l’administration Trump, la société civile américaine dont fait partie Linda Sarsour offre pour le moment une leçon. D’efficacité. De coopération. De solidarité pour faire avancer la justice sociale.
Elle montre qu’une injustice pour les uns est une menace pour chacun. Une leçon à retenir à quelques mois des élections présidentielle et législatives françaises.
****
Samia Hathroubi est déléguée Europe de la Foundation for Ethnic Understanding.
En France, certains, au nom de la laïcité ou de la non-assignation identitaire, n’aiment pas que l’on puisse agir en société par le biais d’une de nos identités. C’est encore plus vrai quand il s’agit de juifs et de musulmans.
En France, on conjure nos haines dans des tribunaux ou sur des plateaux télévisés, où plus la phrase choque, plus elle fera du buzz.
Des Blancs devenus non désirables dans certaines luttes, aux intellectuels essentialistes à qui l’on doit l’antisémitisme congénital des tétons des mères musulmanes, aux racialistes New Age pour qui bamboulas et bicots sont des mots doux, la France vue d’ailleurs est devenue le théâtre des champs de bataille des uns contre les autres, et de la guerre de tous contre tous.
Pour reprendre les propos de Germaine Tillion, résistante contre le nazisme et insoumise face à la France en Algérie, nous vivons sous l’emprise des « ennemis complémentaires ».
Après quelques semaines du mandat catastrophique de l’administration Trump, la société civile américaine dont fait partie Linda Sarsour offre pour le moment une leçon. D’efficacité. De coopération. De solidarité pour faire avancer la justice sociale.
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Samia Hathroubi est déléguée Europe de la Foundation for Ethnic Understanding.
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