Le Président de la République, Emmanuel Macron, a enfin prononcé son discours tant attendu sur les séparatismes. Comme d’habitude, le résultat est très éloigné des mesures simplistes et caricaturales dispersées les jours précédents dans la presse.
Lire aussi : La lutte contre « les séparatismes », un pluriel bien singulier assumé du gouvernement
Globalement, le discours se démarque par une très forte rationalité avec manifestement un souci de précision dans l’analyse, un grand nombre d’articulations logiques et des raisonnements assez rares dans un domaine où la tentation de faire appel aux émotions est forte : définition des termes du débat en découplant la notion de laïcité de celle du sujet du séparatisme, désignation sans détours du problème énoncé comme étant le « séparatisme islamiste », analyse courageuse des causes, y compris s’agissant de la responsabilité de l’Etat et du passé colonial, pose du cadre et des limites, réflexion sur l’islam dans une dimension mondialisée comme religion en crise…
Que l’on soit en accord ou non avec cette analyse, nous ne pouvons qu’en recommander la lecture patiente et approfondie tant ce discours résonne par sa structure rationnelle et sa problématisation philosophique. On note aussi une certaine conscience de la nécessité de doter la République d’une dimension charnelle où celle-ci donne de « l’amour » et de « l’espoir »… De là à revivifier la religion républicaine des révolutionnaires ? On reconnaît bien là à la fois l’élève de Paul Ricœur et le politique lucide affranchi des idéologies.
Ce diagnostic posé permet d’enchaîner sur la présentation d’une série de mesures établies sur cinq piliers…comme un clin d’œil aux cinq piliers de l’islam. Nous en dénombrons 21 qu’il ne s’agit pas de détailler ici par souci de concision mais retenons que l’essentiel du dispositif repose sur un contrôle accru des associations et de leur financement, une protection des gestionnaires du culte contre les tentatives de putsch généralement menés par des radicaux, le retour de la langue arabe dans un enseignement laïc relevant pleinement de l’éducation nationale, la quasi-interdiction de l’instruction à domicile, et la désignation du Conseil français du culte musulman (CFCM) comme responsable de la structuration d’un islam apaisé.
Lire aussi : « Bâtir un islam des Lumières » : ce qu'il faut retenir du discours de Macron contre « l’islamisme radical »
On a échappé à une énième interdiction du voile dans l’espace public et aux certificats de virginité, tandis que des efforts sont faits pour restructurer ce vieux serpent de mer qu’est l’islam de France et reprendre le contrôle sur le terrain réel des associations, des mosquées et de la langue arabe. Cela suggère peut-être une victoire de l’entourage de Gérald Darmanin sur celui du tandem Blanquer-Schiappa.
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Globalement, le discours se démarque par une très forte rationalité avec manifestement un souci de précision dans l’analyse, un grand nombre d’articulations logiques et des raisonnements assez rares dans un domaine où la tentation de faire appel aux émotions est forte : définition des termes du débat en découplant la notion de laïcité de celle du sujet du séparatisme, désignation sans détours du problème énoncé comme étant le « séparatisme islamiste », analyse courageuse des causes, y compris s’agissant de la responsabilité de l’Etat et du passé colonial, pose du cadre et des limites, réflexion sur l’islam dans une dimension mondialisée comme religion en crise…
Que l’on soit en accord ou non avec cette analyse, nous ne pouvons qu’en recommander la lecture patiente et approfondie tant ce discours résonne par sa structure rationnelle et sa problématisation philosophique. On note aussi une certaine conscience de la nécessité de doter la République d’une dimension charnelle où celle-ci donne de « l’amour » et de « l’espoir »… De là à revivifier la religion républicaine des révolutionnaires ? On reconnaît bien là à la fois l’élève de Paul Ricœur et le politique lucide affranchi des idéologies.
Ce diagnostic posé permet d’enchaîner sur la présentation d’une série de mesures établies sur cinq piliers…comme un clin d’œil aux cinq piliers de l’islam. Nous en dénombrons 21 qu’il ne s’agit pas de détailler ici par souci de concision mais retenons que l’essentiel du dispositif repose sur un contrôle accru des associations et de leur financement, une protection des gestionnaires du culte contre les tentatives de putsch généralement menés par des radicaux, le retour de la langue arabe dans un enseignement laïc relevant pleinement de l’éducation nationale, la quasi-interdiction de l’instruction à domicile, et la désignation du Conseil français du culte musulman (CFCM) comme responsable de la structuration d’un islam apaisé.
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Un bon diagnostic mais des interrogations nombreuses
Même si le diagnostic est brillant et les mesures pertinentes, celles-ci suscitent bien des interrogations.
Pour le démantèlement des regroupements radicaux, via les associations, les mosquées ou les écoles hors-contrat, est-ce que des gardes fous suffisants seront posés pour que les renforcements des pouvoirs du Préfet sur celui du juge ne virent pas à des excès ?
Est-il pertinent que les délégataires de services publics mais relevant du privé soient soumis aux mêmes règles de neutralité que celles en vigueur chez les fonctionnaires ?
Est-ce qu’un contrôle renforcé des structures liées au « séparatisme islamiste » peut s’opérer sans les acteurs de terrain et ces derniers ne risquent-ils pas d’être en porte à faux vis-à-vis d’une certaine population ?
Est-ce que le CFCM, traversé sans cesse par des crises internes, est l’interlocuteur pertinent pour un chantier aussi gigantesque que la structuration de l’islam de France dans lequel il a par ailleurs failli de nombreuses fois dans le passé ?
Et concrètement, que fait-on justement pour prévenir les dérives dénoncées par le président lui-même ? Autant de questions qui, faute de texte, seront très probablement disputées les prochaines semaines.
Pour le démantèlement des regroupements radicaux, via les associations, les mosquées ou les écoles hors-contrat, est-ce que des gardes fous suffisants seront posés pour que les renforcements des pouvoirs du Préfet sur celui du juge ne virent pas à des excès ?
Est-il pertinent que les délégataires de services publics mais relevant du privé soient soumis aux mêmes règles de neutralité que celles en vigueur chez les fonctionnaires ?
Est-ce qu’un contrôle renforcé des structures liées au « séparatisme islamiste » peut s’opérer sans les acteurs de terrain et ces derniers ne risquent-ils pas d’être en porte à faux vis-à-vis d’une certaine population ?
Est-ce que le CFCM, traversé sans cesse par des crises internes, est l’interlocuteur pertinent pour un chantier aussi gigantesque que la structuration de l’islam de France dans lequel il a par ailleurs failli de nombreuses fois dans le passé ?
Et concrètement, que fait-on justement pour prévenir les dérives dénoncées par le président lui-même ? Autant de questions qui, faute de texte, seront très probablement disputées les prochaines semaines.
La capacité de la République à se transformer testée
En attendant, le discours suscite comme d’habitude des réactions mitigées, négatives et contradictoires entre l’extrême gauche qui dénonce une stigmatisation des musulmans, la droite républicaine qui reproche au président une culture de l’excuse, l’extrême droite qui ne voit aucune mesure contre une immigration qui serait le cœur du problème et les musulmans identitaires qui croient deviner ce qui n’est qu’une manœuvre électorale pour se maintenir au pouvoir.
Au-delà des jugements partisans et idéologiques, ce n’est tout simplement pas à ceux qui mettent de l’huile sur le feu et qui bénéficient d’une rente de situation sur ces thématiques de se prononcer. Peut-être aussi qu’il n’y a rien de toutes ces accusations et que la vérité, comme souvent, se trouve au milieu de tout cela.
Nous verrons, au-delà du diagnostic et des mesures avancées, si la République est capable de se transformer pour incarner cette dimension charnelle et ces nouvelles espérances pour tous ses enfants.
*****
Yassine Ayari est ingénieur.
Lire aussi :
« Séparatisme islamiste » : dans les rangs de la gauche, des tirs à boulets rouges contre Macron
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Lutte contre le séparatisme : Macron acte une quasi fin de l’instruction à domicile
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