Terrorisme : condamner, expliquer, résister, tel était le titre du document publié par Justice et Paix voilà quelques années.
Comprendre ou expliquer n’est pas excuser. Pour faire face efficacement à un adversaire, il faut le connaître. L’étude des différentes formes de radicalisation permet d’examiner comment la société peut y parer. Comme l’a écrit le général Pierre de Villiers, chef d’État-major des armées : « Une stratégie fondée sur les seuls effets militaires ne pourra jamais agir sur les racines de la violence lorsque celles-ci s’inscrivent dans le manque d’espoir, de justice, de développement, de gouvernance, de considération. »
Comprendre ou expliquer n’est pas excuser. Pour faire face efficacement à un adversaire, il faut le connaître. L’étude des différentes formes de radicalisation permet d’examiner comment la société peut y parer. Comme l’a écrit le général Pierre de Villiers, chef d’État-major des armées : « Une stratégie fondée sur les seuls effets militaires ne pourra jamais agir sur les racines de la violence lorsque celles-ci s’inscrivent dans le manque d’espoir, de justice, de développement, de gouvernance, de considération. »
On ne naît pas fanatique
Nous savons que le terrorisme auquel nous sommes confrontés plonge ses racines dans des situations géopolitiques que seule la communauté internationale peut traiter. Mais il existe en Europe quelques centaines de jeunes Européens, souffrant manifestement d’exclusion sociale, qui sont une sorte d’armée de réserve djihadiste. Ils ne craignent ni la mort, ni la prison, à plus forte raison la déchéance de nationalité.
Comment prévenir la radicalisation de ces jeunes ? La difficulté est de taille, quand on sait que le fanatisme porte en lui la certitude d’agir pour la plus juste des causes et la conviction que tous ceux qui s’opposent à lui doivent être détruits. Pourtant, on ne naît pas fanatique – c’est-à-dire enfermé dans un système clos et illusoire de perceptions et d’idées sur le monde extérieur et sur soi-même –, on le devient. La déradicalisation est certes nécessaire, mais elle intervient généralement trop tard : il faut agir en amont.
Selon Edgar Morin, le fanatisme se construit à partir de trois données :
– le réductionnisme, à savoir la propension de l’esprit à prétendre connaître le tout à partir de la connaissance d’une partie ;
– le manichéisme, qui engage la lutte du Bien absolu contre le Mal absolu ;
– et la réification, quand l’idéologie ou la croyance religieuse masquent le réel et sa complexité et deviennent pour le fanatique le véritable réel.
Le fanatisme ne provient pas d’une seule source : ces jeunes rejetés ou « ghettoïsés » peuvent être des croyants convertis à une foi qui leur apporte la Vérité absolue, des désespérés sans croyance particulière, des dogmatistes qui justifient et condamnent, ou encore des jeunes en quête de ferveur révolutionnaire.
Là où nous ne voyons que la cruauté et la monstruosité de l’État islamique, ils nous répondent par l’inhumanité de la guerre des drones et des missiles, la succession des conflits depuis 70 ans au Moyen-Orient, le pouvoir de l’argent et de la force dans une civilisation qui leur apparait vide de sens alors qu’ils rêvent du retour d’un califat ordonné par Dieu.
Comment prévenir la radicalisation de ces jeunes ? La difficulté est de taille, quand on sait que le fanatisme porte en lui la certitude d’agir pour la plus juste des causes et la conviction que tous ceux qui s’opposent à lui doivent être détruits. Pourtant, on ne naît pas fanatique – c’est-à-dire enfermé dans un système clos et illusoire de perceptions et d’idées sur le monde extérieur et sur soi-même –, on le devient. La déradicalisation est certes nécessaire, mais elle intervient généralement trop tard : il faut agir en amont.
Selon Edgar Morin, le fanatisme se construit à partir de trois données :
– le réductionnisme, à savoir la propension de l’esprit à prétendre connaître le tout à partir de la connaissance d’une partie ;
– le manichéisme, qui engage la lutte du Bien absolu contre le Mal absolu ;
– et la réification, quand l’idéologie ou la croyance religieuse masquent le réel et sa complexité et deviennent pour le fanatique le véritable réel.
Le fanatisme ne provient pas d’une seule source : ces jeunes rejetés ou « ghettoïsés » peuvent être des croyants convertis à une foi qui leur apporte la Vérité absolue, des désespérés sans croyance particulière, des dogmatistes qui justifient et condamnent, ou encore des jeunes en quête de ferveur révolutionnaire.
Là où nous ne voyons que la cruauté et la monstruosité de l’État islamique, ils nous répondent par l’inhumanité de la guerre des drones et des missiles, la succession des conflits depuis 70 ans au Moyen-Orient, le pouvoir de l’argent et de la force dans une civilisation qui leur apparait vide de sens alors qu’ils rêvent du retour d’un califat ordonné par Dieu.
L’apprentissage de la connaissance
Les débats politiques depuis le 13 novembre ont surtout porté sur l’état d’urgence. Cet état d’urgence, parfaitement justifié sur le moment, est un état d’exception qui doit demeurer limité dans le temps, encadré et contrôlé. La sortie de l’état d’urgence est une décision politique très difficile, mais nécessaire, car dans une démocratie la préservation de l’État de droit reste l’impératif qui doit être articulé avec l’indispensable protection des citoyens.
Le véritable projet à opposer au réductionnisme, au manichéisme et à la réification, c’est l’apprentissage de la connaissance, seule en mesure de relier les aspects divers, voire antagonistes d’une même réalité, de reconnaître les complexités au sein d’une même personne, d’une même société, d’une même civilisation. C’est la construction d’une justice réelle, qui permet à tous l’accès à un certain niveau d’éducation, à un logement, à un emploi, en résumé la possibilité de vivre dignement sans souffrir de discrimination de quelque sorte que ce soit.
Le véritable projet à opposer au réductionnisme, au manichéisme et à la réification, c’est l’apprentissage de la connaissance, seule en mesure de relier les aspects divers, voire antagonistes d’une même réalité, de reconnaître les complexités au sein d’une même personne, d’une même société, d’une même civilisation. C’est la construction d’une justice réelle, qui permet à tous l’accès à un certain niveau d’éducation, à un logement, à un emploi, en résumé la possibilité de vivre dignement sans souffrir de discrimination de quelque sorte que ce soit.
Donner du contenu au vivre-ensemble
L’universalité des droits de l’homme est la reconnaissance et l’affirmation qu’aucune vie individuelle ni aucune liberté ne peuvent se développer si la vie ou la liberté sont méprisées quelque part, pour quoi que ce soit et par qui que ce soit.
Nous nous sommes surtout préoccupés des droits fondamentaux ; il nous faut aussi considérer et faire vivre les droits économiques, sociaux et culturels. Il ne s’agit pas seulement de discourir sur le vivre-ensemble ; nous devons surtout lui donner du contenu, apprendre à vivre avec d’autres en développant les lieux de rencontre et de dialogue, et nous aider ensemble à affronter l’incertitude de notre temps.
Suis-je le gardien de mon frère ? Vieille question ! Une seule réponse : Oui.
****
Première parution de cet article dans la Lettre de Justice et Paix, n° 211, mars 2016.
Mgr Yves Boivineau, évêque d’Annecy, est président de Justice et Paix, service de la Conférence des évêques de France.
Nous nous sommes surtout préoccupés des droits fondamentaux ; il nous faut aussi considérer et faire vivre les droits économiques, sociaux et culturels. Il ne s’agit pas seulement de discourir sur le vivre-ensemble ; nous devons surtout lui donner du contenu, apprendre à vivre avec d’autres en développant les lieux de rencontre et de dialogue, et nous aider ensemble à affronter l’incertitude de notre temps.
Suis-je le gardien de mon frère ? Vieille question ! Une seule réponse : Oui.
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Du même auteur :
Terrorisme – Un travail en profondeur pour la justice et la paix
Lire aussi :
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