Depuis le milieu des années 2010, la question de la radicalisation islamiste est au centre du débat politique. Dans le livre Politiques de lutte contre la radicalisation, une vingtaine de chercheurs et universitaires présentent et comparent des politiques de lutte contre la radicalisation en France, en Europe, dans les pays anglo-saxons, dans le monde arabe et même au Nigéria ou en Chine. Suivant les cultures nationales ou les régimes politiques, le phénomène fait l’objet d’une compréhension et d'une application différentes.
Dès l’introduction, Juliette Galonnier, Stéphane Lacroix et Nadia Marzouki, qui ont ensemble dirigé l'ouvrage, tentent de démêler les conflits d’interprétation du terme « radicalisation », ceci sans prendre le parti de poser une définition « car il ne s’agit pas tant d’étudier la radicalisation en tant que telle que les politiques publiques mises en œuvre dans le but affiché de la prévenir ou de la contrer ».
Les experts, chercheurs et décideurs « sont en désaccord sur les formes de comportement qui peuvent être considérés comme modérées ou radicales ou encore sur la nature du lien entre religiosité et radicalité politique », écrivent-ils. Tous utilisent différents termes pour qualifier des indicateurs ou des expressions de radicalisation, comme « prosélytisme abusif », « extrémisme », « fondamentalisme ». Ou encore, « dissimulation », « dérives de type sectaire », « signaux faibles » pour qualifier des formes cachées d’engagement dangereux. Côté stratégie de lutte contre le phénomène, les incompréhensions sont également nombreuses.
Une chose est sûre cependant : « La déradicalisation tente de parvenir à une démobilisation totale des individus concernés (et) vise une transformation idéologique et cognitive interne. Ce qui est recherché en Occident, c’est une forme de conversion authentique non seulement à la non-violence mais aussi à une religiosité compatible avec le sécularisme. » À l’inverse du désengagement qui se contente de l’abandon du recours à l’action violente, d’une défection qui n'est pas forcément accompagnée d’un revirement idéologique.
Dès l’introduction, Juliette Galonnier, Stéphane Lacroix et Nadia Marzouki, qui ont ensemble dirigé l'ouvrage, tentent de démêler les conflits d’interprétation du terme « radicalisation », ceci sans prendre le parti de poser une définition « car il ne s’agit pas tant d’étudier la radicalisation en tant que telle que les politiques publiques mises en œuvre dans le but affiché de la prévenir ou de la contrer ».
Les experts, chercheurs et décideurs « sont en désaccord sur les formes de comportement qui peuvent être considérés comme modérées ou radicales ou encore sur la nature du lien entre religiosité et radicalité politique », écrivent-ils. Tous utilisent différents termes pour qualifier des indicateurs ou des expressions de radicalisation, comme « prosélytisme abusif », « extrémisme », « fondamentalisme ». Ou encore, « dissimulation », « dérives de type sectaire », « signaux faibles » pour qualifier des formes cachées d’engagement dangereux. Côté stratégie de lutte contre le phénomène, les incompréhensions sont également nombreuses.
Une chose est sûre cependant : « La déradicalisation tente de parvenir à une démobilisation totale des individus concernés (et) vise une transformation idéologique et cognitive interne. Ce qui est recherché en Occident, c’est une forme de conversion authentique non seulement à la non-violence mais aussi à une religiosité compatible avec le sécularisme. » À l’inverse du désengagement qui se contente de l’abandon du recours à l’action violente, d’une défection qui n'est pas forcément accompagnée d’un revirement idéologique.
Des politiques qui diffèrent selon les contextes
Les sept chapitres du corps de l’ouvrage analysent des thèmes et des exemples variés : genèse et développement des politiques de lutte contre la radicalisation en France, double dimension des prisons, analysées à la fois comme un incubateur de la radicalisation et lieu privilégié de lutte contre celle-ci, approches de la déradicalisation dans les pays du Moyen-Orient sur fond de contre-propagande idéologico-religieuse et de répression politique, lutte contre Boko Haram au Nigéria, pérennisation des programmes de luttes à travers les administrations et les gouvernements aux États-Unis et en France, tous concentrés sur la minorité musulmane et non dénués d’effets de répressifs durables…
Dans le chapitre de conclusion, Olivier Roy, auteur de Le djihad et la mort (éd. du Seuil, 2016), pose une question simple : « Mais pourquoi veut-on déradicaliser ? » Au XXe siècle, « personne ne travaille à une quelconque déradicalisation », rappelle le politologue. La réponse apportée au phénomène se situe « entre la répression et la négociation politique, les deux étant souvent menés en alternance, le tout parfois suivi d’une amnistie (OAS, IRA). Toutefois, on ne s’interroge pas sur les convictions des acteurs ; on leur demande juste de renoncer à la violence. Personne ne songe non plus à développer une contre-théorie à usage pédagogique en direction des radicaux emprisonnés ». Mais tout change à partir du 11 septembre 2001, « le terme et la pratique sont apparus exclusivement en rapport avec le radicalisme islamique. »
Dans le chapitre de conclusion, Olivier Roy, auteur de Le djihad et la mort (éd. du Seuil, 2016), pose une question simple : « Mais pourquoi veut-on déradicaliser ? » Au XXe siècle, « personne ne travaille à une quelconque déradicalisation », rappelle le politologue. La réponse apportée au phénomène se situe « entre la répression et la négociation politique, les deux étant souvent menés en alternance, le tout parfois suivi d’une amnistie (OAS, IRA). Toutefois, on ne s’interroge pas sur les convictions des acteurs ; on leur demande juste de renoncer à la violence. Personne ne songe non plus à développer une contre-théorie à usage pédagogique en direction des radicaux emprisonnés ». Mais tout change à partir du 11 septembre 2001, « le terme et la pratique sont apparus exclusivement en rapport avec le radicalisme islamique. »
Le radicalisme fut politique avant d'être religieux
Pour autant, rien qu’en Europe, le radicalisme n’a pas attendu la version religieuse du XXIe siècle pour faire des victimes. Les Brigades rouges en Italie, l’ETA en Espagne ou la Fraction armée rouge en Allemagne avaient une même pratique : frapper des civils pour faire passer un message politique et affaiblir un Etat. Les autorités les ont combattus sans chercher « à développer une contre-théorie à usage pédagogique en direction des radicaux emprisonnés », affirme Olivier Roy.
Or, note le philosophe et professeur à l’Institut universitaire européen de Florence (Italie), on considère que « la religion rendrait le radicalisé hermétique à toute approche politique ou même simplement rationnelle. L’individu resterait dangereux, tant que l’on n’aurait pas reprogrammé son logiciel religieux », à l’instar de ce que cherchait à obtenir l’Inquisition au Moyen-Age ou la rééducation politique dans certains pays communistes.
C’est la raison pour laquelle dans les pays laïcs occidentaux et surtout en France, on cherche à développer « un islam libéral, un islam éclairé, un islam des lumières », un islam qui doit « emprunter la voie que le christianisme a été contraint de suivre en Europe », caractérisé par « la séparation du religieux et du politique » et la conviction que « la foi est un choix personnel et réversible ». Une voie difficile pour Olivier Roy car « peu de gens se convertissent après avoir lu des traités de théologie, peu de radicaux étudient d’abord avant de passer à l’action ». On referme le livre avec moins de certitudes qu’auparavant. Un bon indice de l’utilité de cet ouvrage collectif.
Or, note le philosophe et professeur à l’Institut universitaire européen de Florence (Italie), on considère que « la religion rendrait le radicalisé hermétique à toute approche politique ou même simplement rationnelle. L’individu resterait dangereux, tant que l’on n’aurait pas reprogrammé son logiciel religieux », à l’instar de ce que cherchait à obtenir l’Inquisition au Moyen-Age ou la rééducation politique dans certains pays communistes.
C’est la raison pour laquelle dans les pays laïcs occidentaux et surtout en France, on cherche à développer « un islam libéral, un islam éclairé, un islam des lumières », un islam qui doit « emprunter la voie que le christianisme a été contraint de suivre en Europe », caractérisé par « la séparation du religieux et du politique » et la conviction que « la foi est un choix personnel et réversible ». Une voie difficile pour Olivier Roy car « peu de gens se convertissent après avoir lu des traités de théologie, peu de radicaux étudient d’abord avant de passer à l’action ». On referme le livre avec moins de certitudes qu’auparavant. Un bon indice de l’utilité de cet ouvrage collectif.
Juliette Galonnier, Stéphane Lacroix et Nadia Marzouki (direction), Politiques de lutte contre la radicalisation, Presses de Sciences Po, septembre 2022, 188 pages, 25 €
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